Lettre ouverte de Mustapha Saheb Ettabaa au président de la République

Lettre ouverte de Mustapha Saheb Ettabaa au président de la République

Monsieur le Président de la République

Vous avez été élu par près de trois millions de tunisiens et de tunisiennes, jeunes et moins jeunes, la plupart de condition modeste. Pour la première fois, les tunisiens ont élu "leur président".

Du slogan "Chaab Yourid",( le peuple veut) vous en avez fait un discours légitime et souverain bousculant les règles établies par la nomenklatura et la cinquième colonne et mettant les fondements politiques et culturels de la démocratie du peuple, d'un Etat de de droit et de justice sociale, s'inspirant de son histoire, sa culture, sa civilisation, sa religion, sa langue, son patrimoine, avec l'objectif d'entamer la reconstruction du pays et de la société tunisienne en cohérence avec le 21ème siècle.

Le peuple tunisien, dans sa très grande majorité, n'a jamais fait confiance à l'Etat et à son administration hérités de la puissance coloniale, ni à ses dirigeants politiques, ni aux partis. C'est la classe politique toute entière qui est en crise. Elle fonctionne encore, tant sur le plan idéologique et organisationnel que sur le plan culturel social et sociétal avec des méthodes inadaptées et archaïques aux besoins sociaux, politiques et culturels, et que les jeunes considèrent comme obsolètes et caducs.

Depuis plusieurs mois, les contradictions, les dysfonctionnements, les conflits d'intérêts partisans, le marchandage, le monnayage et les chantages à tous les niveaux et dans tous les secteurs, engendrent de nouveaux rapports de forces et une guerre de position au sein des institutions et administrations de l'Etat. La corruption systémique est devenue généralisée à toutes les strates de la société. Le clientélisme, les pots-de-vin, le mensonge, la falsification, la délinquance, le crime, l'enrichissement rapide et illicite, les biens mal-acquis sont devenus « mode de vie et réussite sociale».

Cet état de faits montre deux sociétés, celle qui gère avec l'aval des groupes d'influence et d'intérêts locaux et étrangers, et celle qui subit et à laquelle vous vous référez.

Ainsi la question qui se pose, Monsieur le Président, est celle de la volonté politique, du courage politique et d'une vision du futur pour lancer les grands chantiers dont le pays a grandement besoin, car votre élection à la tête de l'Etat est de représenter tous ces millions de tunisiens qui espèrent la rupture avec le système politique, économique et social imposé depuis plus de 60 ans.

Monsieur le Président de la République, les actions symboliques ne suffisent pas. Il y a partout la braise et le bouillonnement. Le citoyen attend des actions énergiques, vigoureuses et efficaces voire catégoriques pour assurer ses droits humains fondamentaux, c'est à dire le droit à la vie, droit à la réussite, droit à la santé, droit à l'emploi, droit à l'éducation, droit au logement, droit à la dignité, droit au respect, droit au bonheur. Tous ces droits nécessitent l'instauration de la cour constitutionnelle pour consolider un Etat de droit et imposer le respect des droits fondamentaux du citoyen tunisien.

De par les prérogatives constitutionnelles dévolues au Président de la République, vous êtes aussi Chef de l'Etat, Commandant en Chef des Forces Armées et Président du Conseil de Sécurité Nationale. A ce titre, vous avez les moyens constitutionnels, juridiques, et surtout politiques par l'adhésion du peuple et des démunis. Vous avez l'opportunité de la situation actuelle, état d'urgence et couvre-feu, à défaut de loi martiale, car nous sommes en guerre contre la pauvreté, contre la corruption, contre le chômage, contre le crime organisé, contre les fraudeurs, contre les trafiquants et les spéculateurs.

C'est le moment de repenser et de changer le système politique et le modèle de développement ultra-libéral sauvage et le capitalisme de connivence, imposés par les lobbies et les familles de l'économie rentière et de corruption, les criminels de l'économie parallèle et les institutions financières internationales, contre lesquels les jeunes, les travailleurs, les défavorisés et les démunis se sont soulevés en 2010-2011.

Le projet de société auquel vous demandez au peuple de le réaliser se fonde sur la souveraineté nationale, l'indépendance de la décision, la justice sociale, la dignité et l'identité pour bâtir un Etat de droit, un Etat fort, un Etat stratège. Il inclut le démantèlement du système colonial en place depuis 1881 et la pratique de la démocratie directe du bas vers le haut (political is local), qui est l'un des fondements le plus solide de l'auto-détermination du peuple, des travailleurs et des jeunes, de leur action à tous les niveaux de la société et de l'expression de la souveraineté nationale. Car la démocratie directe implique aussi, en plus du droit du citoyen de prendre des décisions, le devoir d’engager ses forces pour le bien commun et l'intérêt général.

