L’employabilité en Tunisie: Quel rôle pour l’entreprise ?

L’employabilité en Tunisie: Quel rôle pour l’entreprise ?

Jeunes tunisiens dans un bureau de l'emploi à Tunis 

Par Dhouha Nasri

Depuis la crise financière de 2008, l’économie tunisienne est en situation de récession où le taux de croissance du PIB n’a pas dépassé 3%.Les difficultés économiques se sont accrues après la révolution à cause de l’insécurité et l’instabilité politique et sociale. L’incapacité de l’appareil productif à créer suffisamment de postes d’emploi pour absorber les flux de chômeurs conjuguée à l’inadéquation entre le produit du système éducatif et les requises du monde professionnel, ont laissé toutes les parties prenantes dans une impasse face à un taux de chômage de 15%.

Etant le maillon fort du système productif, l’entreprise est appelée à intervenir davantage dans l’économie et à revoir son modèle économique et son exploitation de ressources humaines pour  contribuer avec plus d’efficacité à la création de postes d’emploi décents et à  l’absorption de flux de demandeurs d’emploi notamment les diplômés de l’enseignement supérieur.

Un taux de scolarisation important face à une croissance morose

Le taux de scolarisation a subi une hausse tendancielle depuis des années grâce à une politique sociale fondée sur  l’investissement dans l’éducation. Ce taux est passé de 18.83% en 2000 à 34% en 2014 selon une étude menée par l’institut tunisien de compétitivité et des études quantitatives ITCEQ en 2016 sur l’enseignement supérieur.

Face à ce taux de scolarisation important, l’économie tunisienne  demeure, malheureusement, incapable d’accroitre suffisamment pour absorber les flux croissants de demandeurs d’emploi qui sortent sur le marché du travail chaque année. En effet, le nombre d’emplois crées annuellement est en moyenne de 30 000 postes, ce qui représente 5% du nombre total de demandeurs d’emploi estimé à plus de 600 000 chômeurs. 

A cause de la nature de tissu économique et de l’instabilité politique et sociale du pays, la contribution du secteur privé à la création de la richesse reste insuffisante, surtout eu égard, l’exploitation du facteur travail. Selon l’étude menée par ITCEQ, la part de l’investissement privé dans le PIB avoisine 12% .Un taux qui reste faible en comparaison avec les taux enregistrés dans les pays à croissance élevé comme les pays asiatiques (25%).

La même étude fait apparaitre une augmentation du nombre d’entreprises entre 1997 et 2016 de 80.5% et de l’emploi salarié de 60.2%.Ce décalage est dû à une sous- utilisation des ressources humaines. Cette incapacité à exploiter le capital humain est expliqué par le fait que la majorité des entreprises qui ont été crées avaient  le caractère de l’entreprise individuelle à zéro salarié. Selon les statistiques de l’INS, plus de 90% des entreprises  créées entre 2012 et 2014 sont des entreprises individuelles n’employant aucun salarié.

Environ  4% de ces entreprises emploient entre 1 et 2 employés et 1% seulement emploient plus de 3 salariés.
Un système productif dominé par la main d’œuvre non qualifiée et les sous-emplois.

L’autre mal qui frappe le système productif est la propagation des activités employant une main d’œuvre peu ou non qualifiée. En se référant aux statistiques de l’INS, on constate que presque  70% des actifs occupés sont représentés par une main d’œuvre à niveau d’instruction primaire ou secondaire. En conséquence, la croissance de l’offre du travail de diplômés de l’enseignement supérieur est absorbée en partie par les emplois de moyenne qualité ou sous-emplois. 

Selon une étude menée par l’ITCEQ  sur l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, les diplômés de l’enseignement supérieur sont arbitrés entre rester en chômage ou accepter un poste d’emploi qui ne coïncide pas avec leur niveau d’instruction ou leurs compétences. 

Les statistiques montrent que les jeunes sont confrontés à la situation de sous-emploi au début de leur carrière professionnelle à cause de flux croissants de demandeurs d’emploi et de la rareté des offres décents  avec un taux de 52%,selon la même étude, pour les jeunes entre 20 et 24 ans. Les secteurs qui accaparent la part du lion en matière de sous-emplois sont l’agriculture, la construction et le commerce avec des taux respectifs de  81%,57.4% et 48.5%.Ceci est expliqué par le fait que ces secteurs n’exigent pas en général des grandes qualifications.

Les offres de l’entreprise en deçà des attentes de demandeurs d’emploi
 
L’incompatibilité entre l’offre et la demande sur le marché du travail va dans les deux sens : parallèlement à l’inadéquation entre les compétences de diplômés de l’enseignement supérieur et les exigences de l’entreprise, on constate l’incapacité de cette dernière à satisfaire les attentes de demandeurs d’emploi en matière de rémunération et de gestion de carrière. 

Le secteur privé est taxé d’être non compétitif sur ce plan en comparaison avec le secteur publique et le secteur privé dans les pays européens. Les conditions du travail sont jugées non propices au développement personnel et professionnel à cause de faibles salaires, de difficultés rencontrées lors de la titularisation et des opportunités de développement des compétences. 

Selon le rapport national sur l’emploi publié par l’IACE en septembre 2019,66.40% des entreprises interrogées octroient de congés payés, 16.5% seulement donnent un accès bonifié à ses propres produits, 17.6% octroient de tickets restaurant  et 14.5% ont des syndicats. Le même rapport montre que 40.64% de diplômés interrogés ont déclaré avoir refusé une ou plusieurs offres à cause de conditions du travail et des horizons limitées de la carrière professionnelle.
 

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