Loi électorale : le président Essebi signera, signera pas
L’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) a rendu son verdict en rejetant le recours de 51 députés à propos de la loi portant amendement de la loi électorale. Ayant reçu les attendus de la décision, le président de la République dispose de quatre jours pour soit promulguer la loi, soit la renvoyer pour une seconde lecture à l’ARP, ce qui nécessite une majorité des 3/5. Il peut aussi la soumettre à un référendum populaire puisque la loi électorale figure parmi les libertés, ce qui la rend susceptible d’être soumise au verdict populaire.
Gros dilemme pour le chef de l’Etat qui est sous pression de toutes parts. L’amendement a été initié par le gouvernement, le président de la République peut-il prendre le contre-pied d’une démarche voulue par l’Exécutif et approuvée par le Parlement dépositaire de la souveraineté populaire.
L’approbation du texte par l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi met le président de la République dans une position encore plus inconfortable. Lui, le garant du respect du texte suprême peut-il se soustraire à l’obligation qui lui est ainsi faite de se conformer à une institution dont il a jusqu’ici respecté le verdict. On se rappelle que lors de la seule fois où l’instance s’est trouvée partagée en deux avis contradictoires, c’était à l’occasion de la loi portant sur la réconciliation administrative, qu’il a lui-même initiée, Béji Caïd Essebsi a promulgué la loi. Ce n’est pas maintenant que l’instance a tranché sur un texte aussi polémique qu’il va la censurer.
Cependant, le texte est controversé puisqu’il comporte des dispositions qui ne font l’unanimité des spécialistes en droit constitutionnel puisqu’elles semblent taillées sur mesure pour barrer la route devant certains candidats. BCE a toujours plaidé contre l’exclusion et il s’agit d’une forme d’exclusion qui doit le mettre mal à l’aise. Le texte comporte aussi des dispositions portant sur la rétroactivité de la loi qui doivent indisposer le grand juriste qu’il est.
Mais que gagnerait le président à renvoyer le texte pour une seconde lecture à l’Assemblée, car s’il est approuvé par la majorité renforcée des 3/5 c’est-à-dire 130 députés, il est dans l’obligation de le promulguer.
Reste le scénario du référendum populaire vers lequel poussent des acteurs de la classe politique particulièrement Nabil Karoui et son parti « Au Cœur de la Tunisie ». Ils ont d’ailleurs lancé une action en ce sens sur les réseaux sociaux d’autant que lors du dernier sondage de Sigma Conseil, une large majorité des Tunisiens, soit 65% sont défavorables à l’amendement de la loi électorale.
Mais dans les conditions de fragilité institutionnelle et à la suite de la convocation du corps électoral pour les élections législatives et présidentielle prévues respectivement le 6 octobre et le 17 novembre prochains, prévoir un référendum équivaut à renvoyer sine die les échéances électorales. Le pays rentrerait ainsi dans une phase de perte de légitimité des institutions, ce qui est la voie vers l’inconnu.
Le président de la République qui veut terminer dans les meilleures conditions possibles son mandat ne prendra pas le risque de jeter le pays dans cet inconnu.
Dès lors, le seul scénario plausible est la promulgation dans les délais du texte. Certes les réserves ne manqueront pas mais à choisir entre l’essentiel et l’important, il n’y a pas photo.
RBR
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