Iyed, Majdouline, Abdelaziz et les autres… Des loosers devenus des influenceurs d’opinion

Iyed, Majdouline, Abdelaziz et les autres… Des loosers devenus des influenceurs d’opinion

 

La tranche matinale de la radio, quelle que soit la chaine est celle qui draine le plus grand nombre d’auditeurs et par conséquent d’annonceurs publicitaires. L’argent étant le nerf de la guerre, les radios surtout privées comptent sur cette tranche pour attirer le chaland.

Parmi les « produits » que ces radios utilisent pour aguicher les auditeurs et tenter de les fidéliser, il y en un qui commence à faire jaser tant il est inhabituel qu’on le retrouve parmi l’attirail des médias. Il s’agit d’hommes et de femmes politiques reconvertis en chroniqueurs à plein temps puisqu’ils sont tous les jours que le bon dieu fait sur antenne.

Sont-ils mus par l’appât du « cachet » qui leur est servi puisque des « ponts d’or » sont parfois faits pour les attirer car ils peuvent drainer un bon et surtout haut taux d’audience. Ou sont-ils à la recherche d’un nouveau positionnement sur la scène politique car lorsqu’on est loin des yeux on est forcément loin des cœurs, et surtout hors de portée des chercheurs de tête. C’est certainement le mélange de tout cela et peut être même d’un désir de reconnaissance et de présence.

Ainsi, l’ancien ministre des relations avec le Parlement et porte-parole officiel du gouvernement (de Youssef Chahed), Iyed Dahmani donne son avis sur tout et n’importe quoi tous les jours avec Amine Gara sur Mosaïque-FM qui se targue d’être la première radio du paysage médiatique national en termes d’audience.

L’ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports Majdouline Cherni officie de son côté sur une radio qui monte, IFM. Elle aussi ne manque aucune occasion pour commenter l’actualité sous toutes ses facettes avec des piques par-ci et des gratifications par-là. Il lui faut meubler le temps qui lui est imparti quitte à dire des inepties.

Sur une radio régionale installée au Cap-Bon, en l’occurrence Cap-FM qui ne veut pas être en reste, c’est une autre figure nationale qui est tous les matins de la semaine à l’antenne pour paraphraser, interpréter et si nécessaire critiquer. Il s’agit de l’ancien député Abdelaziz Kotti, un des champions du tourisme parlementaire qui a été constituant puis député avant de perdre son siège et les avantages qui vont avec, y compris celui d’être un invité permanent des médias

Le quatrième du quartet n’est pas sur une radio, mais sur une chaine de télévision, Attasia-TV dans un talk-show d’access-prime time comme on dit dans le jargon. Il s’agit de Mohamed Troudi, élu en 2014 sur les listes de Nidaa Tounes avant d’en démissionner pour se joindre aux dissidents ayant formé le mouvement Machrou3 Tounes.

Un autre s’y est essayé aussi mais c’était pour une courte et ponctuelle durée. Il s’agit de l’ancien président par intérim de l’ARP et ex-vice-président d’Ennahdha (et accessoirement son candidat à la présidentielle) Abdelfattah Mourou pendant le mois de Ramadan sur Mosaïque-Fm.

Certes on ne peut empêcher un politicien de dire son avis sur la marche du pays et du monde. Mais des loosers ne doivent-ils pas avoir la décence de se faire oublier. Quels faits d’armes peuvent présenter ce quartet pour prétendre à la fonction de « leader d’opinion », d’influenceur comme on dit dans le langage des réseaux sociaux.

Membre du parti Al-Joumhouri sur les listes duquel il a été élu à Siliana, Iyed Dahmani a répudié ce parti ; quand la direction de ce parti a pris ses distances du gouvernement de Youssef Chahed avant de se jeter, corps et biens dans les bras du parti formé par ce dernier. Ayant été porte-parole du gouvernement la décence et une certaine idée de la fonction ministérielle auraient dû lui interdire de devenir un chroniqueur attitré d’une radio à grande audience. Ne devrait-il pas être tenu par l’obligation de réserve. Car dans ses commentaires il ne peut s’empêcher à faire appel même directement à ses anciens états de service.

