L’autre «Euro-vision »

Le groupe Islandais Hatari classé 10 ème lors de l’Eurovision 2019, organisée en territoires occupés, défraie la chronique depuis quelques jours. Le trio eletricore, sanglé de bandelettes de cuir a brandi séance tenante, trois banderoles aux couleurs palestiniennes, en soutien à la lutte légitime du dernier peuple occupé sur terre.
Ni l’intervention d’acrimonieux vigiles ni les huées de la salle ne purent plier les rockers. Star incontestable d’une pseudo-rencontre musicale, aux relents normalisateurs, Hatari, a volé la vedette au triste lauréat du numéro.
Bilal Hassani candidat français du tournoi controversé, dans le sinistre rôle de « Hassan Chalghouni » de la chanson, rentre bredouille. La honte en sus.. Quatorzième. Le candidat de Patrick Fiori à The Voice Kids il y a quatre ans, aura juste élargi le cercle de l’indignation. Ses mentors sionistes l’eurent trahi au moment où il montait la scène ! Il avait déjà rempli sa triste mission d’arabe-caution ! Fallait-il encore l’en remercier ? En faire un héros ? Le consacrer ? Que nenni. Il était venu servir Israël, il n’allait pas pousser le bouchon. Bien fait. Croyait-il vraiment qu’il allait remporter l’Eurovision ?
Israël n’est évidemment pas si généreux que ça, mon grand ! Tu auras perdu ton honneur et ta carrière…. Des plumes entre temps. Personne n’entendra plus parler de toi !
Les premiers sont Islandais, le second est Marocain. Les premiers affichent leur sensibilité pro-palestinienne et risquent de se mettre à dos le lobby sioniste, le second affiche sa trouille et ses illusions bon marché : se concilier les faveurs d’Israël. Les premiers portent des convictions, le second porte les clichés des diplômés TF1 !
Je n’entreprendrai pas de raconter l’histoire des uns et des autres. Je me contenterai de constater l’ampleur des dégâts. Par strate de chantage à l’antisémitisme, par vagues successives d’islamophobie, à coups de stigmatisations, de « révisionnisme à l’envers », où l’histoire arabo musulmane est réécrite à rebours par d’apprentis-sorciers, les digues culturelles du monde arabe commencent à prendre l’eau de toutes parts……
La réalpolitique a eu raison de tout. Tout le monde joue au diplomate. Le paradigme politique s’étend aux sphères artistiques, morales, et sociales. On ne cherche plus la vérité ni la justice, on cherche l’équilibre. La tempérance est une fin en soi. Comme si l’art, la morale ou la science étaient-ils concernées par l’équilibre des forces en présence !
Rien de moins vrai ! Ni l’art ni la science, encore moins la morale n’ont cure de l’équilibre. On ne demande pas à une théorie scientifique d’être modérée. Pas plus qu’on n’exige d’une norme d’être « négociée ». L’art lui, se fiche pas mal de la « situation ».
Bilal Hassani n’était pas obligé de faire de la réalpolitique. Il aurait été meilleur dans son élément artistique, à la quête du beau. Or le beau n’a pas de limites, ni de « réserves ». La fameuse «cause noble » de l’art n’est ni la conscience de classe ni celle des races. Mais bien la création. Et donc la liberté de créer. Et donc la liberté tout court. Celle dont rêvent un artiste palestinien occupé Celle dont rêvait Mahmoud Darouich ! Mais celle aussi dont rêve encore des millions de Palestiniens. Voilà le cri poussé par Hatari qui hantera les longues nuits de Bilal Hassani……Des nuits sûrement plus longues que la nuit palestinienne, vieille d’un demi-siècle.
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