Hamma Hammami: La portée d’une candidature

Hamma Hammami: La portée d’une candidature

Hamma Hammami, porte-parole du front populaire, a déposé officiellement à l’ISIE sa candidature à la magistrature suprême. Si pour certains novices de la politique, la candidature  est un tremplin pour entamer une carrière politique et si pour certains hommes d’affaires banquiers ou avocats, la candidature est une sorte de reclassement professionnel, pour Hamma, il s’agit du couronnement d’un combat héroïque long de plus de 40 ans contre la dictature et pour l’instauration de la démocratie dans notre pays.

Le parcours du combattant

Le  combat mené par Hamma contre la dictature est tout simplement exemplaire et extraordinaire. Il est peut-être le chef politique qui a écopé la plus longue période d’emprisonnement en Tunisie  après l’indépendance, sans compter les années passées dans la clandestinité.

Il a deux avantages par rapport aux prisonniers islamistes qui eux aussi ont passé de longues années dans les prisons : d’une part, il a été emprisonné sous l’ère de Bourguiba et celui de Ben Ali, et d’autre part, c’est le seul leader politique qui a été emprisonné lors de la révolution et n’a été libéré qu’après la fuite du dictateur alors que certains dont les islamistes cherchaient des compromis avec le régime agonisant.

Hamma Hammami a mené son combat des années durant non pas pour instaurer une société rétrograde mais  pour dénoncer la dictature, revendiquer les libertés démocratiques, défendre les intérêts des classes populaires et réclamer l’égalité entre tous les citoyens et particulièrement entre les hommes et les femmes.

En somme, son combat s’est articulé autour de l’instauration d’un modèle sociétal tunisien démocratique moderne séculaire et progressiste.

A  l’instar de ses camarades, les martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi,  Hamma  Hammami représente un symbole, une icône et une fierté pour le peuple tunisien.

Le politicien prime sur l’idéologue

Prétendre que Hamma Hammami est renfermé sur son idéologie gauchiste est sûrement un cliché. Au contraire et à plusieurs tournants  historiques, il s’est montré pragmatique,  réaliste et fin tacticien. Quand la dictature s’abattait sur le peuple tunisien, il  n’a pas hésité à s’allier avec des islamistes, des libéraux, des nationalistes et des indépendants dans le cadre du  front du 18 octobre 2005 pour réclamer les libertés démocratiques.

Il  était parmi les 8 à avoir fait la grève de la faim entamée le 18 octobre 2005 le jour de l’ouverture du SMSI pour dénoncer la démagogie du régime de Ben Ali. Il martelait à ses camarades du parti réticents quant à l’alliance contre nature avec les islamistes que la dictature ne peut que renforcer les courants réactionnaires et  que pour mieux les  combattre, il faut d’abord instaurer la démocratie qui permettra de mener ce combat sous le regard et le contrôle du peuple.
 
Le pragmatisme de Hamma a encore payé à un autre moment historique de notre pays, après l’assassinat de Mohamed Brahmi en juillet 2013. Avec ses camarades du front populaire, ils étaient  des fondateurs du front de salut qui a mené un combat héroïque pour destituer la troika. A ses camarades qui critiquaient l’alliance avec Nida Tounes considéré par certains comme un symbole de l’ancien régime, il expliquait avec patience que le terrorisme et le fascisme sont les dangers réels qui guettaient la nation en ce moment historique. Il s’inspirait des expériences d’autres peuples  pour défendre l’importance stratégique d’un large front et d’une alliance solide contre le fachisme. La victoire du sit-in de Bardo lui a donné encore raison.

Rénover la gauche tunisienne

Lors du point de presse suite au dépôt de candidature, Hamma Hammami a insisté sur l’importance de renforcer les fondements  de l’état tunisien dans son programme électoral. Il a promis, s’il est élu président, de renforcer l’unité et la cohésion de la nation, de représenter tous les citoyennes et les citoyens et de défendre les intérêts de la nation et son intégralité territoriale.

