Le projet de Sadok Belaïd tombe à l’eau vive la Constitution de Kaïs Saïed

Le projet de Sadok Belaïd tombe à l’eau vive la Constitution de Kaïs Saïed

Une lecture rapide du « projet de constitution » publié au JORT de ce 30 juin et qui sera soumis au référendum prévu le 25 juillet 2022 montre clairement que le projet élaboré par l’instance nationale consultative pour une Nouvelle République a été complètement abandonné. Ainsi alors qu’il était dit qu’aucune mention ne sera fait à l’Islam dans le corps de la Constitution et qu’il n’aura de place que dans le préambule , ce n’est point le cas. Ainsi l’article 5 stipule que la Tunisie fait partie de la Umma islamique et que seul l’Etat œuvre à réaliser les finalités de l’Islam sacré dans la préservation de l’être, de l’honneur, de la religion et de la liberté. Un article du reste fort ambigu qui laisse la place à toutes les interprétations.

Par ailleurs aucune mention n’est faite quant au caractère civil de l’Etat. L’article 88 dispose que le président de la République est le chef de l’Etat et sa religion est l’Islam ce qui revient à dire que l’Islam est la religion de l’Etat.

La nouveauté du projet de Belaïd était qu’un chapitre entier était consacré aux questions économiques et sociales. Paradoxalement non seulement le projet de Kaïs Saïed fait l’impasse sur ce chapitre mais le mot économie n’existe nulle part dans le projet publié au JORT. Il était question aussi de la création du conseil économique, social et environnemental.

Ce projet tombe aussi à l’eau. En son lieu et place on trouve une deuxième chambre d’un Parlement devenu bicaméral, appelée un conseil des régions et des Akalims. Formé de représentants élus des conseils de région et des Akalims, il semble être la préfiguration du régime politique de base que les affidés de Kaïs Saïed appellent de leurs vœux. Autre nouveauté qui ne figure pas dans le projet publié ce jeudi soir. Le titre de chef de gouvernement est maintenu alors qu’il était proposé de lui attribuer le titre de Premier ministre.

Il était proposé qu'en cas de second vote négatif contre le gouvernement par mention de censure, le président de la République serait forcé à démissionné. Mais cette disposition ne figure pas dans le texte publié. A la place le chef de l'Etat aura la latitude de dissoudre l'une ou les deux chambres et convoque de nouvelles élections.

Quant à la Cour constitutionnelle, elle ne sera pas composée de personnes nommées par les autorités en place mais elle comprendra les magistrats les plus hauts gradés dans les trois ordres, judiciaire, administratif et financier. D’ailleurs il n’y aura plus un conseil supérieur de la magistrature mais un conseil supérieur pour chacun des trois ordres. Le contrôle de la constitutionnalité des lois, des traités, des règlements intérieurs des deux chambres et des procédures de l’amendement de la constitution est la seule responsabilité confiée à la Cour constitutionnelle.

Elle n’a aucune autre compétence à part le fait que son président assure l’intérim du président de la République en cas de vacance de ce poste pour quelle que raison que ce soit. S’agissant des instances constitutionnelles, seule l’Instance supérieure indépendante des élections est maintenue. Il est créé en outre un Conseil supérieur de l’Education et de l’enseignement. Par ailleurs, les dispositions transitoires ne comportent pas une élection présidentielle anticipée comme il a été proposé selon le professeur Amine Mahfoudh un des auteurs du projet de Sadok Belaïd.

Cette proposition a pour finalité de donner une nouvelle légitimité au président Kaïs Saïed élu sous l’empire de la constitution de 2014 devenue caduque après l’adoption d’une nouvelle constitution lorsque le référendum aura été approuvé par une majorité de votants le 25 juillet prochain.

On ne sait pas quelle réaction sera celle que prendra le doyen Sadok Belaïd. Il avait annoncé qu'il ne se taira pas si le texte qu'il a présenté subira des changements en profondeur. Ce qui semble être le cas.

RBR

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