La compagne de François Hollande au Bardo contre le terrorisme

La compagne de François Hollande au Bardo contre le terrorisme

 

 

Après le compagnon François Hollande qui a participé, le 29 mars dernier à la marche contre le terrorisme, c’est la compagne Julie Gayet qui a fait le déplacement au Bardo pour soutenir la Tunisie contre le terrorisme. L’hebdomadaire Paris Match lui a réservé un long article. Il écrit : Un mois et demi après l’attentat de Tunis, Julie Gayet fait partie des artistes et intellectuels invités à la quatrième édition du festival Al Kalimat le Marathon des mots, organisé sur les lieux mêmes de l’attaque en signe de résistance. A 42 ans, la comédienne et productrice, plus connue pour ses rôles dans des films d’auteur que grand public, a choisi la réserve. Mais pour les nobles causes, elle n’hésite jamais à se mettre en première ligne. Lire la suite…

Dans les jardins du musée du Bardo, Olivier Poivre d’Arvor n’attend plus qu’elle. Cet après-midi du 1er mai, Julie Gayet doit animer, aux côtés du patron de France Culture, une discussion intitulée « Libre de filmer ». La voilà qui arrive, à 14 heures, blonde et longiligne, vêtue de noir sous un soleil de plomb. Elle salue l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi et le dessinateur du « Monde », Plantu, eux aussi au programme du festival artistique Al Kalimat, le marathon des mots. Brochettes de poulet, salade méchouia, thé à la menthe : un repas tunisien est servi à l’ombre des palmiers, sous les fenêtres des salles où ont péri 22 personnes lors de l’attentat du 18 mars dernier. « Ce jour-là, il se trouve que je déjeunais à l’Élysée avec des journalistes de ma rédaction, raconte Olivier Poivre d’Arvor. Le festival Al Kalimat, que j’organise à Tunis depuis quatre ans, devait se tenir dans les jours suivants. Le soir même de la tuerie, tous les participants ont annulé, par crainte ou par prudence. Sauf une : Julie ! » L’intéressée rétorque : « Chacun gère la peur différemment. Il ne faut pas juger. Moi, j’affronte, c’est de famille. Je suis là pour la Tunisie et son peuple qu’il faut absolument soutenir. »

Reprogrammé ce week-end du 1er mai avec de nouveaux invités, l’événement met à l’honneur la danse, le cinéma, la littérature et la liberté, dans l’enceinte du musée où un commando de terroristes a voulu attenter à l’esprit démocratique d’un pays tout juste révolutionné. La comédienne-productrice en est l’un des piliers, conseillère et soutien de la programmatrice Syhem Belkhodja qu’elle a rencontrée il y a un an. « J’ai été bluffée par l’énergie de Syhem, explique-t-elle. Danseuse, chorégraphe, directrice d’une école de danse pour jeunes défavorisés, elle organisait aussi trois festivals. Je lui ai suggéré de les combiner en un. » Une constante pour Julie, supportrice inconditionnelle d’initiatives cinématographiques ignorées, de Lussas, en Ardèche, à Clermont-Ferrand, en Auvergne, jusqu’en Israël ou au Liban. La madone des festivals méconnus, apôtre des manifestations culturelles délaissées, a décoré la coque de son téléphone portable d’un autocollant d’une Vierge à l’enfant.

JULIE GAYET EST ARRIVÉE EN TUNISIE SEULE

A Tunis, ce vendredi, jour de prière, se succèdent débats, lectures et spectacles de danse. Liberté de penser, de blasphémer, de se moquer, rapport au corps et à l’expression de la féminité sont les thèmes abordés dans une ambiance décontractée, devant un public restreint, mêlé d’hommes, de femmes, d’étudiants et d’enfants.

Après le déjeuner, un petit groupe est autorisé à pénétrer dans l’aile du musée, fermée depuis le drame, où les assassins fanatiques, armés de kalachnikovs, ont fait le plus de victimes. Julie Gayet en est ; elle écoute attentivement la reporter de guerre Pascale Bourgaux retracer à haute voix l’assaut sanglant. De nombreux impacts de balles sont visibles sur les murs, les fenêtres, les portes, et même sur les vitrines des œuvres d’art. Dans ces allées du musée, l’air semble plus lourd. Un guide, présent lors du drame, raconte à mi-voix l’enchevêtrement de corps sur le sol et le sang qu’il a été difficile de nettoyer sur les mosaïques romaines. Julie écoute Atiq Rahimi, qui évoque avec émotion le musée de Kaboul détruit lui aussi par les armes. Quarante-trois jours après l’attaque, une question se pose : que faire de ces pièces aux murs percés, mausolée du tourisme tunisien et de son économie ? Pour Julie Gayet, il faut tout rénover, reconstruire, avancer. « Il me semble impossible de laisser cela en état. Mais l’on pourrait envisager de garder quelques traces d’impacts. Dans une vitrine du musée, peut-être ? »

 

Sur scène, lors du débat mené avec Pascale Bourgaux et Atiq Rahimi, elle prend la parole d’un ton doux et posé. On note sa capacité à attirer les regards, à capter l’attention d’un auditoire plutôt intello. Elle est aussi généreuse en sourires qu’en références littéraires. Sa dialectique, factuelle et pragmatique, est celle de la productrice de cinéma, femme d’affaires et chef d’entreprise, défenseuse du système de production français. « On peut dire “Cocorico !” Chez nous, on produit beaucoup et on reçoit des aides. Pas seulement par le CNC [Centre national du cinéma], mais aussi grâce au système bancaire de la France qui nous accorde des crédits et des assurances. » Elle poursuit un argumentaire de cinéaste patriote et europhile : « Les Anglais sont le cheval de Troie des Américains, ce qui ne nous plaît pas en France. Ils n’investissent pas d’argent dans le cinéma européen. Or, grâce à l’Europe et à l’engagement de gens comme Daniel Toscan du Plantier, notre modèle est formidable. Et on ne le lâchera pas. » La conversation se poursuit hors micro. Assise sur le strapontin instable d’un minibus à la carrosserie rouillée, Julie n’arrête pas de parler, sans se soucier des cahots du véhicule. Elle regrette de ne pouvoir rester plus de quarante-huit heures en Tunisie « qui a besoin d’aide », mais évoque ses deux fils lycéens qui l’attendent à la maison, à Paris, où vivent aussi chien, chat et poisson rouge…

Elle est arrivée en Tunisie seule. Ce n’est pas son premier voyage au Maghreb. Elle connaît la ville de Tunis et y dégotte, en fin d’après-midi, aux alentours de la rue de Marseille, un restaurant typique. Assise à l’étage, elle commande du poisson grillé et tourne sa chaise vers un écran de télévision allumé sur un match de football. « Je rêve de voir un jour un match dans un stade tunisien. J’adore le foot et, ici, l’ambiance doit être extraordinaire. » Après deux expressos et un échange cocasse avec deux clients éméchés, retour sur la production, son métier depuis plus de dix ans. Rouge International, sa société, va connaître une année 2015 chargée avec la sortie de quatre longs-métrages slovène, roumain et français, dont « Taularde », avec Sophie Marceau, et « La fille du patron », avec Christa Theret. « C’est formidable. On a terminé ces films presque tous en même temps. » Lors de sa dernière soirée tunisienne, autour d’un verre de vin rouge, Julie Gayet l’engagée continue à parler fictions, documentaires, reportages, et à encourager chacun à défendre son art, sa liberté. « Elle est formidable, constate une jeune Tunisoise du festival. La France a de la chance de l’avoir. » Et maintenant, la Tunisie aussi.