Hatem Kotrane : le verdict « autorise l’agresseur à laver son crime dans le propre sang de sa victime »

Hatem Kotrane : le verdict « autorise l’agresseur à laver son crime dans le propre sang de sa victime »

 

Dans un entretien accordé au journal la Presse de jeudi 15 décembre, Hatem Kotrane, professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis et membre du Comité des Nations unies des droits de l’enfant, a qualifié le verdict prononcé par le Tribunal de première instance du Kef autorisant le mariage d’une mineure de 13 ans ayant subi un acte sexuel de la part d’un jeune homme, de « discriminatoire ». Il a expliqué que ce jugement « autorise l’agresseur à laver son crime dans le propre sang de sa victime ».

 Il a rappelé, à cet égard, les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, faites à l’issue de l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques de la Tunisie sur l’application de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), où ledit Comité s’est dit préoccupé, notamment, «…par les articles 227 bis et 239 du Code pénal, selon lesquels le violeur ou le ravisseur sont exonérés de peine s’ils épousent ensuite la victime ». Le Comité, en conséquence, «…engage vivement l’État partie à modifier les articles 218, 227 bis et 239 du Code pénal afin que les auteurs de violence contre les femmes ne puissent tirer un avantage injustifié de leurs actes délictueux…». Il a souligné que  « la même recommandation a été au cœur des observations finales du Comité des Nations unies des droits de l’enfant, faites à l’issue de l’examen, le 4 juin 2010, du troisième rapport périodique de la Tunisie sur l’application de la Convention des droits de l’enfant, où ledit comité «…recommande à l’État partie… d’amender l’article 227 bis du Code pénal afin d’interdire expressément de faire subir, même sans violence, l’acte sexuel aussi bien aux filles qu’aux garçons de moins de 15 ans accomplis…».

Pour remédier à ce genre de situation, Hatem Kotrane propose de « maintenir l’article 227 bis du Code pénal dans ses paragraphes 1 à 3 qui punissent d’emprisonnement pendant six ans celui qui fait subir, sans violence, l’acte sexuel à un enfant âgé de moins de quinze ans accomplis, étant rappelé que le viol est plus lourdement sanctionné par les dispositions précédentes de l’article 227 du même Code. Il faut, en revanche, étendre l’infraction et les peines encourues au cas où la victime serait un garçon, et ne pas limiter cela au cas d’un enfant de sexe féminin. En fait, tant les femmes que les hommes peuvent subir des agressions sexuelles, y compris un viol. L’article 227 bis donne alors une idée sur l’opinion que porte le législateur qui opère une discrimination intolérable entre citoyens basée sur le genre. Mais il faut surtout supprimer l’autorisation légale de violer les droits des enfants, notamment des petites filles, en abrogeant tout simplement le paragraphe 4 du même article 227 bis, selon lequel «le mariage du coupable avec la victime… arrête les poursuites ou les effets de la condamnation…». Il faut, dans le même sens, abroger purement et simplement tout l’article 239 du même Code selon lequel «le mariage de l’auteur de l’infraction avec la fille qu’il a enlevée a pour effet la suspension des poursuites, du jugement ou de l’exécution de la peine».

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