Le New York Times : nous sommes en 2018 et les Tunisiens sont toujours malheureux

 Le New York Times : nous sommes en 2018 et les Tunisiens sont toujours malheureux

 

Le quotidien américain ’’The New York Times’’ a publié un article d’opinion, lundi 8 octobre 2018, sur la situation ‘’infernale’’ en Tunisie sous tous ses aspects, mettant en question l'incapacité du gouvernement actuel à changer la situation et à répondre aux revendications du peuple tunisien, à savoir le développement et l'emploi, en plus du souci de la sécurité et de la paix sociale.

Rédigé par Rory McCarthy, membre du Magdalen College (Oxford) et auteur de ‘’Inside Tunisia's al-Nahda: Between Politics and Preaching’, (Tunisie al-Nahda: Entre politique et prédication), l’article souligne que ‘’ce n’est pas encore un retour au passé autoritaire.

Mais ce n’est pas non plus le futur digne et démocratique pour lequel les Tunisiens ont lutté’. ’’Si la Tunisie a réussi à éviter le dérapage d’une contre-révolution ou d’une guerre civile au lendemain de sa révolution, le pays semble pourtant sombrer dans une crise sans précédent’’, note-t-il.

Pour McCarthy, tout semble paradoxal dans ce pays: Un président issu d’un système semi-présidentiel créé pour empêcher le retour à la dictature appelle à renforcer le pouvoir de la présidence, un ‘’ambitieux’’ chef du gouvernement rayé de son parti mais qui continue quand même d’exercer ses fonctions avec le soutien du parti adversaire Ennahdha...

Selon l’auteur, la crise socio-économique a abouti à une crise politique. En effet, ce dernier explique que le consensus politique effrité et le contrat social rompu sont bel et bien à l'origine des soulèvements sociaux. L'inflation a augmenté, le taux chômage s’est obstinément élevé, les grèves et les manifestations se sont généralisées.

La fragilité de la transition démocratique a été soudainement mise à nu. ‘’Plusieurs députés de Nidaa ont quitté le bloc parlementaire en signe de protestation. Certains d’entre eux estiment que la scène politique est devenue une sorte de ‘’projet familial’’, faisant référence au fils du président, Hafedh Caïd Essebsi, qui dirige le parti’’, souligne McCarthy.

L’écrivain s’est attardé sur le faible taux de participation aux élections municipales qui ne représentait qu'un tiers des électeurs inscrits. Cela signifie que le taux de participation a diminué à chaque élection successive depuis 2011. Pour lui, les Tunisiens sont maintenant extrêmement désillusionnés face aux politiciens de tous les partis. C’est ainsi que les manifestations massives ont augmenté. Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) affirme que leur nombre est passé de 1 000 en 2014 à plus de 11 000 l'an dernier.

McCarthy a ajouté que des Tunisiens ont pris la décision risquée de quitter le pays. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), pas moins de 4 000 Tunisiens ont quitté le pays clandestinement en 2018. ‘’La vie de ces jeunes qui ont renversé le régime autoritaire de Zine el Abidine Ben Ali en 2011 a à peine changé, dit-il.

Le taux de chômage des jeunes atteint 36%. L'inflation a fortement augmenté, atteignant un sommet de 7,8%, en juin de cette année, son niveau le plus élevé depuis près de trois décennies.’’ Paradoxalement, l'élite tunisienne s'est concentrée sur la construction d'un nouveau système politique, en accordant peu d'attention aux profondes réformes sociales et économiques, indique-t-il.

L’économie tunisienne, remarque l’auteur de l’article, dépend largement des exportations des appareils électriques, de pétrole et de phosphates, ainsi que du tourisme. Cependant, malgré tous ces atouts, la croissance économique est restée faible depuis le soulèvement de 2011 et l’effondrement du dinar a entraîné une hausse des coûts d’importation.

Le Fonds monétaire international (FMI) a exercé des pressions sur le gouvernement pour réduire le secteur public, mettre fin aux subventions et éliminer les inefficiences dans les entreprises gérées par l'État, précise McCarthy.

L’écrivain a, également, évoqué l’UGTT qui a appelé à une grève dans le secteur public ce mois-ci et à une grève de la fonction publique au mois de novembre pour s’opposer aux mesures d’austérité du gouvernement.

‘’Le syndicat veut des salaires plus élevés et un gel des suppressions d’emplois dans le secteur public’’ affirme-t-il, en précisant: ‘’Mais beaucoup de ces manifestations ne sont pas encadrées par des partis politiques, des syndicats ou des groupes de la société civile. Les manifestants exigent des emplois et une part plus importante au niveau de financement dédié au développement régional’’.

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