Lutte contre l’inflation en Tunisie: quelques pistes de réflexion et d’action

Lutte contre l’inflation en Tunisie: quelques pistes de réflexion et d’action

Par Mohsen Hassen, ancien ministre du Commerce

L'ancien ministre du Commerce et membre fondateur de l'UPL, Mohsen Hassen, a posté sur son compte Facebook un article où il donne quelques pistes de reflexion et d'action pour lutter contre l'inflation en Tunisie. Voici le contenu:

"Dans son rapport sur l’économie de la région MENA (Moyen-Orient et Asie Centrale), Le Fonds Monétaire International (FMI) a indiqué que l’année 2018 va s’achever avec un taux d’inflation de 8,1%.

les pressions inflationnistes qui se sont accentuées au cours des derniers mois , nécessitent un suivi rigoureux afin de prévenir l’impact des facteurs susceptibles d’accélérer la remontée des prix au cours de la période à venir, et prendre en conséquence les mesures monétaires qui s’imposent.

Il y lieu de rappeler que la quasi-totalité des facteurs stimulants de l’inflation sont là :

• Inflation d’origine monétaire: Création monétaire contre garantie de BTA
• Inflation par les coûts de salaires: Cercle vicieux de hausse des prix, revendications sociales et ajustement des salaires à la hausse non indexé à la productivité
• Inflation d’origine importée: la forte baisse du dinar entraine la hausse des prix des matières premières et donc du produit final. Le problème n'est donc plus la menace classique d'une inflation domestique uniquement, héritée de la spirale des salaires et des prix, liée au cycle économique, mais d'une inflation importée des pays partenaires via nos achats de pétrole, de matières premières, de biens d’équipement et de biens de consommation, dont les prix s'envolent à cause de la forte demande mondiale et la dépréciation de notre monnaie locale.

• Inflation d’origine financière: les entreprises répercutent l’augmentation du taux d’intérêt (charges financières) sur les prix

• Inflation d’origine structurelle: Intermédiation, spéculation et inefficience des circuits de distribution.

Quelles sont les différentes politiques permettant de lutter contre l'inflation en Tunisie ? 

Pour lutter contre l'inflation, les pouvoirs publics peuvent en effet agir par le contrôle tant du budget et de la monnaie que par celui des prix et des revenus.

Prenant en compte la conjoncture économique en Tunisie, nous proposerons quelques pistes de réflexion sur les options possibles :

• Agir sur les taux d’intérêts : une hausse de l’inflation signifie davantage d’argent en circulation sur les marchés. Or, un des moyens de lutter contre l’inflation est de jouer sur les taux d’intérêts. En les augmentant, il devient plus cher d’emprunter : les gens préfèrent alors épargner plutôt qu’investir et la masse monétaire en circulation -donc l’inflation- se réduit. 

Mais la question qui se pose, est ce qu’une inflation essentiellement importée peut être combattue par l’augmentation des taux ? Comment, en effet, stopper une inflation qui trouve son origine dans une zone dont la politique économique nous échappe? La BCT resserre sa politique monétaire en augmentant les taux... Une orientation calamiteuse, qui aura simplement pour effet de faire grimper le chômage, déjà à plus de 15%, sans exercer aucun effet sur une inflation essentiellement importée. Même sans ce tour de vis, le cercle vicieux qui se met en place est déjà destructeur: la baisse du pouvoir d'achat pèse sur la consommation intérieure, ce qui détruit des emplois ; l'aggravation du chômage réduit davantage le pouvoir d'achat, et ainsi de suite.

• Améliorer la productivité et encourager la production dans les secteurs où il y a hausse des prix. L’écart entre la demande désirée et celle observée pour plusieurs produits, gonflé par des raisons spéculatives, rend peu opérationnelle les mesures de lutte contre l’inflation par la BCT. 

• Assurer une mise à niveau rapide des circuits de distribution pour garantir l’approvisionnement des marchés dans des conditions normales de régularité à travers les circuits officiels

• Constituer des stocks de régulation pour certains produits comme la pomme de terre, le lait et les viandes rouges pour éviter spéculation et dérapage lors des périodes de pointe de consommation

• Revoir la politique salariale : L’inflation qui ronge le pouvoir d’achat ne pourrait-elle pas être compensée par une hausse des salaires ? C’est ce que défendent de plus en plus de syndicats. Mais une hausse des salaires peut aussi enclencher une spirale, Il faut trouver un équilibre

• Mieux cibler les subventions relatives à la consommation des produits de base destinés aux ménages à revenus modestes.
 
• Plafonner les prix pour certains produits de base par les autorités pour préserver le pouvoir d’achat des familles à revenus modestes, aussi bien pour les produits alimentaires que pour les produits d’entretien et d’hygiène avec un dispositif efficace de contrôle des prix

• Développer le réseau de points de vente permanent du producteur au consommateur 

• Intensifier le contrôle de nos frontières pour lutter contre la contrebande, l’exportation clandestine et les importations sauvages afin de réduire l’économie parallèle. l’inflation en Tunisie a des raisons structurelles liées à l’existence d’une économie parallèle importante qui alimente la demande même en présence de contraintes monétaires par l’institut d’émission.

Au final, il ressort que l’utilisation de la politique monétaire dans un objectif de stabilisation des prix peut présenter des coûts et ne fait donc pas l’unanimité chez les économistes, Les politiques anti-inflationnistes sont d’ordres structurels économiques et non conjoncturels".

Mohsen HASSEN

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