De Habib Essid à Youssef Chahed ou du « taghawil » au « ta3assof »

De Habib Essid à Youssef Chahed ou du « taghawil » au « ta3assof »

 

La classe politique tunisienne n’a pas d’égale dans le monde. S’il y a une exception tunisienne elle se trouve aussi dans les concepts politiques créés de toute pièce et qui n’existent nulle part ailleurs.

Lors de la formation du premier gouvernement de la seconde république, un terme était sur toutes les lèvres dés que les résultats de l’élection présidentielle étaient connus au soir du 21 décembre 2014. Béji Caïd Essebsi étant élu à Carthage et Mohamed Ennaceur au Perchoir du Bardo, nos politiciens quasiment de tout bord se sont mis à dénoncer le « taghawil » de Nidaa Tounés au cas où l’un des siens serait nommé à la Kasbah.

Tous ont donné de la voix pour priver le parti vainqueur de son droit, inscrit du reste dans la Constitution de faire nommer un de ses leaders à la tête du gouvernement. Ce serait alors, selon eux, la « mainmise » d’un seul parti sur tous les rouages de l’Etat. Ce qui était l’essence même de la démocratie se trouve ainsi caricaturée. Car dans toutes les démocraties représentatives la majorité, sortie des urnes, accapare tous les leviers de l’Etat pour appliquer la politique pour laquelle elle a été élue.

C’était dans ces conditions qu’une « personnalité indépendante » donc non-encartée au parti vainqueur qui a été adoubé à la présidence du gouvernement. On se rappelle que pour formaliser le choix de Habib Essid, Nidaa Tounés a remis une lettre en ce sens au président de la république qui l’a chargé comme le veut la tradition républicaine de former le gouvernement. La suite on la connait. Cette fois-ci s’agissant du gouvernement d’union nationale, la Constitution dispose qu’une fois l’assemblée des représentants du peuple retire sa confiance au gouvernement sortant, il revient au président de la république de nommer « la personnalité la plus apte » à former le gouvernement.

Mais comme la situation était exceptionnelle, le président de la république a cherché à associer les parties prenantes aux concertations sur le gouvernement d’union nationale à ce choix. C’est le sens de sa proposition faite lundi du nom de Youssef Chahed pour la présidence du gouvernement en leur donnant 48 heures pour approuver son choix ou s’accorder sur un autre nom. Passé ce délai, on revient à lui non avec un seul nom mais avec plusieurs. Chacun des partis qui ne font pas partie de la coalition sortante présente un nom sinon plusieurs. D’évidence ces partis-là ne conviendraient jamais d’un seul candidat. Si on les laissait faire, il leur faudrait plusieurs semaines sinon plusieurs mois de discussions, de tergiversations, de conciliabules pour enfin de compte annoncer qu’ils avaient échoué dans leur quête.

Rappelez-vous les nuits interminables du « Dialogue national » pour le choix du chef du gouvernement de compétences en cette fin 2013 que Houcine Abbassi a dû à la fin y mettre un terme par un semblant de vote pour arrêter les frais.

Cette fois-ci le temps était compté et les concertations ne pouvaient durer éternellement. Alors quand le président use de son droit constitutionnel et nomme la personne de son choix à la présidence du gouvernement l’ensemble des opposants à ce choix crie au « ta3assof » du président de la république. Le terme veut dire que le chef de l’Etat a « abusé » de son autorité.

Mais est-ce vraiment de l’abus de pouvoir quand le président de la république use des attributions qui lui sont reconnues par la Constitution. Surtout que son choix est approuvé par les partis disposant de groupes importants au Parlement. Car en fin de compte la démocratie ce sont des institutions et de l’arithmétique. Le reste n’est que de la littérature.

R.B.R.

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