Livre noir : Quand Marzouki mélange la bonne graine et l’ivraie !
On aurait pu s’y attendre de la part de la justice, mais pas de celle de la présidence. Le livre noir que vient de "pondre" Moncef Marzouki ne cesse de faire des vagues suscitant à la fois indignation et colère chez les uns, et contentement béat chez les autres.
S’il est un livre qui a divisé les Tunisiens depuis la révolution, c’est bien celui-là. A la télévision, sur les radios, dans les journaux, dans la rue, dans les conversations sur les réseaux sociaux… Le si maladroit livre noir de Marzouki suscite les polémiques et donne libre court à toutes sortes d’interprétations et de supputations sur les véritables visées du président provisoire.
Est-ce par souci de rétablir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, sur les magouilles de l’ancien régime ? Car, il faut le reconnaître, la publication des archives de l’Etat est une revendication populaire et une exigence de notre révolution qui répond à un besoin de transparence.
Ou bien s’agirait-il de l’expression de vengeance d’un président vilipendé, honni, malmené, ridiculisé et lâché de toutes parts ?!
Dénoncer, de bonne foi, les journaux et journalistes corrompus et impliqués dans la propagande de l’ancien régime, cela peut paraître normal en cette période post-révolution, mais de là à tomber au ras des pâquerettes, en faisant l’amalgame, un dangereux amalgame, il y a une limite que la morale réprouve et qu’il ne fallait en aucun cas franchir. Surtout de la part du premier responsable de la République. C’est-à-dire, celui–là même qui est censé donner le bon exemple.
Dénoncer les journalistes et hommes de culture corrompus c’est bien, mais accuser sans preuves ou avec des preuves si légères des dizaines de Tunisiens intègres: c’est prendre des vessies pour des lanternes.
Dès l’entame de la lecture du livre noir, l’on se rend tout de suite compte de l’impair commis par Marzouki. L’on a l’impression que le président, au lieu d’être animé par un souci de clarté, règle ses comptes avec les journalistes qu’il ne se gêne d’ailleurs pas à mettre dans le même sac.
Au lieu de se limiter aux vrais journalistes et stars corrompus, le président pousse le bouchon plus qu’il n’en fallait en citant des noms dont le seul tort est d'avoir assuré la traduction d'un livre, assuré un service quelconque à l'ATCE ou d’avoir participé à une réunion, un séminaire ou même un gala artistique de l'ex RCD … Même certains sportifs ont été cités sans ménagement dans ce livre noir (à l’instar de Mohamed Gammoudi, Zoubeir Beya, Kaïs Ghodhbane, Skander Souayah et Adel Sellimi) dont le tort est d'avoir osé saluer les réalisations des infrastructures sportives sous Ben Ali. Finalement que leur reproche-t-on ? D’avoir félicité le régime en place ? Trêve de stupidité !
Le comble dans le livre noir, ce sont ces accusations gratuites non étayées de preuves irréfutables, le comble c’est aussi cette manie déplacée à vouloir mélanger la bonne graine et l’ivraie.
Qu’est-ce que c’est que ce « docteur» qui, aveuglé par la rancune et le souci de vengeance, se trompe bigrement de diagnostic, en prenant le cœur pour le foie, la tête pour l’épaule, la jambe pour le bras… ?!
En jetant un simple coup d’œil sur l’index du livre, l’on découvre un véritable salmigondis indigne d’une personnalité de sa facture, qui associe les journalistes aux avocats, aux artistes, aux sportifs,aux hommes d’affaires et aux chefs d'entreprises médiatiques sans aucun souci de distinction.
Pas étonnant donc que nombre de journalistes se sentant calomniés et injustement salis, aient décidé de trainer Marzouki devant la justice.
Au-delà de la publication de ce « navet » archivistique, l’on découvre, avec effarement un président de la république plus préoccupé à mettre en difficulté ses contradicteurs (journalistes) que de se pencher sur les perspectives de sortie de crise politique et économique.
Il aurait été plus décent, n’est-ce pas, de remettre ces documents à la justice et de la charger des vrais dossiers de la corruption dans le cadre de la justice transitionnelle, loin de toute vengeance, haine et revanche aveugle ?!
A ce rythme, et pendant qu’on y est, pourquoi ne pas établir aussi le livre noir des épiciers ou des «hammass» du coin qui avaient été obligés à afficher la photo de l’ancien Raïs sur la devanture ou à l’intérieur de leur commerce ?! Ainsi, le citoyen saura chez quel épicier « halal », il faudrait acheter ses cacahuètes.
Kaïs Ben Mrad