Facteurs de succès pour les dirigeants d'entreprises tunisiens

Facteurs de succès pour les dirigeants d'entreprises tunisiens

Les entretiens avec les dirigeants des plus grands groupes tunisiens révèlent quatre facteurs de succès indissociables :

Être sans cesse attentif aux changements :

Dans un contexte de croissance forte mais souvent désordonnée, Il est essentiel indispensable de s'appuyer sur des convictions fermes en analysant ce qui est invariant dans son métier. Ce en quoi ce métier est utile aux gens, comme à l'économie. Parvenir à trouver et à comprendre ces invariants permet de s'adapter aux changements sans constamment modifier le modèle d'affaires dans son ensemble. Il faut donc avoir la capacité de remettre en question la compréhension que l'on peut avoir de l'environnement dans lequel on exerce son métier.

Ainsi, concevoir clairement l'essence même de son métier et percevoir simultanément les évolutions liées au mode d'exercice de son activité est une clé cruciale pour atteindre au mieux son cap, en assurant une transformation tranquille et non une disruption brutale.

Pour cette démarche, la conjugaison d'une intelligence analytique et d'une intelligence intuitive, c'est-à-dire d'une intelligence de la sensibilité aux gens et aux choses, est indispensable. Elle est la condition pour mieux comprendre, mieux anticiper. Anticiper, c'est penser la façon dont les collaborateurs, les concurrents, comme les clients, modifient l'environnement dans lequel on se déplace, mais aussi les réactions qu'ils vont manifester aux changements que l'on pense devoir conduire. Anticiper juste, c'est se permettre d'agir juste.

Une ingénierie du changement adéquate

La vie est un changement, une évolution permanente. Tout comme le travail. La vie ne s'arrête pas, nos projets non plus. Ce sont ces projets qui donnent du rythme à son travail, à sa vie, c'est le dynamisme d'une entreprise. Le rythme de la vie est un antidote à l'ennui. Sans jamais confondre le sens du rythme et la confusion due au surmenage.

Ainsi, avoir un accompagnement, une conduite, une ingénierie du changement adéquats est très important pour la réussite. Et l'intelligence de sensibilité est ici essentielle puisqu'elle permet de détecter et de considérer par anticipation les obstacles aux changements, grâce aux remontées des équipes. Et de dépasser les difficultés ainsi rencontrées sans pour autant perdre le cap.

Le changement doit avoir un cap défini, mais il s'agit obligatoirement d'un processus bien pensé et flexible. Lorsque l'on élabore une stratégie, on sait globalement où l'on veut aller, mais au fur et à mesure que le changement se déroule, on découvre les réactions des équipes et des clients. Il faut donc penser par avance autant que possible à l'arborescence des possibilités et non pas planifier le changement de façon rigide et s'y tenir quoi qu'il arrive. Une planification très souple et dynamique, intégrant les réalités rencontrées, dans un aller et retour entre la conceptualisation du processus suivi et la réalité qui se révèle au fur et à mesure de son déploiement, permet beaucoup plus sûrement d'atteindre son objectif.

Mais il y a plus. Une stratégie mal choisie amènera obligatoirement à l'échec. Mais proposer une stratégie pertinente est très loin de suffire à conduire au succès. La cohérence à rechercher est une condition impérative du succès. C'est celle de l'alignement de la stratégie, des moyens nécessaires pour la réussir et des systèmes d'incitation. Lorsque les moyens mis en œuvre sont au service d'une stratégie pertinente et que le système d'incitation fait en sorte que chacun ou chaque équipe est enclin ou encline à orienter son action vers la réalisation de la stratégie proposée, alors une sorte de magie opère. La réussite est bien souvent au rendez-vous. Cette cohérence des choix, vécue dans chaque équipe, est ainsi fondamentale.

Savoir construire une équipe :

Le mythe de l'homme providentiel comme figure d'autorité appartient au passé et à une certaine forme de caricature ; les CEO tunisiens modernes sont au contraire déterminés à réussir en équipe, et à construire aussi de nouvelles figures de leadership plus collaboratives et connectées à des univers modernes et internationaux.

Les dirigeants encouragent la motivation intrinsèque de leurs collaborateurs en formulant une vision porteuse de sens et des objectifs clairs. Ils agissent en tant que modèles et stimulent les capacités créatives et intellectuelles de leurs collaborateurs. Ils soutiennent leurs équipes dans leur auto-organisation et veillent à une nouvelle compréhension des rôles. Ce faisant, les leaders transformationnels transfèrent des pouvoirs de décision opérationnels et des responsabilités à leurs équipes.

Ne laissons pas l'ennui s'installer au travail. L'ennui, l'inquiétude et l'inconstance procèdent bien souvent de la nature humaine, comme le disait Blaise Pascal. Ils se renforcent les uns et les autres. Or le travail représente une si grande partie de notre vie qu'il est essentiel de rechercher le plaisir de travailler, pour soi comme pour son entourage. Donner du rythme, c'est donner du tempo, au sens musical du terme. C'est avoir en permanence des projets et les accomplir, et ne pas sentir le temps passer. C'est communiquer son envie et son plaisir de faire et de faire bien.

Le travail participe d'ailleurs à la socialisation de l'individu et à son émancipation. Il libère. Travailler, c'est participer et contribuer à la réussite d'une équipe, d'un projet. C'est par là-même contribuer à donner du sens à sa vie.

Garder son ego sous contrôle :

L’estime de soi est une pièce importante de la construction d'un leader, en particulier dans des cultures de rapport complexe à l'autorité. Pour autant, un ego surdimensionné est considéré comme le premier facteur d'échec pour les CEO tunisiens. L'espace et l'équilibre entre la formation d'une vision, la conduite de changements structurels profonds et l'émergence d'un style de management moderne et inclusif est la pierre philosophale des CEO interrogés dans cette enquête.

Une stratégie claire, expliquée, mais aussi partagée, c'est une stratégie qui n'est pas seulement impulsée par le haut, mais qui est également le fruit du dialogue permanent entre managers et managés. Et une attention particulière portée aux réactions des clients comme des concurrents. Ce processus est exigeant mais nécessaire et fructueux.

A l'âge de l'entreprise en réseau, avec l'intranet et l'information librement circulante, les managers ne doivent pas être des petits chefs assis sur leur rôle hiérarchique et placés derrière leurs collaborateurs en comptant les points. Ils doivent se trouver devant leurs équipes pour les tirer vers le haut, les motiver, leur donner du sens, du rythme, de l'envie, leur donner la joie de réussir, le plaisir d'y parvenir ensemble. Les aider à dépasser les difficultés rencontrées, les aider à progresser professionnellement pour favoriser leur autonomie et leur capacité d'initiative. Avec du contrôle, bien sûr, mais pour mieux avancer et progresser.

Amine BEN GAMRA

Expert Comptable

Commissaire Aux Comptes

Membre de l'Ordre des Experts Comptable de Tunisie

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