Le spécialiste qui n’en est pas un !

Le spécialiste qui n’en est pas un !

Par Jamel HENI

L’affaire Kazdaghli fait tâche d’huile. Le colloque « épi-universitaire » organisé à Paris du 16 au 18 avril 2023, par la Société d’Histoire des Juifs de Tunisie ( association française), sous le patronage de la ministre française de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau, relance le débat sur la normalisation. La participation de chercheurs israéliens, mais aussi les thèmes plutôt militants que scientifiques, cristallisent le courroux de l’opinion. Et pour cause.

L’arbre de Kazdaghli cache-t-il la forêt d’un sionisme universitaire systémique ? L’ancien doyen de l’université de la Manouba, ex-membre du parti socio-démocrate Massar ( dont il fut limogé pour accointances sionistes en 2018), s’est semble-t-il fait des émules. Outre Largach, Allagui et Chater, habitués du bal, de frais-émoulues « doctoresses » rejoignent la « sortie scientifique » vers l’enrégimentement propagandiste.

Serait-ce de la science ? Voyons !

Le site Calenda suffit. La période étudiée : le protectorat ! Un thème français, une historiographie coloniale, la Tunisie aura vécu une sombre occupation, qui n’a protégé que son armée, ses tunisiens de service, les fameux goumyas. L’horreur coloniale, identitairement coloniale, rigoureusement coloniale, n’aura rien protégé, rien épargné ! Un seul crime, pour ne pas le citer : Des camps de concentration, décrits par Yves Benot, dans son livre Massacres coloniaux, La Découverte, 1994. « les arrestations arbitraires de plus de 2000 personnes et internées dans le camp de concentration de Servière à Fondouk-Djedid ». L’embarras du choix pour le reste. Du 09 avril 1939 à Sakiet sidi Youssef 1958, beaucoup de sang a coulé sous les traités.

Les questions du « thème » relèvent de l’anachronisme le plus abouti : statut juridique des juifs en Tunisie entre droit et résilience religieuse. Là le « souci » juridiquement et historiquement français, serait devenu « ultime oxymore » : tunisien ! Les organisateurs, auraient paraît-il oublié les prérogatives coloniales : le gouvernement de Vichy de l’époque, soumettait les Juifs Tunisiens naturalisés en majorité, aux mêmes lois discriminatoires de la métropole. La colonie était colonisée.

En revanche, Moncef Bey avait sauvé la vie de 5 membres du Conseil Juif de Tunis, capturés par les forces de l’axe. Le croissant rouge de la Marsa abritait les familles juives tripolitaines, déportées par un axe, battant en retraite ( le livre Moncef Bey, de Said Mestiri).

Passons. Le colloque nous est simplement un prétexte pour évoquer l’ADN des travaux de Kazdaghli.

Quels seraient les intérêts savants liés à l’étude nécessaire des minorités du plus gros spécialiste selon les médias? En feuilletant son CV, il n’aurait rien produit de scientifique sur la minorité juive en Tunisie, aucun travail exclusif, de terrain ni théorique sur la question sur la communauté elle-même.

Le gros de son travail aurait, excusez du peu, évolué de l’histoire du parti communiste auquel appartenait-il, à l’histoire du tourisme….dont il aurait politiquement ignoré les délices ( il travaillait sur son propre parti, son propre courant, des études sur soi-même !!…). Aucune librairie en ligne ne propose une étude sa-vante sur les juifs, à laquelle aurait-il substantiellement collaboré. Amazon écoule « le tourisme dans l’empire français… », Ceresbookshop, « la révolution d’octobre et le monde arabe »…. Un chapitre de 22 pages dans openbook, sur les Immigrations des juifs de Tripolitaine vers la Tunisie (1936-1948), dans un collectif intitulé « la bienvenue et l’adieu, migrants juifs et muslmans au Maghreb, du XV au XX Siècle » !

En ce qui concerne les revues, la prépondérance est donnée aux sites de propagande et autres identitaires juifs : tels que Time of Israël, Akadem, voire des pages personnelles de militants français d’Israël.

L’essentiel de la production de notre historien, demeure étrangère à la science, en la matière. Son statut de spécialiste n’est justifié ni par un corpus ni par une méthode. Il serait « sous-entendu » pour des raisons militantes, où il mêle la science à des manifestations culturelles, voire rituelles, par ses participations et son boucan autour de journées de célébration, de pèlerinage communautaires, de soutiens à d’artistes tartuffes….. Or la science n’a pas pour vocation de célébrer un thème de re-cherche ! La science ne milite ni n’accuse, elle ne juge ni ne défend ! La science comprend et ex-plique.

L’université a selon toute évidence, besoin de comprendre et d’expliquer les minorités, de mesurer le phénomène communautaire, de décrire les comportements des groupes religieux !

Sans autre forme de procès. Il s’agit d’obligations académiques indiscutées et indiscutables. En revanche, les limites de l’exercice savant, s’arrêtent là où commencent la propagande, la militance communautaire, l’autocongratulation, les fantasmes d’auto-engendrements, la victimisation, l’autoflagellation….

 La science n’est anti ni philo ! Ce à quoi ne semble participer le kazdaghlisme épi-savant !! Hélas…

 

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