La rentrée pointe à l’horizon mais de bien étrange manière

  La rentrée pointe à l’horizon mais de  bien étrange manière

 

Après une longue période de léthargie qui dure depuis début ramadan, la rentrée pointe le bout de son nez. Ce sera dans quelques jours, la rentrée politique, la rentrée sociale, la rentrée scolaire. Ensuite ce sera la rentrée parlementaire, la rentrée judiciaire, que sais-je encore ?

Même si le gouvernement n’a pas pris de vacances, en tout cas s’il l’a fait nous n’en avions rien su, c’est à lui qu’on pense d’abord. C’est un gouvernement diminué qui termine le mois d’août. Non seulement les deux ministres limogés, un certain 1er mai, ceux de l’Education et des Finances n’ont pas été remplacés mais celui à qui a été confié le second portefeuille cité a demandé à être déchargé de toutes ses fonctions, c'est-à-dire y compris le département dont il est titulaire, celui du développement, de la coopération et de l’investissement. Une bien étrange histoire de « conflit d’intérêts » est venue gripper une machine qui commençait à bien tourner.

Démission au plus mauvais moment

Le départ de Mohamed Fadhel Abdelkafi n’est pas seulement une perte pour le gouvernement car l’homme est un pilier de l’équipe de Youssef Chahed, mais sa démission vient au plus mauvais moment. Responsable de la mise en œuvre du budget 2018, qui s’annonce particulièrement difficile sinon compliqué à mettre en place, le ministre des finances par intérim quitte le navire alors que le budget rentre dans sa phase la plus délicate, avec les indispensables arbitrages qui font qu’il n’est plus une question technique pour devenir un sujet hautement politique.

De plus selon les bruits de couloir, la loi relative au budget subira un véritable lifting avec la mise en place d’un titre trois relatif au PPP(partenariat public-privé), ce qui constitue une petite révolution dans la mesure où cela augure d’un nouveau modèle de développement qui prend la place de celui en place depuis plusieurs décennies et qui a montré ses limites, puisqu’il n’est plus générateur ni de croissance( qui reste atone malgré les efforts) ni d’emploi (dont le taux demeure élevé particulièrement pour les diplômés de l’enseignement supérieur).

Rentrée scolaire sans ministre de l’Education

La rentrée scolaire est prévue quant à elle dans trois semaines. Pourtant le département de l’Education, l’un des plus importants du pays puisqu’il gère plus de deux millions d’élèves, et concerne des centaines de milliers d’enseignants et autres agents est sans titulaire depuis quatre mois. Cela est proprement inimaginable. Certes la rentrée est d’abord technique mais son aspect hautement politique n’est pas à démontrer.

Le ministère n’est pas laissé à l’abandon puisque l’intérim a été confié au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Mais celui-ci à beaucoup à faire, du moment que la rentrée universitaire suivra de quelques jours la rentrée scolaire. Certes il y a une relation intime entre les deux départements qui sont regroupés dans beaucoup de pays, mais les problèmes spécifiques de l’un et de l’autre, au vu des défis de l’amélioration de la qualité de l’enseignement et son indispensable adéquation avec les besoins de l’économie nationale rendent la séparation inévitable, quand bien même une coordination dont il faudrait envisager les mécanismes demeure nécessaire.

Des élections municipales sans leurs outils

Sur le plan politique la rentrée sera marquée par les élections municipales prévues en principe pour le 17 décembre 2017. Cette échéance est d’une importance primordiale puisqu’elle donnera le coup d’envoi de la mise en place du « pouvoir local » auquel tout un chapitre de la Constitution de janvier 2014 est consacré. Même si la date paraît relativement lointaine, ce qu’on feint d’ignorer c’est que le décret présidentiel portant convocation des électeurs doit être signé avant le 12 septembre. Si tel est le cas la présentation des listes candidates aura lieu du 19 au 26 septembre.

Mais à part la période d’ouverture des inscriptions qui s’est achevée le 10 août et qui n’a permis de toucher que 500.000 électeurs sur les trois millions potentiels, rien dans le pays ne montre que nous sommes au devant d’une échéance électorale importante.

Les partis politiques trainent les pieds pour la plupart. Nombre d’entre eux demandent le report de cette échéance soit qu’ils n’y sont pas prêts, soit qu’ils ne veulent pas d’une compétition qui va mettre à nu leur incurie.

Le fait est cependant que cette échéance est envisagée alors que l’ISIE, l’instance supérieure indépendante des élections chargée de son organisation reste incomplète puisque l’assemblée n’a réussi qu’à élire un seul membre pour pourvoir les postes laissés vacants par les trois membres démissionnaires. Le président de l’instance n’a pas été choisi non plus. On laisse entendre qu’une session extraordinaire de l’ARP sera convoquée pour procéder aux deux remplacements, mais quand bien même sera aura lieu, on aura mis la charrue avant les bœufs.

La situation est d’autant plus kafkaïenne que le code des collectivités locales qui sera la nouvelle bible des communes n’a pas encore été soumis aux commissions parlementaires. Comptant plus de trois cents articles, l’adoption de ce code ne sera pas de tout repos et l’on s’attend à ce qu’il donne lieu à des débats fort ardus entre les groupes parlementaires.

Sans parler de la rentrée sociale qui risque aussi d’être chaude puisqu’on n’imagine pas que l’UGTT va rester inerte devant l’érosion du pouvoir d’achat des salariés grevé par les hausses consécutive à l’inflation importée des suites du glissement inexorable du dinar.

Le remaniement pour donner la direction

Tout cela donne les prémices d’une rentrée particulièrement agitée. Pour désamorcer la crise qui pointe à l’horizon, le remaniement ministériel désormais programmé car inévitable sera l’élément essentiel du dispositif dont Youssef Chahed a besoin pour se donner une visibilité pour l’année politique qui commence.

C’est donc le choix des hommes et des femmes appelés à siéger au gouvernement Chahed 2 qui sera déterminant dans le jaugeage de la capacité du chef du gouvernement à aller de l’avant. C’est pour lui une véritable épreuve d’autant que même si le réaménagement de son équipe est de sa seule prérogative, les partis qui forment son gouvernement ont leur mot à dire puisqu’il leur revient d’accorder la confiance aux nouveaux membres du gouvernement cette fois-ci individuellement.

Le remaniement sera-t-il technique et restreint ou sera-t-il politique et élargi. Fera-t-il appel à de nouveaux visages ou se contentera-t-il d’un jeu de chaises musicales qui n’apportera pas le sang neuf dont l’équipe a besoin. Quels défis va-t-il devoir affronter et quelle place va-t-il accorder à la bataille contre la corruption et les malversations dont on sait que les principales composantes de la coalition qu’il dirige ne veulent pas.

C’est à la manière dont Youssef Chahed va répondre à ces questions que dépend en grande partie la direction qu’il va imprimer au pays. De cela dépend aussi la rentrée qui sera sereine et prometteuse s’il réussit ou sera chaude et hautement problématique s’il échoue.

RBR

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