La Tunisie vote une loi « historique et pionnière » contre les violences faites aux femmes

La Tunisie vote une loi « historique et pionnière » contre les violences faites aux femmes

 

« On ne doit jamais battre une femme - même avec une fleur ! » Jean Anouilh

Viols, mutilations sexuelles féminines, violences conjugales, prostitution, harcèlement sexuel, mariages forcés, crimes dits « d’honneur », polygamie... ces violences, loin d'être des faits isolés, sont le produit d’un système patriarcal instituant un rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes. L’origine sexiste de ces violences est reconnue dans de multiples résolutions et rapports internationaux et nationaux, et pourtant elles ne reculent pas !

Dans le monde :

  • Tous les 3 jours  une femme meurt sous les coups de son (ex) compagnon en moyenne par an.
  • 20 %  : c’est la part des homicides commis en France qui seraient dus à des violences conjugales.
  • 75 000 : c’est le nombre de femmes victimes de viol chaque année.
  • Le 25 novembre est la « Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes » décidée par les Nations Unies, est célébrée chaque année en France.

En Tunisie :

Selon une récente étude menée en 2016  par le  Centre de Recherches, d'études, de Documentation et d'information sur la Femme (CREDIF), 78.1% des femmes en Tunisie disent avoir subi une violence psychologique dans l’espace public, tandis que 41.2% ont été victimes de  violences physiques et 75.4% de violences sexuelles.

Avec un taux de 33% « arracher quelque chose de force », est l’acte le plus fréquent des violences physiques subies par  les femmes, tandis que 24.3% des femmes disent avoir été importunées dans la rue plus de dix fois, et 22.6% disent avoir été collées.

Cette étude menées dans 18 villes différentes, sur un échantillon de 3873 femmes âgées entre 18 ans et 64 ans, révèle que 89.5% des femmes à Kebili disent avoir été victimes de violences sexuelles, contre 55.6% dans la ville de Mahdia. Les violences physiques sont plus répandues à Sousse à hauteur de 62.1% des femmes, contre 17.2% des femmes au Kef. A Tunis, 50% des femmes disent subir des violences physiques et 75% des violences sexuelles dans l’espace public. Gabès est concernée par les violences psychologiques, où 92.9% des femmes disent en souffrir.

Le pays est toutefois considéré comme une pionnier en matière de droits des femmes dans le monde arabe et la nouvelle Constitution adoptée en 2014 stipule que les « citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs ».

Une loi historique et pionnière

Une loi « historique et pionnière » votée le mercredi 26 juillet en Tunisie par l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) renforce la protection des femmes victimes de violences et abolit des dispositions rétrogrades, comme la possibilité pour un violeur d'épouser sa victime mineure pour éviter les poursuites.

Après de longs débats et tractations, la législation a été adoptée à l'unanimité des 146 députés présents (sur 217 élus). La loi, qui entrera en vigueur six mois après sa publication au Journal officiel, vise à "en finir avec toutes les formes de violences contre la femme", physiques, morales, sexuelles...

« C’est un moment très émouvant et nous sommes fiers en Tunisie d’avoir pu nous réunir autour d’un projet historique », a déclaré Naziha Laabidi, la ministre de la femme, de la famille et de l’enfance. La loi, qui entrera en vigueur six mois après sa publication au Journal officiel, vise à « en finir avec toutes les formes de violences contre la femme ».

Parmi les modifications qu'elle introduit, l'amendement de l'article 227 bis du Code pénal suppression de  la disposition qui prévoit l'abandon des poursuites contre l'auteur d'un acte sexuel « sans violences » avec une mineure de moins de 15 ans s'il se marie avec sa victime. En effet, dans son ancienne version, l'article prévoyait une possibilité pour le violeur d'échapper à une peine de prison s'il épousait sa victime.

