Internationaliser la crise interne, les dirigeants tunisiens ont-ils perdu la boule ?

 Internationaliser la crise interne, les dirigeants tunisiens ont-ils perdu la boule ?

 

Depuis sa prise de fonction, le président de la République Kaïs Saïed réunit pour la première fois un groupe d’ambassadeurs, celui des pays de l’Union européenne pour leur parler sans ordre du jour défini à l’avance de questions et d’autres concernant les relations entre la Tunisie et son premier partenaire sur tous les plans.

Dans une allocution liminaire, prononcée en français le président de la République a donné le ton. Certes, il sera question des sujets et des préoccupations que les deux partagent en commun, comme « le fléau de la migration » illégale, mais personne n’est dupe, c’est la crise interne en Tunisie qui sera au centre de la discussion voulue « à bâtons rompus » comme on l’a bien compris.

Les ambassadeurs ont devant eux le principal protagoniste de la question et c’est l’occasion idéale pour en avoir le cœur net. De quoi pouvoir enrichir les rapports qu’ils se doivent de faire parvenir à leurs capitales et de la meilleure source qui soit.

Certes, Kaïs Saïed a planté le cadre en parlant de stabilité gouvernementale et de stabilité politique, deux concepts dont il définit les termes, en osant devant l’ambassadeur de l’Italie, faire la comparaison avec la Péninsule. Quand bien même, comparaison n’est pas raison, la situation dans les deux pays voisins n’a rien de comparable, l’Italie faisant partie des pays industrialisés ce qui n’est pas le cas de la Tunisie.

« La constitution, rien que la constitution, toute la constitution » a dit Saïed pour justifier sa position concernant le remaniement ministériel qu’il a rejeté, de quoi alimenter la discussion qui n’a pas manqué de s’engager et dont on n’a rien su.

Internationaliser la crise interne tunisienne, était-ce opportun. Etait-ce surtout du rôle du président de la République de s’y aventurer. Ne tend-il pas ainsi la perche aux autres protagonistes, le président de l’ARP et le chef du gouvernement de s’engager chacun à son tour.

Ce que Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi n’ont pas manqué de faire en recevant chacun à son tour, cette fois-ci ; l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, Donald Blome.

Si l’ambassade américaine a donné une information sobre et laconique sur les deux entretiens centrés sur les relations bilatérales, le soutien continu des Etats-Unis à la Tunisie ou les priorités de la nouvelle administration Biden, la présidence du gouvernement a été plus prolixe. Ainsi a-t-on relevé que l’ambassadeur américain s’est dit confiant quant à la réussite de l’expérience démocratique naissante grâce à la conjugaison des efforts de tous les Tunisiens.

La présidence de l’ARP s’en est donnée quant à elle à cœur joie, publiant un long, très long communiqué à propos de la rencontre entre Rached Ghannouchi et l’ambassadeur Blome.

Ainsi le président du Parlement a-t-il informé le chef de la mission US que « le gouvernement en place bénéficie de la légitimité que lui a accordée le Parlement et qu’il exerce ses fonctions de la façon idoine et qu’il aspire à réaliser les réformes indispensables dont le pays a besoin dans plus d’un domaine pour reprendre son développement économique et social ».

D’après la présidence de l’ARP, le diplomate américain a exprimé son admiration pour la réussite de l’expérience démocratique de la Tunisie ajoutant que notre pays dispose de nombreux amis aux Etats-Unis qui constituent le meilleur garant pour le développement continu des relations d’amitié et de la coopération bilatérale.

Ghannouchi se jette-t-il dans les bras des américains quand Saïed fait quérir le soutien des européens.

On pourrait y voir de l’exagération, mais d’aucuns ont sauté le pas, car c’est la perception qu’on peut avoir de ces rencontres pas du tout innocentes, ni neutres dans ce moment particulier.

RBR

Votre commentaire