Les dangers qui guettent le gouvernement Fakhfakh, selon Crisis Group

Le rapport de l’organisation Crisis Group sur la situation générale en Tunisie après les dernières élections et publié le 04 mars courant à Bruxelles, est édifiant à plus d’un titre. Parmi les points relevés, le rapport met l’accent sur « les risques de la nouvelle configuration politique ».
« L’émiettement de la scène politique, sa confusion et la méfiance réciproque des partis qui la composent comportent plusieurs risques. Ceux-ci expliquent en particulier la difficulté à former un nouveau gouvernement depuis le scrutin législatif d’octobre 2019. En effet, les alliances politiques se font et se défont, parfois à la dernière minute. Cette volatilité des alliances est due à plusieurs facteurs : le manque de confiance mutuelle qui augmente les tensions entre partis politiques et fragilise les négociations ; la polarisation islamistes/anti-islamistes alimentée par le regain de tensions régionales, notamment en Libye ; les surenchères idéologiques et politiques de la plupart des formations de taille moyenne qui demandent davantage de postes de ministres et de secrétaires d’Etat en échange de leur soutien le jour du vote.
Les dangers sont multiples. Le gouvernement d’Elyes Fakhfakh pourrait n’avoir d’autre choix que de gérer au jour le jour une situation économique qui se dégrade. Les conflits en son sein entre ministres indépendants plus ou moins proches politiquement du chef de l’Etat ou du chef de gouvernement, de ministres d’An-Nahda, ou de formations souverainistes – Courant démocrate et Mouvement du peuple – risquent d’être nombreux. L’opposition, composée en partie de forces également souverainistes – Coalition de la dignité et Parti destourien libre – sera encline à surenchérir politiquement (dénonciation de prétendues atteintes à la souveraineté nationale, accusation de corruption de personnalités politiques, déclarations pro-islamistes et anti-islamistes virulentes, etc.). Une atmosphère de polarisation de la société comparable à celle de la seconde moitié de 2013 pourrait s’installer de nouveau.
Le manque de rendement socio-économique du gouvernement pourrait, par ailleurs, le placer sous le coup d’une motion de censure du parlement et isoler Saïed, lequel ne dispose pas de formation politique. Sa capacité à satisfaire son électorat dépend, en grande partie, dans le cadre de la Constitution actuelle, des effets bénéfiques de la politique mise en place par le gouvernement. « Si celle-ci ne s’avère pas concluante, le chef de l’Etat en payerait le prix, nous passerions rapidement du rêve au cauchemar », note un dirigeant du Courant démocrate. La rancœur à l’égard de Saïed pourrait être proportionnelle à l’espoir qu’il a fait naître, ce qui pourrait pousser un certain nombre de ses supporteurs vers des formes de contestation éventuellement violentes. »
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