Elections législatives : la grande crainte de la désaffection de l’électorat

Elections législatives : la grande crainte de la désaffection de l’électorat

 

Les sept millions de Tunisiens inscrits sont appelés aux urnes ce dimanche 6 octobre pour élire leurs députés à l’Assemblée des représentants du peuple. En dépit de l’importance de ce scrutin crucial pour le pays puisque le parti qui en sera le vainqueur sera chargé de former le gouvernement qui prendra les rênes du pouvoir pour les cinq prochaines années, la grande crainte de la classe politique est un taux bas de participation à ces élections.

Outre un climat politique pollué par la controverse au sujet de la situation d’un des deux candidats qualifié au second tour de l’élection présidentielle qui se trouve en détention préventive et donc privé jusqu’ici de campagne, le trop grand nombre de listes de candidats aux élections législatives ne favorise pas la participation massive souhaitée. En effet avec plus de 1500 listes comptant plus de quinze mille candidats, soit une cinquantaine de listes par circonscription (avec un pic à 75 à Sidi Bouzid), l’électeur ne sait pas où donner de la tête et risque de déserter les urnes.

La désaffection de l’électorat peut conduire à un taux bas de participation qui ne risque pas cependant d’invalider le scrutin car la loi électorale tunisienne ne prévoit aucun seuil au-dessous duquel l’élection est considérée comme illégitime.

Quel que soit le taux de participation, ces élections législatives conduites sous le mode de vote à la proportionnelle avec les plus grands restes sans seuil minimum requis, vont donner lieu, selon les experts, à une grande fragmentation du paysage politique avec à la clé de grosses difficultés à mettre en place une coalition gouvernementale viable dans un délai raisonnable.

Bien qu’il soit interdit d’évoquer les sondages d’opinion réalisés et passés de main en main sous le manteau au cours des dernières semaines, les tendances lourdes qui ont commencé à apparaître dès le mois d’août n’ont pas changé de façon notable.

En effet deux partis politiques, Ennahdha et Qalb Tounes sont en ballotage pour la première place. Les déclarations des dirigeants du parti islamiste quant à la possibilité de résultats qui ne conforteraient pas le prochain président de la République qui serait à leurs yeux, Kaïs Saïed dont ils soutiennent la candidature laisse penser que la concurrence est rude entre ces deux formations. Elle est d’autant plus déterminante que celui qui arrivera en premier sera appelé à former le prochain gouvernement en vertu des dispositions de la Constitution en l’objet.

Si la bipolarisation est de mise comme lors des précédentes élections de 2014, le présent scrutin marqué par une atomisation de la scène politique, ne devrait pas permettre aux deux partis en tête de remporter l’un comme l’autre plus d’une cinquantaine de sièges. Ceci donnera de l’importance aux suivants, car leur appoint sera indispensable pour la formation du prochain gouvernement.

Sur ce plan on remarque le trop grand nombre de listes indépendantes de candidats dirigées par des notables régionaux qui peuvent engranger des sièges dans plusieurs circonscriptions rendant le paysage politique encore plus confus. Puisqu’il n’est pas exclu que ces listes indépendantes gagnent, si on les additionne ensemble, l’une des premières places dans le nouveau Parlement et leurs élus peuvent devenir les arbitres des éventuelles coalitions gouvernementales envisagées.

Néanmoins les sièges que peuvent gagner des partis antinomiques comme le Parti destourien libre (PDL) ou la Coalition Al-Karama, qui seraient en concurrence pour les places d’honneur risquent de peser lourd dans la balance, comme d’ailleurs les autres partis qui ont pris position pour Kaïes Saïed pour le second tour de la présidentielle comme le Courant démocrate de Mohamed Abbou ou l’UPR de Lotfi Mraïhi, ainsi que les listes menées par Safi Saïd.

Les listes de 3ich Tounsi sont dans la même configuration bien qu’elles n’aient pas indiqué leur choix pour le second tour de la présidentielle. Les listes des partis qui ont fait partie des précédents gouvernements et qui tous font l’objet d’un vote sanction, à l’instar de Tahya Tounes, Machrouu Tounes, Nidaa Tounes, Afek Tounes, Al-Badil Ettounsi et Beni Watani risquent de se retrouver avec des scores qui ne sont pas à la mesure des efforts qu’ils ont déployés pour séduire les électeurs, loin s’en faut. Mais ces partis, quel que soit le nombre de sièges obtenus peuvent par le jeu des alliances faire partie d’une coalition gouvernementale.

Les grands perdants de ce scrutin comme d’ailleurs du premier tour de la présidentielle seront les partis de la gauche classique à l’instar du parti front populaire, de la coalition Jebha ou l’Union démocrate sociale (UDS) rassemblée autour de Tunisie en Avant. Ces partis ne sont pas arrivés à percer dans un paysage politique plutôt confus.

Mais si le scrutin législatif compte pour ce qu’il va donner comme scores et nombre de sièges pour chaque parti ou liste de candidats, des personnes de première importance sont candidats à ce scrutin et leur performance, bonne ou mauvaise sera scrutée avec la plus grande attention.

Il en est ainsi du duel à Tunis-1 entre le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi et la candidate de l’UDS, Besma Khalfaoui, veuve du martyr Chokri Belaïd. Une victoire sans nuage du chef nahdhaoui lui ouvrirait-elle la voie vers le Perchoir de l’ARP comme on l’avance. Cette possibilité n’est pas exclue mais elle dépendra beaucoup du score obtenu par Ennahdha sur le plan national.

Reste une dernière question qui risque de jeter de l’ombre sur ce scrutin c’est celle de ces affaires de lobbying dont la justice s’est saisie et qui concernent trois partis en compétition pour les premières places à savoir Qalb Tounes, Ennahdha et 3ich Tounsi. Ces développements de dernière minute auront-ils des incidences sur l’électorat déjà déboussolé. On ne peut le savoir qu’après une analyse fine des résultats. RBR

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