La situation devient tellement urgente Monsieur le Président qu'il serait opportun de mettre en route des actions de salubrité nationale contre les corrupteurs et les corrompus, contre ceux qui ont bénéficié et profité de financements occultes et de leur fonction dans l'administration publique et les institutions de l'Etat quels que soient leur poste et grade, les financiers et les grossistes de l'économie parallèle et du marché noir, les spéculateurs, les parasites et ceux qui contribuent à l'inflation, les fraudeurs fiscaux.

Ainsi l'étatisation de la BCT devient une question prioritaire car il est absurde que l'Etat emprunte aux banques privées et à des taux élevés pour financer ses programmes nationaux. La Tunisie aura ainsi la totale maîtrise de sa monnaie, de sa parité, de son choix économique et de sa politique de développement.

Le rôle de la BCT n'est pas de veiller sur la stabilité des prix uniquement mais de participer activement au redressement de l'économie plutôt que de l'enfoncer dans la récession. Parallèlement, un plan de regroupement (fusion/acquisition) de plusieurs banques nationales serait judicieux afin de créer un pôle bancaire et financier public puissant capable d'accompagner l'industrialisation réelle du pays et le financement des grandes infrastructures et des projets de développement régionaux et nationaux.

Les banques aussi, elles, grandes bénéficiaires de cette crise devront participer à l'effort national en arrêtant et reportant la distribution des dividendes à leurs actionnaires, ces montants seront versés à un fonds d'investissement stratégique pour relever l'économie du pays, recapitaliser les caisses d'assurances sociales (sécurité sociale, retraites, chômage, handicap), moderniser les infrastructures, les établissements de services publics, investir dans la recherche et développement et l'environnement.

Dans le même temps, il est essentiel de suspendre les emprunts auprès des bailleurs de fonds internationaux en décidant tout d'abord un audit de la dette publique. Deux mesures immédiates doivent être prises à savoir l'annulation de tout ou partie de la dette illégitime et allongement substantiel des durées de remboursement avec plafonnement des taux d'intérêts.

Par ailleurs il est aussi opportun d'arrêter les négociations ALECA et de rejeter tout traité et convention contraires aux intérêts du pays et du peuple.

C'est ainsi que de par votre fonction, votre position et votre responsabilité vous affirmerez l'indispensable souveraineté juridique, politique, alimentaire, agricole, financière et monétaire, industrielle, énergétique, culturelle, diplomatique, sécuritaire de la Tunisie, le rejet de toute ingérence étrangère, chantages et diktats.

Monsieur Le Président, le peuple tunisien vous a confié le maintien de l'ordre et l'intégrité de sa patrie. Cette intégrité qui se trouve "bafouée" au sein même des institutions étatiques, à commencer par l'ARP dont la dissolution devient urgente. Il est presque superflu d'évoquer l'ampleur des dégâts occasionnés par l'attitude des députés lors des mandats passés et cela continu avec une incapacité et immoralité à respecter la parole d'honneur et le sermon pour servir le pays et le peuple.

La Tunisie à besoin d'un nouveau gouvernement de choc, restreint, devrait être formé d'hommes et des femmes intègres, fiers, patriotes et compétents , n'ayant pas baigné dans le jeu vicieux, pervers et mafieux du microcosme politique mais ayant à cœur l'intérêt général et le devenir du pays.

Ce gouvernement durera le temps nécessaire à l'assainissement et à l'épuration de tout ce qui gangrène le pays et la société, mettra en place les projets-cadres, les programmes et les actions conformément aux orientations stratégiques et se chargera de préparer les modifications de la Constitution, de l'organisation des institutions (pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire), du code électoral et du mode de scrutin de nouvelles élections générales (législative et municipale), du financement des partis, de l'audit de la dette, des codes des investissements, des hydrocarbures, des ressources minières.

La Tunisie et le tunisien doivent avoir l'ambition de leur histoire et voir grand et loin.

Monsieur le Président, Les solutions existent pour sauver la Tunisie de la faillite et de sa vente à la découpe, sauver notre peuple de la dépendance, de la corruption, de la pauvreté, de la misère, et les jeunes du chômage, de la marginalisation, de la drogue, de la délinquance, du suicide, de la noyade et du mercenariat.

Il suffit de l'audace et du courage. Les hommes de l'élite patriote et nationaliste sont sincères et loyaux. Ils sont là et répondront présents.

Mustapha Saheb-Ettabâa (Président du Parti Agissons pour la Tunisie)

 

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