Les jeunes se noient, les politiques sont sur une autre planète

Les jeunes se noient, les politiques sont sur une autre planète

L’émigration clandestine de jeunes africains vers l’Europe est devenue un véritable fléau ces vingt dernières années. Elle a engendré des milliers de morts et de disparus depuis lors. La Méditerranée se pose aujourd’hui comme la principale voie de sortie pour ces populations fuyant, pour certains, les affres de la guerre dans leurs différents pays, ou la famine, et pour d’autres, le chômage, ou à la recherche d’une vie meilleure.

Une soixantaine de cadavres ont été, jusque-là, repêchés suite au naufrage de l’embarcation clandestine au large de l’île de Kerkennah à Sfax, et ce selon le dernier bilan du ministère de la Défense. 60 morts entre Tunisiens et étrangers qui ont perdu leur vie en quête d’une vie meilleure sous d’autres cieux, un destin macabre qui attend des jeunes marginalisés, qui ont perdu tout espoir et qui sont prêts à affronter la mort à la recherche d’un avenir qu’ils pensent prometteur.

Dans une déclaration accordée à Mosaïque Fm, un survivant du naufrage a fait savoir que 180 personnes étaient à bord du bateau dont la capacité d’accueil dépasse à peine les 70 personnes. Les migrants auraient payé un montant de 4000 à 5000 Dinars tunisiens (1500 Euros) aux passeurs, un montant qui aurait permis de lancer de petits projets en Tunisie.

En mars, 120 personnes, en majorité des Tunisiens, tentant de rejoindre clandestinement les côtes italiennes avaient été secourues par la marine tunisienne.

Un flux en croissance continue !

Plus de 40% des Tunisiens souhaitent rejoindre l'Europe clandestinement. Après un pic en septembre et octobre dernier, les départs ont baissé fin 2017, mais « depuis janvier cette pause a pris fin ».  Près de 1910 migrants tunisiens sont arrivés en Italie, entre le 1er janvier et le 30 Avril 2018, dont 39 femmes, 307 mineurs et 293 non accompagnés, révèle l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), organisme des Nations unies. « Ils étaient 231 pour la même période en 2017. Pour cette période, en nombre de migrants arrivés en Italie, la Tunisie occupe aujourd’hui la première place devant l’Erythrée.  En 2017, 4500 personnes en partance des côtes tunisiennes sont arrivées en Italie.

Les gouvernorats depuis lesquels les opérations de migration irrégulière ont été interceptées, de juillet à septembre 2017, sont Sfax (41,42%), Bizerte et Médenine (12,85%).

Misère ! La Tunisie n’a pas réussi sa transition politique vu la crise grave qui secoue son chef de gouvernement attaqué par ses partenaires Nidaa Touness et par la centrale syndicale l’UGTT. Le pays vit une grave crise économique et sociale et se trouve au bord de la faillite et de l’explosion.

Un fait est sûr et certain : toutes ces personnes sont des victimes. Victimes d’avoir payé une somme assez importante à des passeurs peu scrupuleux. Victimes d’avoir cru au sempiternel miroir aux alouettes que constitue l’Europe, ce soi-disant eldorado où la vie ne peut être que meilleure que dans le village perdu. Victimes de croire qu’ils vont être bien traités alors qu’on leur réserve un sort funeste.

Il est temps de s'attaquer à ces filières clandestines criminelles et au travail au noir dans les pays de cette rive Nord de la méditerranée qui favorisent un nouvel esclavagisme et réalisent un chiffre d'affaires de 40 milliards de dollars par an.

La banalisation d'un drame

Les chaînes de radio et de télévision, et particulièrement du secteur public ont continué de diffuser leurs programmations habituelle comme si de rien n’était.