Pour Hamma, l’état ne peut être fort que par une armée républicaine  et indépendante des influences politiques et des forces de sécurité intérieures fidèles  à la république professionnelles et bien outillées et une administration forte efficace et indépendante. Ainsi le leader du front populaire rejette les propos mensongers qui accusent la gauche d’anarchie et de non respect de l’Etat.

L’intégration de l’identité arabo-musulmane dans la pensée politique du front populaire est une avancée importante face à ceux qui accusent le front populaire de marginaliser la religion. Mbarka  Brahmi a exposé   lors de la conférence de presse  l’islam défendu par le front populaire qui est en parfaite symbiose avec les valeurs humaines universelles, telles que la liberté la tolérance, la dignité et l’égalité. Elle a accusé les extrémistes islamistes de  déformer  notre religion par leurs pratiques liberticides et terroristes et de véhiculer de faux messages à propos de notre religion.

Les leaders du front populaire ne cessent d’exprimer leur respect pour la bourgeoisie nationale qui crée les richesses et les emplois,  participe activement au développement du pays, respecte les droits des travailleurs et s’acquitte de ses charges sociales et fiscales.

Une campagne de mensonges vise le front et l’accuse d’être contre les établissements privés et contre  le secteur libéral en général. Certains diffusent même un mensonge grotesque et anecdotique que le front envisage d’exproprier les propriétés privées. C’est complètement faux et mensonger.

L’économie de marché est une réalité incontournable et c’est dans ce cadre que le front populaire, qui défend farouchement  les couches populaires, exige une meilleure répartition des richesses entre les couches sociales, les régions et les générations.

La Tunisie nouvelle a besoin de la conjugaison de tous les efforts de tous les citoyens et toutes les couches sociales (travailleurs, patronat, professions libérales, petites et moyennes entreprises…) pour surmonter les difficultés et réussir la transition démocratique et le développement économique et social.

Hamma Hammami et les leaders du front populaire ne cessent d’évoquer dans leurs discours l’importance de la morale dans notre société qui a perdu sous la dictature l’essentiel des valeurs qui le caractérisaient dans le passé. La solidarité entre les citoyens, la crédibilité, la confiance, le patriotisme, le respect, le civisme, l’altruisme, le labeur et l’amour du travail...sont autant de valeurs qu’il est nécessaire de raviver dans notre société et qui pourraient constituer  des leviers pour le développement de notre pays.

Dans l’avenir, le challenge des leaders du front c’est de persévérer dans la rénovation de la gauche pour qu’il soit «  tunisifié » et arabisé et l’ancrer profondément et définitivement dans la société tunisienne.
 
Rassembleur des forces progressistes

Après le séisme des élections du 23 octobre, plusieurs tentatives de regroupement des forces politiques ont eu lieu. Malheureusement, Aljoumhouri a explosé et de  l’Union Pour la Tunisie ( UPT) il ne reste que peu de choses. Seul le front populaire, de l’avis de tout le monde, a réussi son expérience unioniste qui remonte  à 2 ans. Le mérite de cet acquis revient aux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi et à Hamma Hammami.
 
Un leader d’un parti politique  peut ne pas être le meilleur orateur ou le plus intelligent ou le plus ancien. La qualité essentielle requise d’un leader c’est sa capacité à rassembler les hommes et les femmes de son parti autour de choix politiques déterminés de façon collégiale.

La révolution et la transition démocratique nous ont montré qu’il y a sur la scène politique tunisienne très peu de rassembleurs et beaucoup de scissionnistes, ce qui explique le déchirement des forces démocratiques. Hamma Hammami est parmi les rares rassembleurs et c’est grâce à cet esprit qui règne dans le front que le front avance sûrement malgré les difficultés.

Dans l’avenir, cet esprit d’union et de rassemblement des forces progressistes au sein du front populaire doit se poursuivre car les classes populaires, les jeunes et les femmes en ont vraiment besoin.

Abdelmajid Mselmi, Membre du front populaire