Le projet de loi de réconciliation, cette fois ou jamais !

Le projet de loi de réconciliation, cette fois ou jamais !

 

Le projet de loi relatif à la réconciliation, a, de nouveau, été examiné, ce mercredi 12 juillet, au sein de la commission de législation générale. Six articles sur un total de sept ont été adoptés. L’examen du reste du projet sera effectué mardi et mercredi prochain. En cas d’adoption, il sera déféré devant la plénière du 18 juillet pour approbation.

Le projet est donc remis sur le tapis après avoir été revu et modifié à la lumières des recommandations et des propositions des parties concernées, notamment la Commission de Venise, les  partis politiques et le organisations de la société civile.  La présidence de la République a confié à un comité d’experts la tâche de revisiter le projet et de l’adapter aux exigences de la constitution. Alors que les crimes de change ont été retirés du projet, la présidence tient, par contre, à inclure les hommes d’affaires dans le projet. Il ne concerne plus que les fonctionnaires dont le nombre est estimé selon des sources concordantes à une dizaine de milliers qui n’ont pas trempé dans la corruption et la malversation, mais qui, en appliquant des instructions venues d’une autorité supérieure, se sont trouvés en infraction par rapport à la loi.

Initiative essentiellement politique

 Jamais une initiative n’a suscité autant de réactions et de controverses que celle relative à la réconciliation nationale. Depuis son annonce, le 20 mars 2015, lors de la célébration de la fête de l’indépendance, par le président de la république Béji Caid Essebsi, elle ne cesse de diviser la classe politique, la société civile et l’opinion publique. Un projet de loi organique a été préparé et adopté le 15 juillet 2015, au cours d’une réunion exceptionnelle du Conseil des ministres sous la présidence du Chef de l’Etat. Il a été transmis, le 8 novembre de la même année, à l’Assemblée des représentants du peuple et face au tollé qu’il a soulevé, il a été, tout simplement, mis dans le tiroir. Mais la présidence de la république, revient à chaque fois à la charge pour le relancer et tenter de le faire adopter avant le 25 juillet courant qui coïncide avec la célébration du 60ème anniversaire de la fête de la République.

Il est à rappeler que cette initiative présidentielle vient en concrétisation d’une promesse électorale du président Béji Caid Essebsi qui avait pris l’engagement, qu’une fois élu, il œuvrerait à instaurer la réconciliation nationale, à concrétiser l’unité entre les Tunisiens de tous bords, ceux qui croient en les valeurs de la république et à son intégrité et à tourner la page du passé avec ses heurs et malheurs.  C’est pourquoi, l’une de ses premières initiatives a été justement de proposer un projet de loi organique sur la réconciliation économique et financière qui est pour lui « une nécessité qu’il faut mener coûte que coûte ».

Il ne s’agit pas, pour lui, de revisiter le passé pour raviver les douleurs et remuer les plaies, mais plutôt, pour en tirer les conséquences, en s’arrêtant sur les erreurs afin d’éviter qu’elles ne soient plus commises. Et puis, tout le passé ne devrait pas être totalement rejeté et ses acteurs complètement « sacrifiés » sur l’autel d’une justice transitionnelle controversée.  Son initiative revêt, en fait, un caractère essentiellement politique et tend à renforcer la confiance dans les institutions de l’Etat.  Elle doit aboutir, in fine à « la fermeture définitive de ce dossier et tourner la page du passé en vue de la concrétisation de la réconciliation nationale ».

Mal présentée et mal expliquée

Parce que mal présentée et mal expliquée et à la limite de la constitutionnalité, si elle ne l’est pas, cette initiative a suscité des réactions, pour la plupart hostiles, notamment de la part de l’opposition parlementaire, de l’Instance Vérité et Dignité et d’un bon nombre des organisations de la société civile dont l’UGTT. Elle est considérée comme une manière de blanchir des personnes corrompues et de passer l’éponge sur les dettes de certains hommes d’affaires à l’égard de l’Etat. Sa remise sur le tapis, au moment où le gouvernement a lancé une guerre qui s’annonce sans merci contre la corruption, a soulevé de vives critiques, parce qu’elle tombe mal en point, selon l’opposition. Son examen au sein de la commission la semaine dernière a été marqué par un débat houleux. Certains de ses membres se sont retirés pour marquer leur opposition à un projet qui, selon eux, a pour objectif inavoué d’absoudre les corrompus et de légaliser la corruption et le blanchiment d’argent.

A son tour, le mouvement Ennahdha qui dispose du plus grand nombre de députés, 69 au total, ne semble pas prêt de soutenir le projet présidentiel à fond. Son président est mis en difficulté de pouvoir convaincre le conseil de la Choura et son groupe parlementaire de voter pour le projet de loi. De nombreux membres de la Choura estiment que s’abstenir permettrait à leur mouvement de se démarquer de Nidaa Tounes et de satisfaire une bonne partie de leur base hostile à l’alliance avec le parti présidentiel. Certains parmi eux, ne voient d’un bon œil que le projet tel que présenté ne couvre que la période du régime de Ben Ali et recommandent qu’il soit étalé jusqu’en décembre 2013 pour englober les fonctionnaires ayant exercé sous les gouvernements de la Troïka. Rached Gahnnouchi qui s’est engagé auprès de son « allié » Béji Caid Essebsi, de faire passer le projet de loi, se démène pour convaincre les plus récalcitrants.

Les 109 voix nécessaires 

Etant à l’écoute des autres sons de cloche, la présidence de la République a fait preuve de beaucoup de souplesse et s’est montrée ouvertes à toutes les propositions. Le projet a, en effet, été modifié à la lumière des différentes recommandations, celles de la Commission de Venise mais également celles émanant des députés, des partis politiques et des organisations de la société civile. Elle a fini par retirer la partie concernant les crimes de change du projet de loi de réconciliation nationale et qu’ils feront l’objet d’une proposition à part qui sera présentée par le gouvernement, et ce après avoir déjà retiré celle relative aux hommes d'affaires. 

En cas d’adoption du projet de loi au sein de la commission, il sera soumis devant la plénière du 18 juillet courant. Le débat s’annonce d’ores et déjà, tendue. Les députés de la coalition gouvernementale seront mis à rudes épreuve, d’autant plus qu’il s’agit d’un projet de loi organique dont l’approbation nécessite la majorité absolue, soit 109 voix. Arithmétiquement, il part avec de fortes chances, étant donné qu’il bénéficie du soutien des groupes parlementaires de Nidaa Tounes, d’El Horra, du nouveau groupe patriotique et d’une bonne partie des membres des groupes d’Ennahdha et d’Afek. Mais l’absentéisme des députés risque de faire planer le doute sur son adoption. A moins d’une forte mobilisation.

Cette fois ou jamais !

Brahim OUESLATI

 

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