Lamine Kaouech (tête de liste d’Al Moubadra): « A Bizerte, on peut réaliser des miracles »

Lamine Kaouech (tête de liste d’Al Moubadra): « A Bizerte, on peut réaliser des miracles »

 

Dans le cadre de notre série d’interviews avec les candidats aux élections législatives et présidentielle, nous accordons la parole à l’homme d’affaires Lamine Kaouech, tête de liste du parti Al Moubadra dans la circonscription de Bizerte.

Lors d’une rencontre franche qui s’est déroulée dans son bureau à Ras Jebel, le candidat nous a parlé de sa région, de son parti, de son programme et des solutions qu’il préconise pour sortir la Tunisie de la grave crise par laquelle elle passe.

Espace Manager: Où en êtes-vous avec votre campagne aujourd’hui ?

Lamine Kaouech : La campagne électorale a commencé officiellement pour nous, le 6 octobre, par une visite à la délégation de Ghazela. Mais, il faut avouer que les choses sérieuses ont commencé depuis bien longtemps lorsque j’ai donné mon accord pour être tête de liste d’Al Moubadra à Bizerte.

Cette campagne  électorale n’est que la continuité d’un travail de fond que nous avons déjà réalisé pour établir notre programme, nos priorités et les meilleures méthodes pour convaincre les électeurs.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour participer à ces élections et intégrer Al Moubadra ?
 
Honnêtement,  j’ai longuement hésité avant de prendre cette décision parce que l’implication dans la politique va certainement se faire au détriment de mes intérêts personnels et de mes engagements professionnels, que ce soit en Tunisie ou surtout à l’étranger.

Mais après mûres réflexions, je me suis dit que le moment est venu pour participer à la vie publique et rendre un petit peu de ce que la Tunisie nous a donné.  Je me suis dit qu’il faut absolument qu’on réunisse nos efforts pour développer un projet de développement  pour ce pays. C’est un engagement et un devoir de servir ce pays auquel on doit tout.

Ce n’est pas votre premier pas dans la politique, vous vous y êtes essayé depuis la révolution !?

En effet, en 2011, j’ai fondé  le parti de l’Indépendance, dont la vie n’a duré que pratiquement six mois. Ce parti a été constitué par un groupe d’amis qui n’étaient pas impliqués dans la vie politique avant la révolution.  Mais il n’a pas fait long feu pour diverses raisons.

Lesquelles ?

Le climat malsain et l’environnement pollué  du milieu  politique. En effet,  six mois m’ont été suffisants pour réaliser que la politique est un autre monde très différent de l’industrie.  Les gens considèrent que faire de la politique c’est  se permettre tous les coups bas, même la malhonnêteté et les mensonges. Notre parti n’était pas armé pour entrer dans un monde aussi pollué.

Pendant trois ans, je me suis éloigné de la politique et j’ai fait le spectateur pour comprendre comment nos politiques allaient se comporter. Et là j’ai constaté énormément d’erreurs et j’ai vécu un dilemme. Ou bien je reste  comme un spectateur, ou bien je fais mon entrée parmi les joueurs pour agir et servir mon pays.

J’ai donc trouvé que la meilleure façon pour sauver notre Tunisie, c’est de participer à cette vie politique et d’apporter notre pierre à l’édifice.  C’est pour cela que j’ai décidé de le faire en intégrant le parti Al Moubadra.

                                                 « Kamel Morjane est un homme de confiance »


Pourquoi Al Moubadra précisément, alors que ce parti est taxé d’être le refuge des figures de l’ancien régime ?

J’ai rencontré le président du parti, M. Kamel Morjane.  J'ai trouvé en lui un politique digne de confiance qui a beaucoup de qualité et de valeurs morales qui font défaut chez de nombreux politiques. Sa vision était très proche de la mienne. C’est ce qui m’a poussé à reprendre ce travail politique en apportant mon expérience dans le domaine économique.

Mais certaines personnes associent ce parti et son président au RCD ? Cela ne vous a pas gêné ?

Le RCD est un parti qui n’existe plus. Mais l'école destourienne reste la plus grande école qui a servi et servira encore la Tunisie. Et puis le RCD n’est pas une honte puisque ce ne sont pas tous ses militants qui sont corrompus. D’ailleurs M Kamel Morjane a une excellente image qui n’a pas été ternie par la révolution, bien que certains aient essayé de l’impliquer dans des affaires dont il n’est pas responsable.

D’un autre côté, tous ceux qui ont fait du mal en Tunisie seront sanctionnés par l’histoire.Il faut dire aussi que les dirigeants du RCD se trouvent, à peu près, dans tous les partis. Ce sont des Tunisiens comme nous tous, on partage des dénominateurs communs, le pays, la langue, la religion.

 
                                 « Il n’y a plus de raisons pour qu’il reste encore des pauvres à Bizerte »

 
Si vous êtes élu, que comptez-vous faire pour le gouvernorat de Bizerte ?


Ce que je pense pour Bizerte est valable pour toutes les régions de la Tunisie. Le citoyen tunisien est malheureux de Bizerte jusqu’à Tataouine. Rien  n’a changé, le pouvoir d’achat a baissé, le chômage, l’insécurité,  le terrorisme…Enormément de problèmes lui pourrissent la vie. Et notre rôle est de lui trouver des solutions.

Moi je prends les choses à cœur et d’une manière sérieuse, je ne peux pas entreprendre quelque chose pour perdre. Donc je m’engage pour gagner et pour participer au développement de Bizerte qui demeure l’un des plus beaux gouvernorats de la Tunisie. Mais dont beaucoup de richesses restent inexploitées.

