Héritage des femmes : le Mufti Othman Battikh change sa position du tout au tout

 Héritage des femmes : le Mufti Othman Battikh change sa position du tout au tout

 

Othman Battikh est Mufti de la République une fonction qui lui donne le pouvoir de donner ses avis sur les questions religieuses et à l’occasion annoncer l’avènement des mois lunaires surtout le 1er jour de Ramadan et les deux Aïds et parfois recevoir les nouveaux convertis pour leur faire réciter la profession de foi, signe de leur entrée en Islam. Alors, lorsque le président de la République a lancé le débat sur la question de l’équité successorale entre femmes et hommes tout le monde a pensé à lui.

Car il se trouve qu’il y a un an le 28 juin 2016 précisément l’agence TAP lui a posé la question en rapport avec la proposition de loi du député (alors) Mehdi Ben Gharbia sur la question. La réponse du Mufti Othmane Battikh a été claire et nette. L’égalité en matière d’héritage est contraire à la loi musulmane (charaa) s’agissant d’une question réglée par un texte qui ne souffre aucune interprétation. Il va plus loin en ajoutant qu’aucun « ijtihad » (effort de réflexion) n’est possible à ce sujet puisque le verset coranique à ce sujet est, on ne peut plus, précis.

D’ailleurs alors que la ministre de la femme et de la famille(de l’époque) Samira Maraï a appelé à un « débat sociétal » sur le sujet lui a été catégorique : « Il n’est nul besoin d’ouvrir un débat sur la question qui risque d’être exploité par les extrémistes », a-t-il préconisé.

Mais après que le président de la République Béji Caïd Essebsi ait rouvert le débat dimanche à l’occasion de la fête de la femme, voilà Diwan al-Ifta( l’Office du Mufti) nous sort un communiqué qui dit tout le contraire. Ce n’est pas le Mufti mais c’est l’administration dont il a la charge qui le fait et ce ne peut être qu’avec l’aval de ce dernier.

Le texte, par son vocabulaire mielleux nous fait revenir plusieurs années en arrière tant il est dithyrambique envers le chef de l’Etat « notre père à tous » dont il loue « la grande expérience et la hauteur de vue » en passant par des phrases surannées telles que « il parle au cœur et à la raison » des Tunisiens, sans se priver de dire qu’il a fait comme à son habitude un discours « magnifique » dans son style « solide ».

Mais au-delà, c’est une position totalement différente qu’il prend à l’égard de l’égalité successorale puisqu’il y a adhère totalement en puisant d’ailleurs dans les versets coraniques un texte qui dispose de l’égalité des devoirs et des droits des femmes (par rapport aux hommes ).

S’en suit tout un paragraphe de félicitations à la femme tunisienne pour ses acquis (comme si la question est réglée), de vivats à la Tunisie (république libre indépendante et civile éternellement-en arabe dans le texte) et enfin de remerciements vifs à « Monsieur le président Béji Caïd Essebsi entouré de la sollicitude divine permanente » (ça aussi c’est dans le texte).

Pas un mot néanmoins sur la circulaire 73 alors que c’est le Mufti qui a la charge de faire reconvertir à l’Islam les futurs mariés aux Tunisiennes. A moins qu’en parlant de l’égalité il y inclut le droit à la Tunisienne de se marier à un non musulman comme le ferait le Tunisien pour qui c’est licite de prendre pour épouse une non-musulmane.

Dans tous les cas peut-on encore croire un Mufti qui dit une chose et son contraire sur une question qui est de l’essence même de sa fonction. Le dicton arabe ne dit-il pas que celui qui préconise une chose puis une autre qui lui est opposée, ment deux fois.

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