Lorsque la Grande Muette parle c’est qu’il y a problème !

Lorsque la Grande Muette parle c’est qu’il y a problème !

 

Nos militaires, d’active ou à la retraite ne nous ont pas habitués à ça. Certes il leur arrive de s’épancher sur des questions politiques ou d’actualité mais ils le font d’une façon discrète et en tout cas sans donner l’impression qu’ils s’ingèrent dans ce qui ne semble pas être la finalité ultime de toute politique, le pouvoir.

Notre armée, républicaine dans l’âme, a toujours fait montre d’une grande sagesse n’ayant en aucun moment manifesté des intentions velléitaires quand bien même le pouvoir était à ramasser comme ce fut le cas un certain 14 janvier 2011.

Donc on ne peut qu’être surpris quand six hauts gradés à la retraite (trois officiers généraux et trois officiers supérieurs) publient « un appel au président de la République » censé être leur commandant suprême pour lui indiquer la voie à suivre pour sortir le pays des « graves dangers qui le menacent ».

Cette intrusion dans la sphère politique a de quoi étonner car à lire le long texte qu’ils ont fait paraître on y trouve surtout la volonté de faire pression sur le président de la République pour l’inciter à être dans de meilleures dispositions envers les autres protagonistes de la scène nationale.

Il lui est conseillé surtout de faire ce qu’il ne veut pas jusqu’ici entreprendre à savoir réunir le chef du gouvernement et le président de l’ARP, tenir un discours fédérateur et se défaire de son ton colérique et par-dessus tout surseoir à évoquer tout sujet de controverse, en lui rappelant même ses fonctions de « symbole de l’unité nationale, de garant de l’indépendance et de la continuité de l’Etat qui veille au respect de la Constitution »

Il lui est conseillé aussi de « tourner la page de la brouille et reprendre les contacts normaux entre les trois présidences » ce qui devait amener à ce que les ministres ayant obtenu la confiance de l’ARP puissent prêter serment à l’exception de ceux sur lesquels pèsent des présomptions de corruption. Ceci semble d’ailleurs la finalité de cet appel car Kaïs Saïed a refusé jusqu’ici de se réunir avec le président de l’ARP et le chef du gouvernement et même s’il lui est arrivé de rencontrer Hichem Mechichi c’est en qualité de ministre de l’Intérieur par intérim qu’il le fait et à ce seul titre.

Du reste les signataires de l’appel ne manquent d’écrire au chef de l’Etat qu’il n’est le seul responsable de l'impasse politique actuelle et de la situation qui prévaut dans le pays, ce qui vaut accusation à son endroit qu’il y est pour quelque chose compte tenu de son rôle prépondérant et de sa position éminente.

Dire dès lors que ce « quarteron » d’officiers supérieurs à la retraite plaide en faveur d’une partie politique n’est pas une vue de l’esprit. C’est pour certains une évidence puisque tous les conseils émis à l’adresse du président de la République sont ceux-là même que le mouvement Ennahdha n’a cessé de mettre en avant pour mettre fin à l’impasse dans laquelle le pays s’enlise en raison de l’obstination du président de la République qui ne veut rien lâcher quitte à laisser la crise politique s’éterniser plus que de raison.

Ce qui n’a pas manqué d’être remarqué aussi c’est que l’initiative de ces six officiers généraux ou supérieurs à la retraite est survenue au moment où un autre militaire haut gradé, lui aussi à la retraite, l’Amiral Kamel Akrout a également publié un appel destiné à l’opinion publique dans lequel il se présente comme un « sauveur de la patrie ».

Brossant un tableau noir de la situation du pays, il appelle à un « sauvetage » face aux multiples dangers qui menacent les institutions. Alertant sur la dégradation de la situation générale, il estime que la Tunisie est passée à une « démocratie formelle générant des crises au pouvoir », alors que les responsables des institutions de l’Etat sont occupés par des conflits marginaux.

On ne peut ne pas opposer les deux démarches surtout que l’Amiral Akrout ( qui n’est en fait que contre-amiral ce qui équivaut à un colonel-major dans l’armée de terre) ne donne pas des conseils comme ses autres compères mais lui veut entamer une carrière politique. Ayant été dans les cercles proches du pouvoir puisqu’il était conseiller principal du président de la République feu Béji Caïd Essebsi chargé de la sécurité nationale, il veut se jeter dans le bain de la politique active dans la perspective des prochaines échéances électorales.

S’il est de son plein droit de faire de la politique, le fait qu’il se présente sous le seul habit d’ancien officier supérieur de la marine et qu’il se réfère lors de ses prestations radio-télévisées à ses seuls faits d’armes tant est qu’il peut s’en prévaloir au sein de ce corps a quelque chose de dérangeant dans la mesure où il veut instrumentaliser cette appartenance à des fins personnelles et à court terme partisanes.

Certes il ne sera pas le seul militaire, de par le monde à faire de la politique puisque d’autres figures illustres l’ont fait et y ont réussi, comme le général Charles De Gaulle en France ou le Général «Ike » Eisenhower aux Etats Unis mais ceux-là bénéficient d’une légitimité historique et de gloire. Mais il y a des exemples que l’on aimerait ne pas voir se reproduire dans notre pays.

Car le seul pays où les officiers généraux de l’armée se reconvertissent en responsables politiques est l’entité sioniste et ce n’est vraiment pas le bon exemple à suivre.Rappelez-vous les Ariel Sharon, Ehud Barak ou même Itzhak Rabin qui pour avoir rejoint le camp de la paix en a payé le prix.

 Si la Grande Muette commence à donner de la voix, c’est qu’il y a problème surtout en Tunisie où l’armée a toujours été d’une totale neutralité envers le monde politique.

Qu’elle reste muette, voilà ce que nous espérons, car c’est ainsi qu’elle pourra rendre service à la patrie.

RBR

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