Initiative présidentielle : Face au scepticisme ambiant il faut aller jusqu’au bout

Initiative présidentielle :  Face  au scepticisme ambiant il faut aller jusqu’au bout

 

Prévue  vers la fin du mois, la conclusion des concertations sur le gouvernement d’union nationale n’aura pas lieu avant la fin de la première semaine du mois prochain si tout va bien. Compte tenu des fêtes de l’Aïd, le nom du prochain chef du gouvernement ne sera pas connu avant le 7 juillet.

En effet, trois semaines après l’annonce par le président de la république de son initiative pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, on en est encore au point de départ. Certes,  des concertations ont eu lieu au niveau le plus élevé et  des commissions ont été constituées, mais aucune avancée n’a été observée sur la voie de la mise en œuvre de l’initiative. Il parait même que tout le travail d’approche soit tombé à l’eau et qu’on  reprenne tout à zéro.

Il y a comme l’impression que certaines parties parient sur le temps pour faire avorter  l’initiative mais plutôt pour voir l’idée  s’essouffler,  tant et si  bien que son auteur désespère de la voir aboutir et y mette un terme.

Boycott et cris d’orfraie

La question qui se pose légitimement : élargir le cercle non des concertations mais des parties prenantes était-elle une bonne idée. Dans son annonce, son initiateur a parlé des quatre partis de la coalition et des deux centrales ouvrière et patronale, comme ce fut le cas pour le « Front national » au lendemain de l’indépendance en 1956. En y incluant six autres formations politiques et une organisation sociale, on a fait en sorte d’ouvrir la boite à Pandore. Cela a abouti, en conséquences collatérales,  au boycott par le Front populaire des concertations et  par les cris d’orfraie des autres formations politiques et organisations de la  société civile pour leur exclusion de ces concertations. Produisant ainsi des fissures dans l’unité nationale au lieu de la consolider.

Que le président de la république cherche à avoir les positions des uns et des autres sur son initiative c’est tout à fait normal. C’est d’ailleurs un comportement à saluer et à encourager. Cela se passe dans les grandes démocraties même celles où il y une bipolarisation flagrante de la classe politique comme c’est le cas en France. Mais seuls les partis partageant la même vision peuvent être appelés à siéger au sein du gouvernement projeté. C’est sur cette base que le second round des concertations peut se dérouler.

De ce point de vue « le boycott » du Front populaire est une bonne chose. Arrivant à la conclusion que ses idées sont incompatibles avec les critères sur lesquels le prochain gouvernement devrait être formé, le Front de Hamma Hammami et de ses camarades a pris de ce point de vue la bonne décision. Mais quelle différence y-a-t-il entre le FP et le parti Massar ou le parti du peuple pour que ces derniers s’associent aux concertations et pas lui. Sur toutes les questions d’importance, comme l’endettement  les rapports avec le FMI  ou le modèle libéral de développement, rien ne les distingue les uns des autres. Les impliquer ne va que prolonger les délais de mise en place du gouvernement. Encore que rien ne dit qu’ils iront jusqu’au bout. Peut-être quitteront-ils le navire au moment le plus inopportun remettant les compteurs à zéro.

Pour Al-Joumhouri, le Machrou3 Tounés et le Moubadara, cela ne risque pas d’arriver car ce ne sont pas des formations dogmatiques ou idéologiques et le pragmatisme va certainement les pousser à adhérer à toutes les phases de la mise en œuvre de l’initiative surtout si on leur miroite au bout une participation effective au gouvernement, ce qui sera probablement le cas.

Les gages des organisations nationales

Quant aux trois organisations nationales, leur implication ne peut qu’être utile surtout  qu’elles ont dit dès le départ qu’elles n’ont aucune intention de  se faire représenter directement au prochain exécutif. Leur participation aux concertations et même aux choix des personnes ne peut qu’être positive car elles donneront des gages à la nouvelle équipe surtout qu’en tant que partenaires sociaux elles joueront un rôle majeur dans la mise en exécution de la politique convenue ensemble.

S’il était attendu que l’initiative ait l’effet d’un choc psychologique salvateur, il faut bien reconnaitre que c’est raté. Mais il faut faire en sorte de ne pas rater le coche en allant jusqu’au bout de l’idée. Revenir en arrière entamera définitivement le peu de crédit dont jouit encore la classe politique dans son ensemble et ce sera un aveu d’impuissance qui entamera durablement le prestige de l’Etat. Il faut néanmoins aller vite sans se précipiter et faire aussi œuvre de pédagogie pour accompagner les phases de la mise en œuvre du gouvernement d’union nationale.

Il y a comme un scepticisme ambiant qui touche tant la classe politique que l’opinion publique. Le doute commence à s’installer sur l’utilité de l’initiative elle-même. Des interrogations fusent sur son opportunité surtout que le choix du mois de Ramadan et de la période pré-vacances n’était pas indiqué. Revenir en arrière maintenant est suicidaire. C’est pourquoi l’initiative doit aller jusqu’à son terme.

Maintenir Habib Essid serait le moindre mal

La séquence du choix du chef du gouvernement est attendue avec grand intérêt. Il ne faut pas que le président de la république rate le coche   en sortant un nom de son chapeau et en l’imposant aux autres car ce sera vider l’initiative de sa substance. Quitte à prolonger les concertations, il faut qu’il y ait un large consensus sur la personne à choisir. Sinon maintenir Habib Essid à la tête du gouvernement serait le moindre mal.

Raouf Ben Rejeb

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