Dossier vaccin : Confusion, absence d’anticipation et tiraillement ?!

 Dossier vaccin : Confusion, absence d’anticipation et tiraillement ?!

 

Confusion, absence d’anticipation et tiraillement entre les centres du pouvoir ont été à l’origine de la situation actuelle caractérisée par une gestion anarchique du dossier de la vaccination contre la Covid-19.

Alors que l’idée de création d’un comité d’investigation et de recherches cliniques en rapport avec la pandémie du coronavirus était avancée depuis le mois d’avril dernier dans le but de permettre à notre pays d’être en position prioritaire dans la livraison de vaccin y compris à titre gratuit, rien n’a été entrepris dans ce sens.

Le limogeage du ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, par le chef du gouvernement démissionnaire Elyès Fakhfakh en pleine pandémie a compliqué davantage la situation, puisque cette vacance a impliqué de nombreuses erreurs dont parait-il l’acquisition de tests rapides non conformes aux normes internationales, de même qu’il n’a pas permis l’augmentation des lits de réanimation.

Les contacts avec les laboratoires mondiaux pour le suivi des recherches ont été suspendus ainsi d’ailleurs que la livraison d’un stock stratégique de médicaments utilisés pour lutter contre l’épidémie.
Le ministère de la Santé était resté presque aux abonnés absents jusqu’au mois d’octobre 2020.

Ce n’est qu’à cette date que des contacts avaient été pris avec des experts tunisiens à l’intérieur et à l’extérieur du pays à l’image de l’ancien ministre Mohamed Salah Ben Ammar résident actuellement à Paris. Il leur a été demandé de prêter main forte au ministre Faouzi Mehdi en vue de mettre en place un plan urgent d’acquisition du vaccin anti-covid dans les meilleurs délais.

Mais les consultations se sont éternisées en raison d’une mauvaise estimation de la gravité de la situation. Certains de ces experts ont d’ailleurs été invités pour une séance décisive au ministère de la Santé le 23 novembre 2020. Une réunion à laquelle ont pris part particulièrement le ministre Faouzi Mehdi, le directeur de la santé Fayçal Ben Salah, le directeur de l’Institut Pasteur Hechmi Louzir et le docteur. Mohamed Hsaïri ainsi que d’autres experts en visioconférence.

Pendant plus de trois heures, la mise en place d’une stratégie pour l’acquisition du vaccin a été examinée. Le ministre de la Santé a réagi favorablement avec les propositions des experts en vue de porter une solution au retard constaté dans l’acquisition du vaccin surtout qu’il était soumis aux pressions du président de la République et du chef du gouvernement qui ont réclamé de lui des solutions rapides.

Hechmi Louzir aurait insisté sur la nécessité de se concentrer sur le système COVAX mis en place par l’OMS ainsi que sur l’obligation de s’approvisionner auprès des laboratoires ayant achevé les phases de tests et acquis les autorisations de mise sur le marché. Néanmoins, il semblerait que certains des participants à cette réunion n’avaient pas des connaissances avérées du domaine de la vaccination, ni des procédures d’entrer en contact avec les laboratoires.

D’autres refusaient l’importation de certains vaccins prétextant l’inscription de notre pays dans le système COVAX alors qu’on n’avait aucune précision sur les quantités prévues ni la date de livraison.

Au terme de cette réunion, il a été convenu de prendre contact avec les laboratoires pour accélérer l’acquisition de vaccins surtout avec l’aggravation de la pandémie et la colère de la population quant à l’incapacité de l’Etat à la protéger.

Alors que les contacts étaient supposés avoir lieu sans tarder, encore une fois ils ont été bloqués et il a fallu attendre le début du mois de janvier 2021 pour que des contacts aient lieu avec les laboratoires Pfeizer, soit un très long retard.

Une commande de deux millions de doses a été passée avec un coût élevé en raison des dates rapprochées de livraison et de l’ignorance des instruments de discussion des contrats et des prix établis. Il y a lieu d’indiquer que plusieurs experts avaient mis en garde au mois de novembre contre le fait de se concentrer uniquement sur le vaccin Pfizer en raison de l’incapacité de notre pays à assurer les impératifs logistiques indispensables pour faire réussir la campagne de vaccination.

Les experts avaient conseillé d’envisager l’acquisition des vaccins AstraZeneca et Moderna.