Majdouline Cherni est-elle en mesure d’être neutre comme sa fonction de chroniqueuse l’exige lorsqu’elle fait des commentaires sur le domaine dont elle a eu la charge il n’y a pas bien longtemps. Un délai de viduité n’est-il pas nécessaire pour avoir les idées claires et l’esprit sans reproche. Pour elle aussi l’obligation de réserve aurait dû jouer pleinement car elle est détentrice de secrets de la République dont elle ne peut se départir. N’a-t-elle pas été pendant une longue période membre du conseil des ministres une des plus hautes instances de l’Etat.

Abdelaziz Kotti ai-je dit est un des champions du tourisme partisan. Elu du Congrès pour la République (CpR) le parti de l’ancien président Moncef Marzouki à l’Assemblée nationale constituante, il fait partie des premiers dissidents à ce parti en 2012. Il fait un changement de cap de 180 degrés pour rejoindre le parti Nidaa Tounes que vient de créer Béji Caïd Essebsi et faire partie de son bureau exécutif. C’est sur les listes de ce parti qu’il est élu député à l’ARP en 2014. Il quittera ce parti pour rejoindre celui créé par Salma Elloumi et échouer à conserver son mandat de député. Ces changements n’ont qu’une explication, Kotti avait une ambition dévorante, devenir ministre de l’Agriculture, ce qu’il n’a pu exaucer.

En plus d’être des loosers, nos trois compères sont aussi des opportunistes invétérés. Ce qui aurait dû les empêcher d’être des « influenceurs » de la scène politique. Mais comme rien n’est étrange en Tunisie, ils continueront à jouer ce rôle en dépit du bon sens qui n’est pas la chose la mieux partagée dans notre pays.

Chroniqueurs venus de la politique, il y en qui ont fait le chemin inverse avant de revenir à leurs premières amours. Le pionnier en la matière s’appelle Borhen Bsaies. Homme des médias de l’ancien régime, il a repris, après ses déboires avec la justice du service auprès de la chaine Nessma-TV comme interviewer attitré et chroniqueur de service. Il deviendra en même temps conseiller du président de l’Union patriotique libre Slim Riahi. C’est lui qui aurait conseillé à ce dernier de devenir président du Club Africain, parait-il.

Après cet épisode il reviendra aux médias comme chroniqueur à la radio régionale privée Cap-Fm. Suite à la création de Nidaa Tounes, il se reconvertit en politicien à plein temps en prenant les fonctions de chargé des dossiers politiques auprès de ce parti.

Le mélange des genres ne va manquer de lui causer du tort, puisque la directrice de la radio précitée va se plaindre d’avoir été victime de menaces et pressions de sa part, ce qu’il va évidemment nier. Les « casseroles » qu’il traine vont trouver une suite lors de son arrestation rocambolesque après qu’il ait été condamné à deux ans de prison ferme en octobre 2018, un jugement qu’il n’accomplira pas en entier puisqu’il va bénéficier d’une grâce présidentielle accordée par l’ex-président et fondateur de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi. En juin 2019, il rejoindra la chaine Attasia-TV non seulement en tant que chroniquer de talk-show mais aussi comme producteur-présentateur d’émissions.

De la politique aux médias, et de ceux-ci à la politique il n’y qu’un pas que beaucoup ont franchi allègrement. D’autres s’y essaieront. Certains tireront leur épingle du jeu et d’aucuns s’y casseront les dents.

Ainsi va le monde et les choses ne manqueront pas de se compliquer surtout avec l’intrusion des réseaux sociaux Ceux-ci sont en train de devenir l’alpha et l’oméga de la vie politico-médiatique, deux mondes qui se téléscopent et qui vont finir par n’en former qu’un. Mais ni la politique ni les médias n’y gagneront guère. 

RBR

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