Le contexte médiatique 10 ans après de la Révolution: problème de numérisation, de publicité ou de pression politique?

Le contexte médiatique 10 ans après de la Révolution: problème de numérisation, de publicité ou de pression politique?

Suite à la révolution du 14 janvier 2011, certains anciens organismes médiatiques et institutions gouvernementales ont été abolis à savoir le Ministère de la Communication, l’Agence Tunisienne de Communication à l’Etranger (ATCE) et le Conseil Supérieur de la Communication et, l’abrogation du code de la presse de 1975. Mais nous avons assisté également à l’apparition de nouvelles institutions de régulation des médias, notamment l’Instance Nationale pour la Réforme du domaine de l’Information et de la Communication (INRIC) et la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA).

Il s’agit donc de l’émergence d’un nouvel espace médiatique et d’un nouveau discours journalistique, soutenu par la suite par les décret-loi 115 et 116. Ces derniers sont d’ailleurs critiqués actuellement par les acteurs médiatiques, mais également par des politiciens. C’est la raison pour laquelle, des projets de modification de ces deux textes juridiques ont été proposés ces derniers temps, et dont l’un est déjà soutenu par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT).

De plus, dans le cadre de cette réforme médiatique, il y a eu le passage d’un système autocratique à un Etat de droit qui cherche à assurer la liberté des médias étant donné qu’une démocratie dynamique a besoin de médias pluralistes et indépendants. Bien que de nombreux médias aient émergé après la révolution, certains ont disparu, notamment dans le secteur de la presse papier dont particulièrement les journaux: Assarih, Attounisia, Al-Elen (Les annonces), Al-Hadath, Akhbar Al Jomhouria, Al-Fajr, Adhamir, Hakaek, Al-Bayen, Livret Santé, Donia El Malaab, Al Mousawar, Assabah Al Osboui, ainsi que les magazines Tunivisions, Star, Le Magazine de la Tv.

Néanmoins cette crise suffocante de la presse papier n’a pas empêché certains journaux de résister tant bien que mal à la l’instar de La Presse, Ashourouk, Assabah, Le Temps, Le Maghreb, Essahafa, Tunis Hebdo, Al Akhbar et Le Quotidien.

Le numérique affecte la pérennité de la presse papier

En effet, les chiffres confirment que les Tunisiens ont repris confiance en les médias tunisiens, après la révolution du 14 janvier 2011, de façon que le nombre des auditeurs des chaines panarabes comme Al-Jazeera et France 24 a diminué ces dernières années, selon les chiffres de Sigma Conseil, sauf qu’il y avait ces dernières années, de moins au moins des Tunisiens fidèles toujours aux journaux papiers, selon une étude faite en 2012 par 3C Etudes.

De nombreux facteurs interviennent d’ailleurs dans la réussite ou l’échec de la presse papier notamment la présence du numérique. Avec le développement des pratiques numériques et la multiplication des supports (tablette, smartphone, etc.), il est quasi-impossible de fonctionner dans ce monde médiatique sans marquer sa présence dans le monde virtuel. C’est la raison pour laquelle, la majorité des journaux papiers a lancé sa version numérique en tant qu’un site électronique au départ, représentant le même contenu que la version papiers, mais voilà qu’aujourd’hui, ce site électronique est devenu plus riche d’informations que la version papier.

Bien que certains journaux papiers se furentdébarrasser de leurs versions papiers, d’autres gardent encore cette version, avec la fidélisation d’un nombre restreint de lecteurs.

De même, les journaux papiers sont entrés en concurrence après la révolution avec les médias audiovisuels vu que ces derniers ont ouvert leurs espaces aux échanges d’opinion, en temps réel, et en présence tous les acteurs. Ceci confirme que la situation des médias audiovisuel est meilleure après la révolution de celle des journaux papiers.

L’échec du secteur audiovisuel en Tunisie

De nombreuses chaines télévisées et radiophoniques se sont lancées après la révolution du 14 janvier mais certaines ont disparus ou ont été rachetées par d’autres personnes, tel que l’exemple de TWT. Or l’élément major assurant la pérennité d’une chaine télévisée ou radiophonique est la publicité.

En absence des recettes publicitaires, il est quasi-impossible de faire survivre un média, sauf si derrière ce média se cache un homme politique ou un homme d’affaires, qui a des intérêts personnels à réaliser en influençant l’opinion publique via ce média. Ceci mettra ainsi en question la ligne éditoriale de ce média. C’est bel et bien le cas de Nesma TV qui a été critiquée pour sa couverture médiatique de l’élection présidentielle de 2019 étant donné que son Directeur est candidat à cette élection.

Récemment, la chaine télévisée MTunisia a suspendu ses activités faute de budget. Certains disaient que cette chaine n’est plus soutenue par le parti Ennahdha, ce qui a empêché la chaine de payer ses dépenses. Aucune information sur les raisons réelles de cette suspension n’a été annoncée par les responsables de la chaine.

La politique et l’indépendance médiatique

La pression politique sur les médias est visible à tout le monde, surtout que les nominations des directeurs des médias publics passent toujours par le gouvernement, même si d’autres acteurs expriment leur avis. Or la bonne gouvernance des médias publics impose la transparence mais également l’indépendance de ces médias. Déjà, l’indépendance médiatique impose que les membres de la HAICA ne soient pas nommés par le gouvernement.  Tel qu’est le cas du conseil de presse qui veille à impliquer le citoyen dans le processus d’information.

Déjà, le dernier sondage d’Emrhod Consulting, confirme que 47% des Tunisiens pensent que la liberté d’expression est menacée. Donc cette révolution qui a eu lieu afin de garantir la liberté de presse, et notamment la liberté d’expression, semble ne pas arriver encore après 10 ans à cette finalité. Aujourd’hui, de nombreux politiciens financent des médias en ligne pour influencer les citoyens par leurs idées, et on se demande à qui incombe le rôle de blocage de ce type de pratiques. Serait-il temps réellement de changer nos textes juridiques afin de préserver la liberté de presse ? Or on se rappelle après que tout projet de loi doit être signé par le chef du gouvernement. Mais si nous sommes à l’époque d’un chef de gouvernement qui ne veut pas de cette liberté de presse ?

Nouha Belaid

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