Et si c’était lui, l’Homme providentiel !

Et si c’était lui, l’Homme providentiel !

Il se fait discret et ses apparitions publiques sont rares. Il n’a jamais donné d’interviews ni pavané dans les plateaux de TV comme la plupart de ses collègues. La semaine dernière il a été unanimement salué pour sa fermeté à un moment où l’on commençait à paniquer à la suite des attentats terroristes et de la maladie du président de la république et son hospitalisation à l’hôpital militaire de Tunis. Cet homme est devenu une figure familière des Tunisiens. Pourtant, il détonne dans la classe politique tunisienne. En effet, Abdelkrirm Zbidi, puisque c’est de lui qu’il s’agit est le seul à avoir été ministre sous Ben Ali, la Troïka et enfin ministre sous Béji Caïd Essebsi.

Dans un portrait bien ficelé publié dans « la Revue pour l’intelligence du monde » en février 2019, il est décrit comme un pur produit de l’école publique instaurée par Bourguiba au lendemain de l’indépendance, il est du genre à vouloir rendre à la République ce qu’elle lui a donné, en mettant ses compétences à son service. Dans son parcours, rien, du reste ne le destinait à être ministre, et encore moins à être ministre de la Défense nationale. Pourtant il est taillé comme du roc pour la fonction.

Même si la politique, il y est tombé quand il était tout petit puisque son grand-père fut un fervent militant de l’indépendance du pays, tour à tour Bourguibiste et Youssefiste, il n’y est venu que par hasard. C’est en technocrate, en effet, qu’il intègre le gouvernement en 1999, quand il est nommé comme secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de la recherche scientifique et de la technologie. C’est Daly Jazi, ancien ministre de la santé, aujourd’hui disparu, qui l’a proposé à Ben Ali. D’ailleurs, il ne tarit d’éloges à l’égard de cet homme d’état qui, avec Mohamed Charfi, alors ministre de l’éducation, faisaient la paire à cette époque. En 2001, il est promu ministre de la Santé publique puis en 2002 ministre de la Recherche scientifique et de la Technologie. La parenthèse ministérielle refermée, il revient à sa chère ville de Sousse où il retrouve avec bonheur ses étudiants. De 2005 à 2008, il occupe le poste de   doyen de la faculté de médecine de cette ville.

Un «taiseux » à la tête de la muette

Au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi se souvient de lui et l’appelle pour lui confier le 27 janvier 2011 le poste sensible de ministre de la Défense nationale. Quand il prend les rênes du gouvernement en mars 2011, Béji Caïd Essebsi le retrouve à ce poste. Le courant passe bien entre les deux hommes. Ayant fait ses preuves dans un moment délicat de l’histoire du pays, il est le seul ministre à être maintenu à son poste, par le gouvernement de la Troïka issu des élections de l’Assemblée nationale constituante du 23 octobre 2011 et dirigé par le mouvement Ennahdha. Ayant maille à partir avec l’ancien président provisoire Moncef Marzouki, il quitte la vieille bâtisse du Boulevard Bab Menara en mars 2013. Elu président de la République, et son parti Nidaa Tounés ayant remporté les élections législatives de 2014, Béji Caïd Essebsi pense à lui pour lui confier la primature. Il ne refuse pas mais pose des conditions dont il sait qu’elles sont inacceptables. Il a exigé de former son équipe en toute indépendance et en toute responsabilité. Quand il est appelé pour reprendre le ministère de la Défense nationale dans le gouvernement dit d’union nationale dirigé par le jeune quadra, Youssef Chahed, il ne peut se dérober. Il retrouve avec plaisir un département qui lui est familier et où il a laissé ses empreintes. Moderniser l’armée et améliorer la qualité de ses équipements pour lui permettre de combattre le terrorisme qu’il soit dans les monts du Nord-ouest ou en provenance du Sud-est, c’est l’objectif auquel il s’attèle avec méthode et d’indéniables succès. Il tient aussi au prestige du corps dont il a la charge. C’est pourquoi, il refuse le recours aux rafles des jeunes désœuvrés incorporés de force. Faire partie de l’armée pour défendre la patrie est un honneur et un privilège qui ne sont pas compatibles avec la contrainte, ni la coercition, selon lui.

Si l’homme ne ménage pas sa peine, car il n’aime pas tant que de se rendre auprès de ses troupes ou pour faire visiter les projets réalisés par l’armée notamment pour la mise en valeur les régions sahariennes, il parle peu, ne se pavane jamais dans les plateaux de télévision comme ses collègues en ont pris l’habitude. Taiseux, mais d’un abord facile, il n’a jamais accordé d’interviews, quand bien même il n’a pas la langue dans sa poche. Il a parfois des coups de gueule mémorables qui dérangent.

Pas obnubilé par la fonction

Abdelkrim Zbidi n’est point obnubilé par les avantages et les privilèges de sa fonction. Il est ainsi l’unique membre du gouvernement à avoir préféré garder sa pension de retraite de professeur hospitalo-universitaire et de se passer ainsi des émoluments de ministre. Pour logement de fonction, il a opté pour un appartement dans une caserne avec sa femme médecin retraitée comme lui. Il se sent très proche des militaires qui le lui rendent si bien, le considérant comme leur porte-voix et le chef du syndicat dont ils sont privés de par leur statut.

Proche de BCE, il est comme lui opposé au recours au décret du 26 janvier 1978 promulgué par Bourguiba sur l’état d’urgence dont il a dit publiquement qu’il est inconstitutionnel. Il a proposé un projet de loi en conformité avec la nouvelle Constitution de janvier 2014, pour le remplacer. Refusant de s’immiscer dans les tiraillements qui plombent le climat politique dans le pays, il a même tenté de rapprocher les vues entre le chef de l’état et le chef du gouvernement avec qui il entretient de très bons rapports.

N’ayant jamais adhéré à un parti politique, il jouit d’une bonne réputation d’homme intègre, droit et honnête. Il n’a jamais trempé dans le marigot de la politique. D’ailleurs, il est le seul ministre qui a toujours été épargné par la critique des députés et n'au aucun problème avec  les partis politiques.

Au moment où l’on part à la recherche de l’oiseau rare, et même s’il se refuse à ambitionner un quelconque rôle lors des prochaines échéances, beaucoup voient en lui l’homme providentiel.

B.O

 

 

 

 

 

 

 

 

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