Nos jeunes sont désespérés, ignorés et surtout malheureux ! Et voilà que nos politiques sont sur une autre planète ! On s’attendait à des messages d’indignation et de réconfort de la part des politiques qui déferleront sur les réseaux sociaux. Rien de rien. Nos dirigeants sont aux abonnés absents devant cette catastrophe. Ni un mot de réconfort, ni un communiqué envers les familles endeuillées, de la part du Président Essebsi, de son premier ministre Youssef Chahed, des partis politiques le long de la journée de dimanche. Silence radio on jeûne. C’est dimanche à la fraiche dans les palais dorées et des hôtels palaces 5 étoiles, à cela s’ajoute Ramadan et ses soirées et ses veillées jusqu’à l’aube.

En Tunisie on s’occupe du détail et on passe des journées à palabrer sur des sujets insignifiants comme l’affaire de l’allemande niqabée ayant débarqué à la Goulette au détriment des véritables problèmes du pays.

En France et ailleurs dans les pays développés humainement, lors d’une catastrophe naturelle, d’un attentat, d’un accident grave de train ou un crash d’avion provoquant des morts, les médias se mobilisent, l'info qui tourne en boucle sur les chaines TV publiques et privées, des déclarations des responsables politiques, les responsables président et ministres  qui se déplacent en signe de soutien et de solidarité avec les familles des victimes. Chez nous la vie humaine ne vaut rien malheureusement.

Quelles solutions pérennes ?

Empêcher l’immigration est impossible. Au Royaume-Uni, l’ancien premier ministre David Cameron, en France, l’ancien Président Nicolas Sarkozy, ont voulu le faire, mais naturellement ils étaient incapables. Les frontières sont poreuses, on ne peut pas éviter que des gens entrent. Les autorités en sont conscientes mais n’osent pas le dire. C’est un non-dit en Europe. Bien des politiciens parlent encore de verrouiller les frontières. Les discours nationalistes et populistes présentent les pays comme des maisons dont on pourrait fermer les portes et les fenêtres. Mais cette image est trompeuse : un pays est plutôt comme une ville, on peut difficilement bloquer toute entrée. A moins bien sûr de placer un soldat tous les dix mètres avec ordre de tirer à vue !

Les solutions proposées par la classe dirigeante européenne ne sont pas à la hauteur des enjeux, relevant en grande partie de la communication et d’enjeux électoraux.

L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), organisme des Nations unies préconise d’intensifier les activités de sensibilisations menées, notamment, les campagnes d’information ciblées autour des risques du projet migratoire irrégulier et la promotion des alternatives légales pour que la migration soit un choix éclairé et non une nécessité absolue.

L'avenir de ces gens est chez eux et nul part ailleurs. Il faut une « solution économique » pour juguler l’hémorragie des flux migratoires et stopper l’obsession des jeunes tunisiens d’émigrer à tout prix.

Il faut renforcer les nouveaux dirigeants élus démocratiquement qui mettent en œuvre un autre modèle de développement économique alternatif à celui d’aujourd’hui responsable de la crise, ayant à cœur de sortir leurs concitoyens de la misère en utilisant les ressources internes et externes pour endiguer réellement cette pauvreté.

Il faut aussi arrêter de soutenir des dirigeants corrompus qui pillent les richesses du pays pour alimenter leurs comptes en banque, et qui n’offrent aucun espoir à la jeunesse sur ce continent.

Il faut aussi que l’Union Européenne cesse de publier que des communiqués comme le fait l’ambassadeur de France à Tunis « Nous sommes tous extrêmement bouleversés par le terrible drame qui vient de faire en cette nuit de samedi à dimanche des dizaines de victimes au large des îles Kerkennah ». Il faut arrêter de célébrer la réussite de l’expérience tunisienne sans investissements créateurs d’emplois et sans effacement de sa dette. La parole ne nourrit pas son bonhomme et ne donne pas des emplois et un espoir à cette jeunesse.

Seules des réponses aux défis posés par le chômage d’une part, les crises régionales d’autre part, permettront de lutter contre l’immigration clandestine et de prévenir de nouveaux drames humains.

Chaque vie perdue est une vie perdue de trop. Il est temps d’agir et de coopérer avec l’Union Européenne dans tous les domaines afin d’apporter ces réponses communes tant attendues.

A.K

 

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