Selon le nouvel article 227 bis, est puni de 6 ans d'emprisonnement quiconque a des rapports sexuels avec une mineure de moins de 16 ans avec son consentement,  de 5 ans d'emprisonnement quiconque a des rapports sexuels avec une fille de plus de 16 ans et de moins de 18 ans avec son consentement.

Cependant si le "crime" est commis par un mineur, lui sera appliqué l'article 59 de la loi sur la protection de l'enfant.

Autre mesure, l'interdiction d'employer des mineures en tant qu'aides ménagères qui sera dorénavant sanctionné de 3 à 6 mois de prison.

L'âge de la maturité sexuelle a été pour sa part élevé à 16 ans au lieu de 13 ans.

Des services d’accompagnement dispensés

Une femme brutalisée, agressée ou violée doit pouvoir bénéficier de toute une gamme de services dispensés dans un esprit respectueux et solidaire, compte tenu des particularités de son cas et de ses conditions de vie.

Concrètement, cette loi permet aux femmes de demander au tribunal une ordonnance de protection contre leurs agresseurs sans même passer par une plainte au pénal ou une requête en divorce s’il s’agit de leur mari. Ces ordonnances peuvent, entre autres, exiger que l’auteur présumé de violences quitte le domicile ou qu’il se tienne à distance de la victime et de leurs enfants, ou encore lui interdire de commettre de nouvelles violences, d’émettre des menaces, d’endommager les biens de la victime ou de la contacter.

La texte prévoit une assistance juridique et psychologique aux victimes et instaure des programmes spécifiques pour ancrer "les principes des droits humains et de l'égalité entre les genres" dans l'enseignement. Il comprend aussi des dispositions sur le harcèlement dans l’espace public et la discrimination économique.

Ces violences ne sont plus une question privée

« Ce qui se dégage de la philosophie de la loi, c'est que ces violences ne sont plus une question privée. C'est une question qui concerne maintenant l'État et la preuve, c'est que le retrait de la plainte n'arrête plus les poursuites », s'est réjoui la députée Bochra Belhaj Hmida.

« Cette nouvelle loi va changer énormément de choses, dans la mesure où elle pénalise toutes les formes de violences faites aux femmes. (...) Il faut souligner qu'il s'agit d'un des textes de loi les plus avancés dans le monde en la matière, le plus avancé dans le monde arabe", souligne  Sophie Bessis, chercheuse à l’IRIS et ancienne secrétaire générale adjoint de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), en charge du groupe d'action pour le droit des femmes.

La lutte contre les violences à l'encontre des femmes n'est plus « Grande Cause Nationale », mais nous appelons chaque citoyen(n)e à en faire sa cause personnelle. Chacun(e) d'entre nous peut s'engager dans ce combat, en remettant en cause les stéréotypes sexistes dans sa vie quotidienne, en sensibilisant ses proches, en se mobilisant pour obtenir des pouvoirs publics le renforcement de la politique de lutte contre les violences.

Il est nécessaire de poursuivre et de renforcer les politiques publiques et les moyens dédiés pour la prévention et l’accompagnement des femmes ainsi que le soutien aux associations engagées dans la lutte contre ces violences, en particulier celles qui accompagnent des femmes sur l’ensemble du territoire.

Les discussions et les polémiques engendrées par l’égalité en matière d’héritage, ne sont pas nouvelles en Tunisie. En 1956, à la promulgation du Code du statut personnel (CSP), qui octroie les droits les plus larges aux femmes, l’égalité successorale a été le seul point sur lequel les oulémas ont opposé un veto dont Bourguiba a tenu compte.

Certes c’est une grande victoire de la société mobilisée, mais le combat continue pour  supprimer les dispositions discriminatoires envers les femmes qui existent encore dans la loi tunisienne, concernant l’héritage notamment.

N’oublions jamais que Les paroles s'envolent, mais les coups restent. Vivons en paix et en harmonie avec la  femme en ayant sans l’esprit ce que disait Jean Anouilh « On ne doit jamais battre une femme - même avec une fleur ! »

A.K

 

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