L'industrie tunisienne espère une reprise

L'industrie tunisienne espère une reprise

Avec un produit intérieur brut (PIB) en lente progression, le secteur industriel tunisien cherche à retrouver son dynamisme après les troubles

sociaux du début de l’année qui ont bridé l’expansion. Cependant, face à la lenteur de la reprise économique, et à la perte de quelques-uns de leurs principaux marchés d’exportation suite à la récession ou aux révoltes, les producteurs locaux pourraient avoir des difficultés à remplir leurs carnets de commande, du moins à court terme.

Des données communiquées en août par la Banque centrale de Tunisie indiquent que l'économie nationale est toujours en récession : le PIB s’est contracté de 3.3 % au premier trimestre 2011, marqué par l’insurrection populaire qui a renversé l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, et a affiché une croissance nulle au second trimestre.

Néanmoins, d'après les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), la Tunisie devrait progressivement retrouver une croissance positive au second semestre 2011, avec un PIB supposé enregistrer une hausse modeste, de 0.4 % à 0.7 % pour l’exercice, soit un recul de 3.7 % par rapport à 2010.

L’industrie joue un rôle de plus en plus important dans l’économie tunisienne depuis quelques années ; elle contribue en effet à 34 % environ du PIB, arrivant ainsi en seconde position seulement après le secteur tertiaire, et emploie environ 32 % de la population active. L'industrie a été, après le secteur touristique, le secteur le plus sévèrement touché par le récent ralentissement économique.

D’après des données récentes de l’Agence de promotion de l'investissement extérieur (FIPA), une chute de 17.2 % des investissements directs étrangers (IDE) a été enregistrée au premier semestre 2011 ; le flux total de capitaux étrangers s’établit en effet à 775.3 millions de dinars tunisiens (563 millions de dollars), contre 936.6 millions (681.3 millions de dollars) à la même période en 2010. Si le secteur touristique reste le plus touché, avec des investissements en forte baisse (-93 %), les producteurs tunisiens ont également vu leurs propres IDE décliner (-18 %).

Cette forte régression du secteur touristique aura également un effet domino sur le secteur de la production, la demande de services étant susceptible de chuter dans tous les domaines. Tant que la confiance n’aura pas été restaurée, et que les visiteurs étrangers ne seront pas de retour, la baisse de la demande en matériaux de construction et la réduction des revenus du tourisme entraîneront une diminution de la masse monétaire en circulation dans l’économie, et donc un recul de la demande en produits manufacturés.

Malgré la baisse des IDE, les investissements globaux dans le secteur industriel sont en rebond, d’après un rapport publié mi-août par le ministère de l’Industrie et de la Technologie. Sur les sept premiers mois de 2011, les investissements industriels ont atteint un total de 1.96 milliard de dinars tunisiens (1.43 milliard de dollars), soit une hausse de 22.2 % par rapport à la même période en 2010. Les segments de la mécanique et l’électricité ont ouvert la voie (+49 %), suivis par l'industrie agro-alimentaire, qui a enregistré une hausse significative de 37.2 % des dépenses en capitaux. Compte tenu du faible niveau des IDE, ce solide investissement industriel laisse suggérer que les entreprises locales reprennent progressivement confiance dans l’économie.

Toutefois, il existe toujours un certain nombre d'obstacles qui pourraient ralentir la croissance industrielle à court et moyen termes. Moez Laabidi, analyste financier et membre du conseil d'administration de la banque centrale, a signalé que l’économie tunisienne n'était pas encore à l’abri d’une crise globale. Dans une déclaration relayée le 11 août par Tunisie Soir, M. Laabidi a affirmé que le ralentissement de l’économie européenne et les mesures d'austérité entraîneraient certainement une chute des exportations tunisiennes.

M. Laabidi a annoncé quelques bonnes nouvelles concernant le secteur industriel, qui profite de la baisse des prix énergétiques, mais a néanmoins conseillé aux producteurs de multiplier leurs efforts pour pénétrer de nouveaux marchés hors d’Europe, notamment en Asie.

Les industries locales sont également affectées par le conflit qui frappe actuellement la Libye. D’après une étude de la BAD, les exportations tunisiennes vers la Libye ont reculé de 34 %. Le rapport indique également que le secteur de la production figure parmi les secteurs les plus touchés. Si la crise libyenne semble toucher à sa fin, il faudra néanmoins du temps pour que la situation se stabilise et pour observer un retour à la normale du commerce de produits manufacturés tunisiens.

D’après Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le conflit libyen aura coûté à la Tunisie la somme d’un à deux milliards de dollars de ventes non réalisées et de pertes de revenus touristiques. Cependant, ce dernier estime également que cette tendance devrait s’inverser dans un délai de six mois à compter de la signature d’un accord de paix.

M. Nabli s'est également montré positif quant aux perspectives de l’industrie, affirmant fin juillet, lors d’un entretien avec l’agence de presse Bloomberg, que si le taux de croissance de l'économie était faible, de nombreuses industries tunisiennes étaient toutefois en pleine expansion, et que « les fondamentaux » économiques restaient solides ».

Le secteur industriel tunisien espère que l’avenir lui donnera raison, car c’est de ces fondamentaux que dépendra la reprise économique, à l’heure où la récession en Europe et l’instabilité dans la Libye voisine menacent de saper les efforts déployés par le pays pour surmonter ses propres bouleversements politiques.

source: Oxford Business Group