Le monde sportif n’échappe pas aux crimes de l’exploitation sexuelle d’enfants

Le monde sportif n’échappe pas aux crimes de l’exploitation sexuelle d’enfants

Une experte indépendante de l’ONU a dénoncé mardi au Conseil des droits de l’homme à Genève les abus sexuels contre des enfants dans le monde sportif. « L’exploitation sexuelle des enfants est un phénomène mondial qui touche tous les segments de la société, et le sport ne fait pas exception », fait valoir le rapport de Maud de Boer-Buquicchio présenté devant le Conseil

Le document de la Rapporteuse spéciale sur la vente et exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie, lu devant le Conseil par son collègue Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, met en lumière « ces dynamiques propres au monde du sport qui rendent les enfants particulièrement vulnérables à l’exploitation sexuelle ». C’est dans les vestiaires, sur les terrains de jeu, en voyage, chez l’entraîneur ou dans son véhicule et dans les réceptions que les enfants courent le plus de risques.

Le rapport montre par exemple qu’aux États-Unis, le monde de la gymnastique a récemment été éclaboussé par une affaire qui a fait scandale. Sur une période de vingt ans, 368 jeunes gymnastes auraient été victimes de violence et d’exploitation sexuelles, certains alors qu’ils étaient âgés d’à peine 6 ans. En 2018, l’ancien médecin d’une équipe de sport a été condamné pour possession de matériel montrant des violences sexuelles sur enfant et pour violences sexuelles sur mineures. Il aurait fait 265 victimes.

Vérifier les antécédents des personnes travaillant avec des enfants sportifs
L’exploitation et les abus sexuels n’épargnent pas le monde du ballon du rond où des récidivistes ont sévi dans différents clubs. Au Royaume-Uni, en mars 2018, la police avait identifié 849 victimes et 300 suspects dans des affaires touchant 340 clubs de football. 95% des victimes étaient des garçons âgés de 4 à 20 ans. « Ces affaires ont été découvertes grâce à l’opération Hydrant, dans le cadre de laquelle la police enquête sur des cas anciens de violences sexuelles commises sur des enfants dans l’ensemble du pays », indique le rapport.

En Argentine, un réseau pédophile dont les membres avaient sexuellement exploité des dizaines de garçons qui s’entraînaient dans des clubs de divisions inférieures a été découvert en 2018. Dans ce pays d’Amérique du Sud, il arrive souvent que les enfants originaires de régions reculées soient logés par les académies de football, loin de leur famille, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux violences et à l’exploitation. Selon Mme de Boer-Buquicchio, il est aujourd’hui largement admis que le monde du sport n’échappe pas aux crimes abominables que sont la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants.

Des recherches menées par la Fédération internationale des footballeurs professionnels (FIFPro) et l’Université de Manchester ont révélé que près d’un quart des joueurs professionnels âgés de moins de 18 ans n’avaient pas de contrat écrit. D’autres n’avaient pas de copie de leur contrat. Cette situation place les enfants concernés dans des situations extrêmement précaires et ouvre la voie à des formes multiples d’exploitation qui reviennent à les réduire à un statut de marchandises.

Si le transfert d’un club à un autre est une étape importante dans la vie de tout sportif professionnel, c’est souvent à cette occasion que les enfants en viennent à être considérés comme des marchandises. Dans le football professionnel, plus de la moitié des joueurs de moins de 18 ans qui intègrent un club sont issus des académies pour jeunes, tandis qu’un quart sont des joueurs libres.

L’experte constate une prise de conscience croissante concernant des pratiques équivalant à la vente et à la traite d’enfants. Le cadre juridique international fixe des obligations et des responsabilités pour ce qui est du traitement de ces violations des droits de l’homme. La Rapporteuse spéciale insiste sur la nécessité de la mise en place d’organismes de contrôle indépendants, ainsi que sur le rôle crucial de vérification de l’origine pour quiconque travaille avec des enfants.

Dans ses recommandations, Mme de Boer-Buquicchio invite instamment tous les États à veiller à ce que toutes violations des droits de l’enfant commises dans le contexte du sport fassent rapidement l’objet d’une enquête et à ce que les personnes physiques et morales qui en sont directement responsables soient poursuivies et sanctionnée. « Il faut veiller aussi à faire du respect des droits de l’enfant un critère lors de l’examen des candidatures à l’organisation des grands événements sportifs », souligne l’experte indépendante.

« Les abus sexuels sur des enfants de la part de membres du clergé de l’Église catholique ne sont plus un tabou »
Sur un autre plan, la Rapporteuse spéciale s’est félicitée du fait que le monde se réveille pour entendre la voix des enfants et de certaines « bonnes nouvelles ».

Les abus sexuels sur des enfants de la part de membres du clergé de l’Église catholique ne sont plus un tabou, comme le reconnaît la conférence récemment convoquée par le Pape, a-t-elle souligné. « (Elle) reconnaissait la nécessité de traiter ces questions par l’Église catholique de toute urgence, même si les victimes auraient pu s’attendre à des mesures plus concrètes pour remédier à leur sort et rendre justice », a dit Mme de Boer-Buquicchio.

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