Kaïs Saïed : Il est temps de se pencher sur les vraies raisons qui poussent des Tunisiens à se jeter à la mer

Kaïs Saïed : Il est temps de se pencher sur les vraies raisons qui poussent des Tunisiens à se jeter à la mer

 

Au cours de sa visite dimanche aux ports de Sfax et de Mahdia pour se rendre compte des efforts déployés par la Garde nationale maritime pour endiguer le phénomène de l’émigration clandestine, le président Kaïs Saïed a fait savoir que lors des discussions avec les responsables européens et particulièrement italiens sur la question, son « approche a été claire ». « Plutôt que mettre davantage d’argent pour renforcer les moyens matériels et humains des garde-côtes, il serait plus judicieux de traiter les causes qui déterminent les candidats à l’émigration à se jeter à la mer en bravant la mort ».

Après avoir rappelé que ce phénomène n’existait pas dans une période récente, il a estimé qu’il est temps de se pencher aujourd’hui sur les vraies raisons qui poussent des jeunes et des moins jeunes à prendre la mer sur embarcations de fortune pour des traversées de la mort.

Selon lui, les raisons sont multiples. Elles tiennent d’abord à la répartition inéquitable des richesses et des ressources dans le monde. Ainsi rappelle-t-il, après la seconde guerre mondiale les Tunisiens émigraient vers l’Europe, notamment vers la France, en tant que main-d’œuvre bon marché, pour la reconstruction de l’Europe.

Puis, a-t-il ajouté des restrictions ont été imposées par le truchement des visas et le durcissement des permis de séjour dans l’espace européen, avant la mise en place de ce qu’on a appelé l’immigration sélective qui visait les cadres, les jeunes diplômés et les compétences hautement qualifiées.

Kaïs Saïed a poursuivi en soulignant qu’il ne faut perdre de vue que la question se pose d’abord au niveau national. « Avons-nous réussi à résoudre les problèmes économiques et de développement des Tunisiens ? Il faut bien reconnaître que la réponse est non. Ici, en Tunisie, nous n’avons pas été à même de résoudre ces problèmes qui touchent à la vie de nos concitoyens », a-t-il affirmé.

Pour lui, « la question n’est pas seulement dans le rapport avec les pays du Nord. Elle est essentiellement tuniso-tunisienne ». Il a rappelé que la plus grande vague migratoire a eu lieu après le 14 janvier 2011. En quelques jours, plus de 25 000 Tunisiens ont émigré en direction de l’Italie.

La vague d’émigration s’explique également, selon lui par des raisons politiques, puisque derrière cette grande déferlante, on trouve les réseaux de passeurs et des acteurs politiques qui tiraient les ficelles ». « Les enjeux sont clairs, puisqu’il s’agit de démontrer l’échec du processus démocratique, de montrer l’inanité des élections qui n’ont pu atteindre leurs objectifs, poussant alors les Tunisiens à partir vers d’autres cieux, même illégalement.

« Aujourd’hui, des projets sont fin prêts mais n’ont pu voir le jour pour des raisons de lenteurs ou carrément de blocages des procédures administratives », a-t-il ajouté. Pour lui l’exemple le plus édifiant a été donné par les consultations pour la formation du gouvernement qui avaient commencé le 15 novembre 2019 et qui n’ont pas abouti puisque nous en sommes encore à ce jour en train de mener des négociations sans fin en vue de former un gouvernement ». « L’autre problème est le chômage endémique en Tunisie avec cette question lancinante : comment garantir au Tunisien un emploi qui lui permette de vivre dignement ».

Il a néanmoins cité des projets, qu’il est en train de mettre sur pied, dont notamment la cité médicale des Aghlabides de Kairouan, le TGV qui reliera le pays du Nord au sud en, de Bizerte à Ben Guerdane, ainsi que la plateforme des fruits et légumes dans le Centre du pays, précisément dans le gouvernorat de Sidi Bouzid.

« Nous travaillons en silence, malgré ces interminables consultations qui ralentissent la mise en œuvre des grandes réformes », a-t-il affirmé ajoutant que certains tentent par tous les moyens de mettre en échec l’expérience tunisienne. Il a pointé du doigt ceux qui ont pour habitude de simuler les crises, pour ensuite donner l’impression qu’ils réussissent à gérer des crises qu’ils ont inventées de toutes pièces ».

« Ce n’est donc pas un hasard que la jeunesse tunisienne se considère à juste titre comme une victime, victime de la pauvreté, sans parler de la misère politique qui est une autre question.

Il a souligné que sa visite à Sfax et à Mahdia a pour but de prouver que l’Etat tunisien est présent et que nous ne sommes pas dupes. « Les slogans scandés par certains qui ont atteint la côte italienne ne laissent aucun doute sur leurs motivations et basses manœuvres pour déstabiliser le pays, et noyauter les institutions de l’Etat » a-t-il dit.

Il a réitéré sa conviction que l’approche sécuritaire n’est pas la meilleure et qu’elle est insuffisante pour éradiquer ce phénomène des migrants illégaux. Il a rappelé également qu’à une certaine époque non lointaine, l’émigration se faisait du Nord vers les pays du Sud. Des Italiens et des ressortissants d’autres pays se sont installés sur les côtes tunisiennes et ailleurs. Ils sont parmi les meilleurs artisans qui soient.

Ces dernières années, c’est désormais, la saison de l’émigration vers le Nord (en allusion au célèbre roman de l’écrivain soudanais Tayeb Saleh) qui est causée , par la répartition non équitable des richesses à travers le monde.

Il a conclu en soulignant que l’État tunisien est un et indivisible. Il n’y a pas de multitube d’États, il n’y en a qu’un seul. Comme il n’y a qu’un seul président qui porte l’entière responsabilité devant Dieu, devant le peuple et face à l’histoire, la responsabilité de préserver la souveraineté de l’État tunisien, de répondre aux attentes des Tunisiens, et de réaliser les objectifs de développement et de bien-être ».

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