Mechichi décide de former un gouvernement de compétences, une annonce qui va faire grand bruit

 Mechichi décide de former un gouvernement de compétences, une annonce qui va faire grand bruit

 

Ce qui n’était que secret de polichinelle est révélé au grand jour. Le chargé de former le nouveau gouvernement Hichem Mechichi a annoncé lundi que son équipe sera formée de «compétences nationales totalement indépendantes des partis politiques ».

Il faut être atteint de cécité politique pour ne pas admettre que ce choix était inscrit dans les gênes de ce gouvernement. En désignant un commis de l’Etat sans appartenance partisane pour former le gouvernement sans tenir compte des propositions des partis politiques, le président de la République Kaïs Saïed lui a donné une direction de laquelle il ne pouvait se détourner.

Tenant dans peu d’estime les partis politiques, quand il ne les abhorre pas les considérant comme la survivance d’un système appelé à disparaître, Saïed ne pouvait, alors qu’il est maître du jeu admettre que son gouvernement, car celui-ci devra être sans conteste le sien, soit l’otage des partis politiques.

D’ailleurs on a remarqué que Mechichi n’a pas invité les dirigeants des partis politiques aux « consultations » qu’il a engagées pour la formation de son gouvernement se contentant de prendre langue avec les groupes parlementaires et les députés non-inscrits, ce qui est une première.

Du reste, pour rencontrer le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, il a dû le faire en catimini et au domicile d’un de ses collègues, le ministre des Affaires sociales et de la Santé par intérim, Habib Kchaou qui sans être dans le contingent d’Ennahdha est réputé proche de celle-ci.

S’il ne tenait qu’à lui, il aurait fait l’économie de concertations avec ces groupes et députés mais, il ne pouvait y échapper car il sait que l’investiture de son gouvernement dépend d’eux. Il voulait aussi se rendre compte du fossé qui sépare les partis politiques et il fut servi.

Il a bien tenté de trouver la synthèse mais c’était peine perdue. C’est pour cela qu’il a pris le taureau par les cornes et annoncé que son gouvernement sera formé par des compétences totalement indépendantes. Une annonce attendue que certains considèrent comme ayant trop tardé. En termes de clarification, on ne pouvait trouver mieux.

Evidemment, une telle annonce va faire grand bruit. Surtout qu’elle vient au lendemain de la réunion du Conseil de la Choura d’Ennahdha qui a mis la pression sur lui en proclamant qu’il n’accepterait qu’un gouvernement politique qui soit le reflet du rapport des forces au sein de l’ARP.

En appelant à un « gouvernement d’union nationale », Ennahdha veut embarquer avec lui le parti Qalb Tounes et la coalition Al Karama. Quelle sera la réaction de ces trois partis ? Elle est facile à deviner, ils vont tout faire pour amener Hichem Mechichi à composition.

Des pressions concertées seront exercées sur lui pour le conduire à changer de position. Si le Mouvement Echaâb doit boire du petit lait, car c’est cela qu’il voulait, ça ne doit pas être l’avis du Courant démocrate qui a toujours estimé qu’il a été élu pour gouverner.

D’ailleurs il a présenté les trois premiers dirigeants du parti comme ses candidats à la primature. Certains de ses élus ont mis en garde contre le risque d’être mis devant le fait accompli. N’étant pas en mesure de le forcer, les partis politiques, Ennahdha en tête pourront-ils accepter qu’il choisisse lui-même ses ministres parmi une liste de noms qu’ils lui proposeraient et qui ne seraient pas parmi les dirigeants des premiers rangs de ces formations. Pour éviter de céder aux quotas partisans qui ont très mauvaise presse dans l’opinion publique.

Mais cette approche pourrait ne pas avoir les faveurs du chef du gouvernement désigné qui pourrait opter « un passage en force » en mettant les partis devant le fait accompli. La question qui doit tarauder tout le monde est la suivante : l’Assemblée accorderait-elle sa confiance au gouvernement Mechichi formé exclusivement de compétences indépendantes des partis politiques sans quoi il ne pourrait être investi.

A contrario, le président de la République a la latitude de dissoudre l’Assemblée au moment qu’il juge propice. Quitte à ce que le gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes dure plus longtemps que de raison. En attendant l’organisation des élections législatives anticipées, le président de la République peut légiférer en accord avec le chef du gouvernement par décrets lois. Une perspective qui ne doit pas enchanter les partis politiques.

Considérant la crise multiforme que traverse le pays aggravé par un possible rebond de la pandémie de la Covid-19, les partis politiques sont conscients que des élections anticipées ne peuvent qu’amplifier le rejet de l’opinion publique contre eux. Outre le fait que les résultats risquent de ne pas être en faveur des formations sortantes.

L’antagonisme entre Ennahdha et le président de la République n’en sera que plus accentué. Car le parti de Ghannouchi sait que Mechichi n’est qu’un instrument entre les mains de Saïed pour imposer sa primauté dans la scène politique.

RBR

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