L’éducation est sinistrée, ne lui donnons pas le coup de grâce

L’éducation est sinistrée, ne lui donnons pas le coup de grâce

 

Une journée de grève est observée ce jeudi dans les collèges et lycées de la République sur le mot d’ordre de la Fédération de l’enseignement secondaire et de son tonitruant secrétaire général Lassaad Yacoubi.

Parmi les revendications on trouve pêle-mêle l’amélioration de l’état de l’infrastructure, la majoration des indemnités spécifiques, la retraite à 55 ans etc… Cette grève avec présence des enseignants dans les établissements est doublée de rétention des notes, une mesure jugée illégale par le ministère de l’Education.

Cet énième mouvement social dans l’enseignement est une nouvelle preuve si besoin est que notre système éducatif est malade. Sinistré il l’est incontestablement comme le prouve l’état lamentable des établissements.

Ayant dû faire face à l’afflux d’élèves suite à la démocratisation de l’enseignement partout dans le pays y compris dans les zones les plus reculées, l’Etat depuis l’indépendance a bâti des écoles, des collèges et des lycées sans se préoccuper de leur maintenance ni de leur entretien.

De sorte que soixante ans après on se rend compte que l’infrastructure est devenue vétuste, cela tout le monde en convient mais qu’elle menace ruine sinon qu’elle peut constituer une grave menace à la vie des élèves comme en témoigne l’incendie du pensionnat de Thala qui a causé la mort de deux jeunes collégiennes.

Quelle que soit l’issue de l’enquête diligentée-et ce n’est que justice qu’elle soit conduite par une commission indépendante- il ne fait de doute que l’état de la majorité des pensionnats laisse à désirer et que des mesures urgentes doivent être prises pour préserver la sécurité et l’intégrité physique de nos enfants.

Cette situation ne doit étonner personne puisque 3% du budget de l’éducation nationale- de loin le premier budget de l’Etat avec 4,925 milliards de dinars en 2018, soit 13% du budget global. Une hausse est enregistrée dans ce budget par rapport à 2017.

Pour avoir un ordre de grandeur, le budget de l’éducation équivaut presque en montant à ceux des ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale réunis (5,112 milliards de dinars).

Il ne fait pas de doute que l’Etat fait de son mieux pour faire face aux dépenses nécessaires au système éducatif dans son ensemble car n’oublions pas que 1,482 milliard de dinars sont consacrés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, un autre département prioritaire.

Dans le même temps on note que 97% du budget de l’éducation sont consacrés aux salaires et autres indemnités, une somme incompressible qui ne permet pas de marge de manœuvre au ministère de l’Education pour réhabiliter les bâtiments, réaliser les travaux d’entretien et de maintenance.

Un effort particulièrement conséquent a été déployé pour l’amélioration des traitements des enseignants dans tous les cycles. C’est peut-être insuffisant mais toute majoration des émoluments des enseignants entraîne automatiquement une hausse des salaires de la fonction publique, ce que l’Etat ne peut consentir en ces temps de grosses difficultés au niveau des finances publiques. Sans parler des la spirales inflationniste qui est enclenchée avec toute hausse de salaire. Ce qui met à rude épreuve le pouvoir d’achat des enseignants comme de l’ensemble des salariés.

Du reste le ministre de l’Education Hatem Ben Salem a annoncé qu’il est en train de faire tous les efforts possibles et imaginables pour obtenir des organismes internationaux et des pays frères et amis des dons pour améliorer l’infrastructure éducative. Il insiste sur le mot dons car l’état des finances publiques ne permet pas le recours à l’endettement dans de domaines. Mais l’Etat tout seul ne peut faire face aux besoins immenses de ce secteur sinistré.

Des efforts ont été demandés aux citoyens, aux entreprises publiques et privés et aux organisations de la société civile. L’appel a été entendu et on a vu des hommes ou femmes d’affaires accourir pour l’entretien des établissements où ils ont fait leurs études primaires ou secondaires. Des citoyens ont pris en charge la maintenance des écoles, collèges ou lycées du voisinage. Cependant, face aux besoins énormes, cet effort ne peut suffire.

Le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi a demandé à juste raison de faire de 2018 l’année de l’école et de la santé publiques. Mais le toujours plus d’indemnités, et moins de temps de travail, principales revendications de la Fédération de l’enseignement secondaire relevant de la centrale syndicale ne va pas dans ce sens.

Personne ne peut contester que les enseignants aient vu leurs traitements progresser de façon notable au cours de ces dernières années. L’Etat peut-il aller au-delà ? Rien n’est moins sûr.

Il est temps que l’Education publique devienne une priorité nationale. A cet effet des Assises nationales de l’Education doivent être convoquées réunissant toutes les parties prenantes pour examiner avec sérénité et dans un esprit de responsabilité la situation du secteur en vue de rechercher des remèdes aux problèmes devenus structurels qui le menacent.

Des grèves à répétition peuvent-elles servir à quelque chose sinon à braquer les citoyens contre les syndicats ou à conduire les parents à inscrire leurs enfants dans les établissements privés. Les arrêts de travail préjudiciables aux élèves peuvent être des moyens de pression.

Mais devant les moyens déficients de l’Etat, ces pressions peuvent-elles donner les résultats escomptés. A moins d’une nouvelle escalade dans les revendications et un scénario tout à fait comparable à celui de Néji Jalloul limogé sous la pression des syndicats.

Notre école est malade et notre système éducatif est sinistré. Ne nous voilons pas la face. Il faut se mettre autour d’une table et au plus vite pour trouver des remèdes à cette situation qui ne peut plus durer. Sinon ce n’est pas le présent qui pose problème c’est le futur qui sera hypothéqué.

L’UGTT qui s’est toujours présentée comme une organisation qui met l’intérêt supérieur de la nation au dessus de tout est devant un sérieux examen de conscience. Ou elle montre qu’elle tient à l’école publique et contribue à trouver des solutions à ses problèmes. Ou elle participe à sa démolition, à lui donner le coup de grâce fatal.

Un choix cornélien dites-vous. Pas du tout, entre l’essentiel et l’important le choix est vite fait.

RBR

Votre commentaire