Habib Essid, « intègre et patriote », mais sans aucun mérité !

Habib Essid, « intègre et patriote », mais sans aucun mérité !

 

La scène est surréaliste.  Malgré les proclamations de l’attachement à la Constitution, ça ne s’est jamais vu qu’un chef de gouvernement sollicite la confiance du Parlement alors qu’il sait pertinemment que la majorité qui l’a investi  ne veut plus de lui. Normalement, ce sont les députés qui auraient dû  déposer une motion de censure. C’est pour leur faciliter la tâche qu’Habib Essid a pris l’initiative de cette séance tout à fait extraordinaire. C’est un départ par la grande porte  dont il veut bénéficier parce qu’il est convaincu qu’il n’a pas démérité.

Mais est-ce qu’il va en être ainsi ? Quelle impression va rester chez l’électeur moyen et le  citoyen lambda de cette longue journée dont les débats sont diffusés en direct sur l’une ou l’autre des chaînes nationales.

Désavoué puis ovationné

C’est encore plus surréaliste lorsque les députés debout réservent une ovation au Chef du gouvernement à la fin de sa  réponse pour clore le débat. Avec la même verve Habib Essid a essayé de justifier l’action de son gouvernement. Sans pour autant cacher les difficultés que le prochain gouvernement va avoir  à affronter.

Mais comme attendu le couperet est tombé. Sur les 148 députés ayant pris part au vote, trois seulement (on va  savoir  vite qui ils sont) ont voté oui, 118 non et 27 se sont abstenus. Au début du vote, 191 députés étaient présents, ce qui veut dire que 43 n’ont pas pris part au vote. Le groupe du Front populaire a annoncé  qu’il ne prendrait pas part au vote ainsi que certains députés du groupe démocratique et social, ceux du courant démocratique et du parti Harak Tounés al-Irada. Tous ont expliqué leur geste en disant qu’ils n’étaient pas concernés par cette question.

Certes le chef de gouvernement a fait bonne impression par son discours introductif où il été offensif à souhait surtout qu’il a fait le choix non d’un texte marmonné dans sa barbe mais d’une improvisation qui a laissé transparaitre les défauts de l’homme mais où on a senti une sincérité réelle et un engagement à défendre son bilan. Mais cela ne suffit guère car les députés de tout bord s’en sont donnés à cœur joie pour critiquer l’action du gouvernement. Quand cela vient de l’opposition, particulièrement les députés du Front populaire, il est dans l’ordre des choses. Malgré un ton véhément et  parfois des glissements sémantiques, ceux-là étaient dans leur droit  et on peut comprendre leur position. Qu’ils osent interpeller y compris le président de la république à propos de son fils, dirigeant de Nidaa Tounés qui serait derrière l’initiative de gouvernement d’union nationale  comme l’a fait Ammar Amroussia, personne ne peut le leur reprocher.  Que l’un d’entre eux, Fethi Chamkhi se  pose la question  de savoir où sont allés les 15.000 millions de dinars empruntés par le gouvernement Habib Essid en 18 mois et à quel prix, chacun hausse les épaules et trouve ça normal.

La virulence des députés « nidaiistes »

Ce qui l’est moins c’est que les députés de Nidaa Tounés, le parti qui a proposé sa candidature au poste de chef de gouvernement,  ont  été les plus virulents à son égard. Tous ou presque se sont évertués à l’attaquer de façon frontale. Ils ne lui ont trouvé aucune vertu. A les écouter il n’a rien fait de bon. Son bilan est catastrophique quand ce n’est pas le pays qui va à la catastrophe. D’aucuns lui ont même reproché de vouloir faire renaitre les instincts régionalistes et tribalistes au sujet de son évocation de la militarisation de la région de Gafsa pour régler les problèmes de la production des phosphates.

Quand des députés de l’opposition parlent  de crise des valeurs sinon de crise politique pour qualifier le paradoxe de cette séance, les représentants d’Ennahdha n’ont pas manqué de trouver ce débat superflu en expliquant qu’ils sont dans une situation inconfortable car malgré toute la considération qu’ils vouent à Habib Essid  ils vont finir par lui retirer la confiance. Comme ils auraient aimé qu’il leur évite ce supplice.

Quand le verdict tombe et que comme attendu la confiance est retirée au gouvernement Habib Essid à la majorité absolue ( +9) , il y a comme un soulagement dans tous les rangs. Voilà une formalité de fait. D’ailleurs avant même que le président de l’ARP Mohamed Ennaceur ne lève la séance, les députés quittent la salle  comme pour oublier vite ce qu’ils viennent de vivre.

Habib Essid a-t-il eu raison de demander la convocation de cette réunion surréaliste. Ne voulant pas démissionner de son propre gré car il jugeait cela comme une désertion, a-t-il pour autant l’honneur sauf quand certains l’ont abaissé sinon humilié. Ils lui ont certes réservé une ovation à la fin de ce calvaire pour lui et pour eux, mais c’était peut-être une façon de se racheter pour ce qu’ils lui ont fait endurer.

Le président de la république maitre du jeu

Mais si  c’est pour voir tout juste trois députés lui trouver du mérite, c’est trop cher payer. Il aurait mieux valu pour lui d’annoncer dès la fin de son discours introductif qu’il démissionnait comme le bruit en a couru le matin. Surtout que le verdict ne faisait pas de doute. Il se serait épargné et aurait épargné  au peuple de voir le spectacle désolant d’un chef de gouvernement malmené et trainé dans la boue. Car c’est cela qui finira par s’imposer à la fin.

Désormais le président de la république devient le maitre du jeu. Dès ce dimanche  il va commencer ses consultations pour choisir la personnalité la plus apte à former le gouvernement d’union nationale. C’est  lui qui va être satisfait. Son initiative peut aller à son terme. Mais ce nouveau gouvernement va être attendu au tournant. Il va entrer en fonction dans les pires auspices. Non seulement il va hériter d’une situation  très difficile, mais les attentes seront telles qu’il  lui sera impossible de les  satisfaire.

Raouf Ben Rejeb

 

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