Décès de M. Moncef Kchouk : la Tunisie perd un grand homme

Grand artisan du développement du sport tunisien et de celui de son club de coeur, l'Espérance Sportive de Tunis,

M. Moncef Kchouk a débuté sa carrière sportive en tant que joueur où il fit honneur au club "Sang et Or" et où il réussi un record toujours en vigueur, celui du plus grand nombre de buts marqué en un seul match (6 buts).

Grâce à ses qualités footballistiques hors pair, M. Moncef Kchouk a remporté le concours du jeune footballeur à deux reprises et se rendit à Paris pour représenter la Tunisie audit concours.

Sa vitesse, sa technicité et son sens du but ont amené le club professionnel français de l’Olympique de Marseille à s’intéresser à ce jeune talent. N’eut été le refus de son père, feu Si Hmaida Kchouk, M. Moncef Kchouk allait partir en France pour renforcer les rangs de l’OM.

D’un père magistrat (qui fut Président de Tribunal), issu de la bourgeoisie tunisoise, M. Moncef a reçu une éducation stricte. Il était presque tabou de parler de football, un sport jugé populiste au goût de son père. Bien que rien ne prédestinait Si Moncef à une carrière sportive de haut niveau, ce dernier a réalisé le rêve de devenir un grand footballeur tout en faisant une brillante carrière dans l’administration tunisienne où il fut Directeur à L’Agence Foncière Industrielle (AFI).

Dans sa carrière sportive, parallèlement au football et en l'absence de réglementation limitant le nombre de licences, Si Moncef était l'un des premiers artisans de la promotion des sports collectifs en Tunisie. Avec l’introduction du volleyball dans notre pays, pendant la période 1942-45, Si Moncef était l'un des premiers joueurs à pratiquer ce sport en Tunisie.
En même temps, M. Moncef Kchouk, fut Basketteur à la Zitouna Sport, et ainsi collectionner 3 licences (foot, volley et basket).

Pour le Handball, M. Moncef Kchouk y est aussi pour beaucoup dans l'introduction de cette section à l'Espérance. En effet, feu Chedly Zouiten, président du club de l'époque, a fait appel, en 1956, à des supporters passionnés pour veiller à la mise en place de ce sport et, bien sûr, Si Moncef Kchouk faisait partie des membres fondateurs.

En 1971, M. Moncef Kchouk est venu à la rescousse d’une Espérance blessée (suite aux incidents qu'a connus le club). Feu Hassene Belkhodja a fait appel à lui pour constituer le nouveau bureau directeur. Conscient de l'ampleur de la tâche Si Moncef refusa le poste arguant qu'un fervent supporter ne pouvait se transformer en responsable. Finalement, Si Moncef accepta de devenir membre après avoir été convaincu par celui qui l'appellera, après son décès, "Si Hassene Allah Yarhmou" à chaque fois qu'il évoque son nom.

Si Hassene Allah yarhmou, comme dirait Si Moncef, avait, en fait, déniché l'oiseau rare. Celui qui devint après quelques années le responsable incontournable du prestigieux club de la capitale. De 71 à 89, Si Moncef était l'un des membres les plus actifs et les plus efficaces de l'Espérance. A tel point que les présidents de l’époque (MM. Naceur Knani, Abdelhamid Achour, Moncef Zouhir, Mondher Zenaidi et Hédi Djilani) le consultaient, à chaque fois, avant de prendre de décision.

En 1986, M. Mondher Zenaidi, ayant été nommé à un poste ministériel, l'Espérance se retrouva sans président. A ce moment M. Moncef Kchouk  a réussi à convaincre son gendre, M. Hédi Djilani, de prendre les rênes du club.
Le tandem Kchouk-Djilani fut une réussite totale. Ce fut la consécration pour l'Espérance comme pour Si Moncef qui après des années de travail avec les différents présidents est arrivé à donner à l'Espérance une nouvelle dimension.

Ainsi ce tandem a permis à taraji d'atteindre, pour la première fois, une finale africaine (1988). Une première qui a ouvert la porte aux clubs tunisiens à davantage de réussite dans les compétitions internationales. Enfin pour couronner sa carrière de dirigeant, ce tandem, avait remporté le premier doublé (coupe-championnat) de l'histoire du club en 1989.
Le sentiment du devoir accompli, Si Moncef décida de passer le flambeau aux jeunes pour poursuivre l’œuvre.

Généreux dans l'effort sur le terrain et en tant que dirigeant, M. Moncef Kchouk le fut aussi dans la vie. D’un humanisme débordant et d’une grande bonté, ce grand monsieur a tant donné à sa famille, à ses amis et aussi à ceux qu'il connaissait peu ou pas du tout.

Reconnu pour son immense dévouement et pour son amour à sa "tarajji" où il fut sportif et éducateur, Si Moncef s'est également dévoué à aider son prochain en dehors du rectangle vert.

Les mots ne peuvent décrire ce qu’était ce saint homme. Humble, gentil, généreux, courageux et bien d'autres adjectifs ne peuvent exprimer réellement les qualités humaines de Si Moncef.

Celui que je croyais immortel s’est vu rongé par la maladie. Courageux jusqu'au bout. Sur son lit de mort, Sidi Moncef ne s'en est jamais plaint mieux encore il avait toujours le sourire. Il aura livré jusqu’au dernier soupir une lutte féroce pour ne s’avouer jamais vaincu. Son mal, incurable, aura eu raison de lui un lundi 16 août 2010, soit une semaine après son cousin et compagnon de toujours Si Mohamed-Radhi Kchouk.

Une foule d’anonymes et de personnalités du monde politique et économique s’était déplacée mardi matin, 17 août 2010, au cimetière Sidi Abdelaziz, pour accompagner M. Moncef Kchouk à sa dernière demeure. La cérémonie, empreinte d’une intense émotion, a été l’occasion de rappeler, lors d'une oraison funèbre, prononcée par le Secrétaire Général du club Sang et Or, le parcours exceptionnel d’un homme d’exception.

Inhumé au panthéon tunisien à côté des marabouts Sidi Abdelaziz et Sidi Salah, outre le dernier Bey de Tunisie Lamine Bey et bien d’autres, la cérémonie fut, tout simplement, à la hauteur de la place qu’occupait le défunt.

Allah Yarhmek Sidi Moncef. Puisse le bon Dieu t`accorder son infinie miséricorde et t`accueillir dans son paradis éternel. Repose en paix Grand père.

Par Mohamed-Hamza Lakhoua