Cependant suite à la non-conclusion d’accord officiel avec aucun des laboratoires ayant fabriqué le vaccin, la présidence de la République est entrée en action. Ainsi la directrice du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, et le directeur de la médecine militaire Mustapha Ferjani ont pris contact avec des pharmacologues et des experts tunisiens installés à l’étranger en vue d’aider leur pays à s’approvisionner d’urgence en vaccin efficace. Ces derniers ont réagi favorablement à cette demande et ont présenté leur conception avec célérité en vue de solutionner le problème.

 A cet effet, la plupart a proposé l’acquisition du vaccin britannique AstraZeneca et donné un aperçu sur la négociation en vue d’acquérir le vaccin avec rapidité et aux meilleurs prix.

Comme les experts avaient conseillé l’acquisition des vaccins AstraZeneca et Moderna, le président Kaïs Saïed a demandé d’envisager le vaccin Astra au cours de sa dernière rencontre avec le ministre de la Santé et des membres du comité scientifique et donné des instructions d’entreprendre les contacts pour l’acquisition du vaccin efficace dans les meilleurs délais.

 Il a en outre chargé le ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi pour prendre contact avec ses homologues des pays qui disposent du vaccin en vue d’en assurer l’approvisionnement des Tunisiens dans les plus brefs délais.

 Le chef de l’Etat a pris contact avec son homologue algérien Abdelmajid Tebboune en vue de bénéficier d’une quantité des vaccins acquis par l’Algérie. Tebboune a approuvé de faire don au peuple tunisien d’une quantité des premiers vaccins qui seront livrés à l’Algérie dans le cadre des relations fraternelles entre les deux pays.

Cependant certains ont critiqué cette possibilité d’importer le vaccin chinois Sinovac des Laboratoire chinois Sinopharm, parce qu’il n'est pas encore homologué et qu’il n’est même pas arrivé au terme des derniers essais, bien qu’il soit déjà exporté vers d'autres pays comme l’Algérie, les Emirats, l’Egypte et le Mexique…

Toute cette confusion au niveau des démarches à tous les niveaux donnent la preuve que nos responsables ne se sont réveillés que très tardivement.

Les pressions se sont exercées sur le ministre Faouzi Mehdi qui s’est trouvé dans une position délicate ente le président de la République et le chef du gouvernement qui l’ont obligé à des résultats immédiats. Les choses se sont compliquées davantage avec l’intrusion des décideurs surtout que le ministre de la Santé travaillait sous la pression et dans la crainte d’être limogé à la faveur du remaniement ministériel envisagé surtout qu’il est considéré comme proche du Palais de Carthage.

L'entrée en ligne de « courtiers » et de suspects a encore brouillé la livraison du vaccin à l'Etat tunisien à travers leurs contacts avec des laboratoires internationaux et parfois parlant au nom de la Tunisie, à l’image du rappeur "K2Rym" et une dénommée Hanène-Ab, résidant en France, qui a apparemment contacté les laboratoires de Moderna aux Etats-Unis et demandé d'acheter le vaccin pour notre pays.

Elle a assuré ensuite au ministre Faouzi Mehdi qu'elle pourrait fournir le vaccin de ce laboratoire dès que possible. Cela lui a apparemment permis de disposer d’un document officiel dans le but de négocier au nom de la Tunisie pour acquérir le vaccin pour notre pays, bien que les laboratoires internationaux ne traitent qu'avec les autorités officielles et les experts en médicaments et refusent généralement de traiter avec des intermédiaires et des courtiers.

Il semble que la Tunisie se soit également transformée entre-temps en vrai « paradis » pour certains laboratoires pharmaceutiques, compte tenu du manque d'experts dans la négociation des accords d'acquisition de médicaments qui mettent le système de risk-sharing (partage des risques) en première position, puisque le contrat doit inclure une clause stipulant qu'en cas de complications après vaccination, la partie adverse est obligée de régler des compensations. Ceci doit tenir compte de la possibilité que la vaccination ne réponde pas positivement en raison de la spécificité possible de la souche du virus, répandu en Tunisie.

Cette confusion dans le traitement d’un dossier aussi décisif que celui de l’acquisition du vaccin anti-Covid est symptomatique de l’incapacité de nos politiques à gérer les affaires de l’Etat de la manière la plus optimale.

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