Comment pensez-vous faire évoluer les choses ?

Quand on voit tout ce que Dieu a donné à notre région comme richesse naturelle. Ces terres fertiles, ces barrages pleins d’eau, ces forêts, ces montagnes, ces côtes magnifiques, cette richesse archéologique, l’infrastructure qui existe depuis la colonisation.  Quand on voit l’intelligence des jeunes de la région, cette dynamique des gens pleins d’énergie.  On se rend compte que tout ce potentiel est inexploité et qu’il faut juste faire les bons choix et mettre la machine de la production en marche.  D’ailleurs c’est injuste qu’on ait des gens pauvres dans cette région qui a presque tout.

Quelles solutions proposez-vous ?

Les prochains gouvernements doivent s’engager à mettre en œuvre un mode économique et des réformes urgentes pour gérer le pays. Nous, dans l’industrie quand on a de la matière première riche, on ne peut pas aboutir à un produit pauvre. Le produit final c’est l’homme qui vit dans cette région et qui doit avoir une vie meilleure. Il y a encore des gens à Bizerte,  vivant à côté des barrages, et qui n’ont pas accès à l’eau potable. Il y a des urgences par lesquelles on doit démarrer. Mais il y a tout un travail de fond pour assurer le développement régional.
 
Vous semblez très optimiste pour l’avenir du gouvernorat de Bizerte !

Le miracle est possible à Bizerte. Avec tous les ingrédients, le potentiel et les richesses qui existent dans le gouvernorat,  le développement  économique est à notre portée. En 5 ans, on peut faire beaucoup de choses. Je ne peux pas donner de promesses précises, car il faudrait prendre en considération le budget qui va être consacré à la région.

Nous à Al Moubadra, nous sommes des gens sérieux et on ne peut pas promettre des choses surdimensionnées sans prendre en compte le financement.

Quelles mesures préconisez-vous contre le chômage ?

Nous aspirons à offrir tout ce que nos jeunes attendent. Pour le gouvernorat de Bizerte, c’est évident, le plus grand problème c’est le chômage. Il faut absolument qu’on trouve des solutions à ce monstre qui menace l’existence même de nos jeunes. Mais il faut aussi changer les mentalités pour trouver des jeunes qui veulent travailler, parce qu’il est insensé qu’on ne trouve de la main-d’œuvre agricole par exemple.

Vous pensez que nos jeunes ne veulent pas travailler !

Nos jeunes je ne les plains pas. Ils ont été menés en bateau. Ils ont mené des études et ils sont diplômés. Donc il est logique qu’ils demandent des postes à la hauteur de leur formation. Le gouvernement qui donne des orientations de la sorte doit être responsable. Il doit garantir le travail au bout des comptes. Je t’oriente vers quoi ? Vers le chômage ?

Maintenant il faut des réformes pour former dans des métiers demandés sur le marché du travail. Il faut une réforme du système éducatif pour commencer à changer les mentalités à partir de l’école primaire. Il faut réinstaurer la culture du travail car même ceux qui travaillent ne sont pas efficaces et ne se donnent pas à fond.

          « 80 % des diplômés cherchent du travail dans les banques»


Mais en Tunisie, la formation professionnelle n’est pas bien perçue par les jeunes ?

Depuis des années,  on disait que ceux qui ne réussissent pas dans la vie,  on les oriente vers la formation professionnelle. C’est faux. Et c’est le plus mauvais message qu’on donne à nos jeunes. Il ne faudrait pas qu’il y ait une cassure entre les métiers et les activités d’économie, d’informatique et d’’ingénierie.

Cette orientation doit commencer depuis l’école primaire. Il faut expliquer à nos jeunes qu’on peut être mâcon, avec un brevet ou un bac, ou un master et même une thèse. Il faudrait qu’on transforme toutes les universités qui sont en train de sortir des chômeurs et les convertir en instituts technologiques.

Le système éducatif est à l’origine de toutes ces lacunes. En plus c’est l’argent du contribuable qui est en train d’être mal géré. En tant qu’industriel,  on ne comprend pas ces aberrations pareilles.

En Tunisie, tu trouves plus de 80 % des diplômés en train de chercher du travail dans les banques et 10% dans les métiers. Dans notre domaine par exemple, on cherche à la loupe pour trouver un bon menuiser, un menuiser qui sait lire un plan. La majorité de nos menuisiers, mal formés, ne savent pas tracer deux droites parallèles. Il faut redonner de la valeur à ces métiers et surtout travailler la mentalité. Faire l’éloge des métiers pour contribuer à changer les mentalités des gens.

Si l'on terminait par une question sur votre projet Ice Mall dans la région. A quel stade d'évolution se situe-t-il?
 
Ice mall,  je l’ai confié à un bureau de gestion des affaires. C’est un projet ambitieux et multisectoriel. C’était mon idée au départ, à la suite de mon passage dans les pays du Golfe. J’ai remarqué qu’il y a une composante importante dans ces pays que nous n’avons pas en Tunisie,  qui est le système de loisirs pour les familles.

En Tunisie, les familles prennent les centres commerciaux comme des centres de loisirs. Il faut absolument qu’on passe à une autre vitesse et qu’on investisse dans les centres de loisirs. Même si On gagne moins dans le loisir que dans les commerces.  Je pense que les grandes agglomérations ont besoin  de poumons d’oxygène, pour que les familles trouvent où amener leurs enfants et joindre l’utile à l’agréable. Le projet avance de toute façon et ce sera  un centre destiné aux loisirs et au commerce.

Interview réalisée par Cheker Berhima