Isie :  la crise couve de nouveau

Isie :  la crise couve de nouveau

Quatre membres de l’instance supérieure indépendante des élections(Isie) n’ont pas été présents à l’audience avec le président de la république Béji Caid Essebsi, lundi 20 novembre au palais de Carthage. Les mêmes membres n’ont pas assisté à la séance d’audition par la commission de l’immunité au sein de l’Assemblée des représentants du peuple sur le projet de budget pour l’année 2018. Un geste qui a été interprété comme un signe avant coureur d’une nouvelle crise qui couve à l’intérieur de l ‘instance à la suite de l’élection du nouveau président Mohamed Tlili Mansri, un outsider dont la candidature a été soutenue par Ennahdha, Nidaa Tounes et l’UPL. D’ailleurs, les quatre candidats qui se sont illustrés par leur absence sont ceux qui ont postulé à la présidence. La polémique déclenchée par l’élection d’un nouveau président de l’ISIE pose la question de la neutralité de ses membres et donc de son indépendance. A cela s’ajoutent les dissensions qui traversent le conseil de l’Instance et qui se font jour. Le fait que plusieurs membres ont postulé pour à la présidence en dit long sur la capacité du nouveau président à pouvoir gérer un groupe hétérogène. A la veille de l’élection du nouveau président, une déclaration du député Walid Jallad, qui a présidé la commission du tri, a mis la puce à l’oreille. « Certains membres de l’Isie menacent de démissionner en cas d’élection de Mohamed Tlili Mansri à la tête de l’instance », a-t-il affirmé.

A peine élu, le nouveau président est contesté

Déjà, à peine élu, le nouveau président se trouve contesté par certains partis politiques. Les députés du Front Populaire et de Machrou3 Tounes ont émis des réserves sur son élection.
« Le Front populaire se dégage des décisions de la réunion des présidents des groupes parlementaires et de la commission de tri qui ont approuvé les résultats du scrutin malgré l'existence de fraudes électorales », a souligné Chafik Ayadi, député du FP qui a émis des doutes sur le vote, affirmant que « Front Populaire avait demandé d'organiser un autre vote qui ne soit pas entaché d’infractions ».
De son côté le député d’Al Horra Hassouna Nasfi a souligné que « les membres de son groupe parlementaire sont mécontents de l'opération d'élection du nouveau président de l'Isie, estimant que la réserve sur le vote de Leila Ouled Ali est légitime ». Il a fait savoir que « la réserve » de son groupe « ne se limite pas à la fraude électorale mais porte aussi sur le fait que les débats et le consensus sur le président de l'ISIE n'étaient élargis et circonscrit aux mouvements Ennahdha et Nidaa Tounes ainsi que l'ULP sans consultation avec les autres composantes du parlement ».

Il est vrai qu’au cours de leur réunion la veille de la plénière du 14 novembre, Nidaa Tounes, Ennahdha et l’UPL se sont mis d’accord sur la candidature de Mohamed Tlili Mansri. Ce qui a semé le doute sur la neutralité du nouveau président et son indépendance vis-à-vis de cette nouvelle « Troïka ».  Le faible score obtenu, 115 voix sur plus de 170 présents, traduit ce doute exprimé par l’opposition quant à la crédibilité de l’opération. Le jour même de l’élection, dix partis politiques ont dénoncé, dans un communiqué rendu public, « le consensus établi entre certains partis politiques sur le prochain président de l’Isie ». Chose qui constitue, selon les signataires, « une atteinte à l’indépendance de l’instance».

Mohamed Tlili Mansri a obtenu 115 voix lors d’une plénière houleuse, mardi 14 novembre 2017.  Cet exercice fort laborieux a montré les limites d’une loi élaborée par l’ancienne Constituante qui exige que le président de cette Instance soit élu par les députés. Et alors que pour les membres, il faut la majorité qualifiée des 2/3 soit 145 députés, pour le président, seule la majorité absolue de 109 est exigée. Et aussi paradoxal que cela puisse paraitre, autant on est arrivé à élire facilement les membres sans accros, autant « les élus de la nation » ont buté sur le « choix » du président.  C’est la loi organique portant organisation de l’ISIE, n°2011-23 du 20/12/2012 telle qu’amendée et complétée par la loi organique n°2013-44 du 01/11/2013 et la loi organique n°2013-53 du 28 décembre 2013 qui le stipule.

Crédibilité entamée

Même élus par l’Assemblée des représentants du peuple, les membres de l’Isie sont, quelque part, redevables aux partis politiques, notamment le président. D’ailleurs, la crédibilité de l’Instance a été fortement entamée par les déclarations du président démissionnaire et son second. Ils ont évoqué des « pratiques policières » qui risquent de mettre en doute la capacité de l’Instance à « garantir des élections démocratiques ».

Selon une étude élaborée par le réseau « Mourakiboun » en collaboration avec l’institut d’étude « one to one » et l’organisation « Heinrich Böll Stiftung », présentée au cours d’un point de presse tenu jeudi dernier à Tunis, la confiance dans l’Isie a régressé.  En effet, 20,4% seulement ont beaucoup de confiance en l’ISIE face à plus de 27% qui n’ont pas du tout confiance en cette instance.

Les calculs partisans ne font que ternir davantage l’image d’une Instance supposée être neutre et indépendante. Aujourd’hui, les sondages sont unanimes à démontrer la désaffection des citoyens vis-à-vis des politiques et leur inquiétude face à un avenir incertain. Ce manque de visibilité impacte la situation générale du pays et pèse lourdement sur son devenir.

B.O

 

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