Faten Rouissi: "Des «trônes» pour une réunion"

Faten Rouissi: "Des «trônes» pour une réunion"

Faten Rouissi se décrit ainsi : «Je suis artiste pluridisciplinaire. Je mène, en Tunisie et à l’étranger, diverses actions artistiques qui rentrent dans le cadre de l'art contemporain. Je suis aussi enseignante universitaire (maître assistante à ENAU école nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis) et consultante en conception et réalisation. J’opte toujours pour les processus de croisement et de rencontres de divers champs d’action dans mes œuvres».

Quelle est votre spécialité ou vos spécialités ?
Je travaille avec plusieurs médiums, et m'exprime avec divers modes et moyens d'expression. J'ai réalisé plusieurs installations, performances, vidéos, assemblages et peintures. Pour chaque événement artistique, mes œuvres se présentent autrement et selon un processus créatif spécifique, mais selon une ligne conductrice. Mes réalisations puisent généralement dans mon environnement immédiat que je détourne et donne à voir de manière critique. Je pose depuis ces 10 dernières années une réflexion sur mon environnement sociopolitique

Pourquoi ce(s) choix ?
Je pense que l’essentiel pour l’artiste est sa conscience du vécu actuel, de ce qui est palpable et sensible, de cette contemporanéité dans toute sa dimension sociale, culturelle et politique.

Pourquoi avoir décidé de participer à la Biennale de l’art africain contemporain ?
C'est un désir de prendre part à cette rencontre africaine de renommée, de cette fête artistique spécifique à l’Afrique intelligente et visionnaire… celle de Senghor… Un pays précurseur en la matière de mise en place d’évènement d’art contemporain depuis déjà 24 ans…. Un pays en avance culturelle par rapport à la Tunisie dans ce genre d’actions artistiques.

Qu’attendez-vous de cette manifestation ?
Ce genre d’événement permet de se repositionner davantage. J’œuvre pour se redéfinir et questionner ma création et mes alternatives à l’internationale. Je vais rencontrer sans doute d’autres artistes et critiques d’art, comme aussi divers spécialistes du monde de l’art contemporain. Je suis prête à divers débats et dialogues de part l’œuvre que je présente à cette occasion.

Quelle œuvre allez-vous-y présenter ?
Je participe avec une installation que j’ai déjà exposée à Tunis- au Bac Art Center à Tunis, lors de l’Evénement : «ACT01»,  un événement qui entrait dans le cadre du Printemps des Arts Fair Tunis du 1er au 10 Juin 2012. Le titre de cette œuvre est «Le fantôme de la liberté» ou «Malla Ghassra». Il s’agit d’une grande table de réunion de couleur jaune, sur laquelle on trouve plusieurs micros (hauts parleurs) et un ensemble de papiers toilette peints en jaune aussi. Ces rouleaux de papiers hygiéniques sont éparpillés autour des micros. A l’occasion de cette réunion, au lieu de chaises on trouve 17 WC de couleur jaune. Le tout est surplombé sur une grande estrade de 5 sur 8 mètres.

Pourquoi celle-là ?
Pour répondre à cette candidature il fallait envoyer 5 œuvres récentes. Les commissaires d’expo du Dak’Art ont choisi cette œuvre. L’idée de cette installation tourne autour d’un hasard de rencontre entre une Installation  et un film. Après les élections du 23 octobre à Tunis, le parti islamiste est à la tête du gouvernement. Les faits et gestes dans la cité m’incitaient depuis au rejet, parfois au mépris et souvent à la révolte. Ras-le-bol, ras-le-bol… ! J’en avais assez des images proposées autour de moi et des discours médiatisés qui se voulaient justificatifs…Trop c’est trop ! J’ai donc pensé à une sorte de thérapeutique contre l’hypocrisie, le double langage et la fausseté. Il me fallait me débarrasser du stress citoyen par la dérision artistique. Ainsi est née l’idée de réunir des gens en conférence (notre constituante avec 217 membres) pour des besoins pressants. Une scène du film de Buñuel intitulé «Le fantôme de la liberté »(1974) a croisé tout de suite mon esprit.

Vous avez créé en janvier 2012 l’Association « 24 heures pour l’Art Contemporain », de quoi s’agit-il au juste ?
Pour répondre à ma manière au manque de structure pour l’art contemporain dans mon pays, j’ai fondé cette association avec Amel Ghroum, secrétaire générale, et Insaf  Kalchani,  trésorière. Il s’agit de contribuer à la structuration du secteur de l’art contemporain en particulier et à la culture en général. Nous agissons pour mettre en place, essentiellement pour et/avec le public-citoyen, des événements de promotion de la création contemporaine nationale et internationale, par des moyens d’actions diversifiés d’arts visuels et plastiques (performance, installation, photographie, vidéo, danse, design, théâtre, cinéma, musique) dans diverses villes et régions de la Tunisie. En mars 2013, notre Association a mis en place le projet «De Colline en Colline» en co-organisation avec le Goethe-Institut et avec l’appui de l’Union Européenne, dans 3 régions tunisiennes (Nord, Centre, Sud) et sur trois Hauteurs/ Collines : Sidi Bou Saïd, Takrouna et Chenini. J’ai été l’initiatrice et aussi la directrice artistique de cet événement.

Avez-vous d’autres projets associatifs ?
Cette année, les 19 et 20 avril, notre Association «24H Pour l’Art Contemporain» (24HPAC) lance, en partenariat avec le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) et l’Association Tunisienne des Jeunes Créatifs (ATJC), le Projet «Bye, Bye, Bakchich Système». Cet événement d’art contemporain va réunir 15 artistes : 9 tunisiens, 2 du Maghreb (Algérie et du Maroc) et 4 d’Europe (France, Allemagne, Belgique, Italie). Il s’agit de sensibiliser la société civile à la culture de lutte contre la corruption, à travers une démarche ludique et artistique qui se veut participative avec le public. J’ai conçu ce projet dans le cadre de l’appel à projet «Appui à l’établissement d’un Système National d’Intégrité en Tunisie » lancé par le PNUD.

Quels sont vos projets artistiques ?
J'expose en Belgique jusqu’au 20 avril, ensuite je vais au Dak'Art 2014 en mai, et en 2015 je participe à un projet aux Etats-Unis.

 

Propos recueillis par Charm Ata