Imed Trabelsi privé d’accompagner son père à sa dernière demeure : Où est passée l’humanité qui est en nous

  Imed Trabelsi privé d’accompagner son père à sa dernière demeure : Où est passée l’humanité qui est en nous

Hier on parlait beaucoup de ça, car les Tunisiens ne sont pas des bêtes de somme qui n’ont pas de sentiment. Ça, c’est la décision, saugrenue, froide, irraisonnable prise par une administration sans cœur qui a privé un homme de jeter un dernier regard sur son père et l’accompagner à sa dernière demeure.

La mort est toujours un drame. C’est surtout un drame intime. En ne permettant pas à Imed Trabelsi de faire ces gestes filiaux, simples mais combien importants envers son père Mohamed Naceur Trabelsi, l’administration pénitentiaire a commis une grave erreur. Elle a été prise en flagrant délit d’inhumanité.

On glosera longtemps sur cette décision, mais le fait est là et, on ne peut plus, teinté d’une forte dose de revanche qui n’a pas raison d’être, un homme n’a pas ce droit simple mais combien lourd de sens de faire son deuil. On nous a dit au départ que le prisonnier n’ayant pu être au courant du décès de son père, puisqu’il était derrière les barreaux, il n’a pu faire sa demande de sortie comme l’exige la loi. Mais cette information s’est avérée fausse car le défenseur d’Imed Trabelsi qui est lui en liberté a bien introduit une demande, laquelle soumise au juge concerné a reçu un avis favorable.

Puis est venue l’explication de l’administration des prisons, qui s’appelle désormais le comité des prisons et de la rééducation dont le porte-parole a affirmé que son administration n’a pu exécuter une décision de justice faute de moyens logistiques appropriés. En bon français cela veut dire que l’administration pénitentiaire n’a pas de moyens de transport et des gardiens pour accompagner le prisonnier. Qui peut le croire ? Personne évidemment.

Puis on a nous a livré une autre version : Etant condamné à de lourdes peines allant à plus de cent ans de prison et étant en détention préventive pour d’autres affaires en cours le prévenu ne peut être autorisé à sortir car sujet à une évasion certaine. Là aussi on peut d’autant moins croire cette version que la justice qui est à l’origine de ces peines ne pouvait prendre une décision qui pourrait être contestée. L’administration se devait d’exécuter une décision de justice et n’a aucun droit de l’interpréter dans un sens restrictif.

L'incrédulité est encore plus manifeste lorsque l'on entend le porte parole de ce comité dire que la décision de ne pas permettre à Imed Trabelsi d'accompagner son père à sa dernière demeure est motivée par des considérations sanitaires car il pouvait attraper le coronavirus à cette occasion. Si une poignnée de personnes pouvait le lui inoculer ça serait un hasard impossible puisque la distanciation physique pourrait être facilement assurée. Pour mémoire un député nahdhaoui mort de la Covid a été inhumé en présence de centaines de personnes y compris le président de l'ARP en violation de toutes les règles sanitaires édictées, mais ça c'est une autre histoire! 

Plus de dix ans après la révolution, on aurait cru que la page de l’ancien régime a été tournée. Pourquoi s’acharner encore sur les parents et alliés de l’ancien président Ben Ali et de sa veuve Leïla Trabelsi. N’est-il pas venu le temps de la mansuétude et de la magnanimité à laquelle nous incite notre religion musulmane et nos traditions les plus ancrées.

Naceur Trabelsi, le père d’Imed est mort dans le dénuement et l’isolement puisque son corps a été découvert deux jours après son décès. Il n’a pas été le seul à passer de vie à trépas dans des conditions inhumaines. Son frère Moncef, maintenu en prison alors qu’il était gravement malade a subi le même sort deux jours après sa sortie de prison. Tout comme son autre frère Mourad mort en prison.

Dans ces conditions comment peut-on imaginer que les autorités françaises acceptent d’extrader leur autre frère, Belhassen. D’ailleurs dans son arrêt refusant cette extradition, la justice française a bien spécifié que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies Loin s’en faut, peut-on ajouter.

Lorsque l’on voit que Naceur Trabelsi qui fut un homme courtisé être inhumé en présence tout au plus d’une dizaine de personnes, l’on ne peut que se dire que les temps peuvent changer du tout au tout en quelques années. Si entouré lorsqu’il était proche du pouvoir et fortuné pour cette raison, il est mort sans que personne ne se rende compte de sa disparition.

Nos gouvernants, dont certains furent parfois des victimes des exactions de l’ancien régime ne doivent-ils pas prendre conscience que la fortune peut tourner et que le balancier de l’histoire peut changer de direction. A la décharge de l’ancien régime, c’est qu’il ne fut pas aussi revanchard, puisque plusieurs prisonniers de l’époque condamnés à de lourdes peines ont été autorisés à accompagner un père ou une mère à sa dernière demeure.

Il importe maintenant que l’on tire des leçons de cet état de choses. Il est temps de tourner la page de l’ancien régime définitivement. On ne s’explique pas qu’Imed Trabelsi ou Slim Chiboub restent en prison alors qu’ils ont exprimé leur disposition à payer leur dû à la communauté nationale. D’ailleurs ils ont signé des accords avec l’Instance Vérité et Dignité dont on ne sait pas quel est leur sort après la fin de mandat de cette institution.

Il ne fait de doute que parmi les échecs patents de la transition démocratique et ils sont nombreux figure la justice transitionnelle qui n’est pas été en mesure d’instaurer la réconciliation nationale, laquelle reste un vœu pieux.

Puisse cet incident lourd de sens être le moteur pour que l’on remette en place les mécanismes devant conduire à cette réconciliation tant souhaitée et souhaitable.

RBR

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