Mehdi Ben Ayed: «Le défi à venir est économique par excellence ! »

Mehdi Ben Ayed: «Le défi à venir est économique par excellence ! »

 

Titulaire d’une Licence en Management financier de l’Université Paris II, d’une Maitrise en Economie Internationale de l’Université Paris II, d’un Diplôme de formation des Conseillers des services Publics et corps des cadres de contrôle du cycle supérieur de l’ENA et fort de ses expériences d’enseignant universitaire et d’hommes d’affaires, Mehdi Ben Ayed est certainement une excellente recrue d’Ennahdha.

Ainsi, même s’il est le dernier arrivé au parti islamiste, puisqu’il a remplacé in extremis Walid Loukil dans la liste des candidats du gouvernorat de l’Ariana, Mehdi Ben Ayed s’est vite imposé parmi les spécialistes du mouvement dans le domaine économique.

Pour vous faire découvrir ce nouveau visage de la politique qui représente la nouvelle vague d’Ennhadha, Espace Manager l’a rencontré pour vous. Interview.
 
 E.M. : Qu’est-ce qui a poussé un homme d’affaires qui réussit bien dans son domaine à venir s’aventurer sur le terrain miné de la politique ?

Mehdi Ben Ayed: C’est l’envie de servir mon pays. Au fait lorsque l’opportunité s’est offerte, je me suis dit qu’il fallait entrer dans le monde politique pour essayer d’apporter ma pierre à l’édifice.

La Tunisie a besoin de toutes ses compétences et ceux qui font de la politique peuvent faire évoluer les choses. Ils sont décideurs et peuvent faire bouger les choses.

Pourquoi avez-vous alors attendu cette période pour vous lancer dans la politique?

Il faut d’abord préciser que je ne suis pas tout à fait novice dans ce domaine. Depuis ma tendre enfance, je vivais dans ce monde en suivant les activités de mon père Abdessalem Ben Ayed, ancien directeur du budget, ancien Chef du Cabinet de Feu Hédi Nouira et un des premiers ambassadeurs de la Tunisie en Allemagne.

Depuis cette époque, j’ai toujours eu l'ambition de faire de la politique et j’ai fait des études pour devenir politicien. A la fin de mes études à l’ENA,  d’où je suis sorti major de ma promotion, ma première idée était de faire de la politique. J’ai donc intégré le premier ministère puis le cabinet du ministère des Affaires étrangères en tant que Chargé d’affaires avec comme objectif de devenir ambassadeur.


                "L’Islam est libéral, il n’y a pas de contradiction entre le libéral que je suis et l’Islam"


Mais, je me suis vite rendu compte que l’environnement dans lequel j’évoluais était pourri et que je ne pouvais pas continuer dans ce monde. Je me suis rapidement retiré pour intégrer le monde des affaires qui m’attendait, puisque je viens d’une famille d’hommes d’affaires et d’investisseurs dont la majorité des membres ont lancé leurs propres projets. Ce n’est qu’après la révolution que l’idée de reprendre la vie politique m’est revenue.
 
Mais vous auriez pu intégrer ce monde de la politique en 2011 ?

Si, mais à l’époque l’enjeu était cent pour cent politique et à ce titre les politiques étaient mieux armés pour conduire cette période, pour assurer les réformes et préparer la nouvelle Constitution. Par contre, la prochaine étape est par excellence celle des réformes économiques.

De nombreux partis visionnaires ont estimé que pour assurer convenablement ses réformes économiques, il fallait compter sur des experts et des compétences. Vu ma spécialité en économie, j’ai estimé que je peux apporter énormément de choses. Je suis expert et également professeur universitaire en économie d’une part et d’autre part homme d’affaires expérimenté.   
 
Pourquoi avez-vous choisi Ennahdha, surtout que la présence d’un libéral au sein d’un parti islamiste peut paraître paradoxal?

Au fait, j’ai été sollicité par Ennahdha qui a cherché à impliquer davantage les compétences nationales. J’ai considéré que la réponse positive à cette sollicitation est un devoir puisqu’elle me permet de servir mon pays.
 
D’un autre côté, j’ai toujours considéré que l’Islam est libéral par excellence, donc il n’y a pas de contradiction entre le libéral, que je suis, et l’Islam. Je pense qu’Ennahdha est le seul parti capable de ramener la Tunisie à bon port, car elle a un système très soudé et ne souffre pas d’asymétrie.
 
Vous n’avez pas eu peur des critiques surtout que les laïcs et les modernistes n’ont pas été du tout tendres avec certains hommes d’affaires qui ont intégré le parti islamiste ?

Non, puisque je suis convaincu de ce que je fais et je suis aussi convaincu qu’Ennahdha n’est pas aussi mauvaise qu’on essaye de le faire croire. Et puis, je dois reconnaître que je partage beaucoup de principes avec Ennahdha, bien que ce parti ait commis de nombreuses erreurs lorsqu’il était aux rênes du pouvoir.
 
Comment évaluez-vous la situation économique du pays ?

Après la révolution, la Tunisie est passée par des crises économiques, sécuritaires et également culturelles sans précédent, mais la plus importante c’est la crise de confiance entre les Tunisiens. Néanmoins il est important de mentionner que malgré la conjoncture interne et la crise économique, la Tunisie s’en est sortie avec un taux de croissance moyen de 3,5%.

Ce chiffre est remarquable par rapport à d’autres pays qui ont vécu une révolution ou même par rapport à des pays européens en crise comme l’Italie ou l’Espagne.
 
Sauf que les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays n’ont pas médiatisé les vraies performances à leurs justes valeurs, surtout que certains n’ont fait que montrer la moitié vide du vert durant la gouvernance de la Troïka, alors que les résultats n’étaient pas toujours négatifs.

                                "Je suis optimiste pour l’avenir de notre pays"


C’est pour cela que je suis optimiste pour l’avenir de notre pays. La Tunisie a les compétences nécessaires qui, avec des réformes structurelles dans plusieurs domaines, peuvent relancer la roue de l’économie et sortir le pays de cette situation difficile.
 
Quel est votre programme économique ?

L’équilibre du budget de l’Etat est la clé du problème. C’est à partir de cet objectif qu’on va bâtir tous les volets économiques dans le pays. En effet, cette approche est un défi puisqu'on doit réaliser l’équilibre entre, d’une part, le développement économique basé sur les investissements dans l’infrastructure, la minimisation de la cherté de la vie, et d’autre part l’établissement d’un équilibre dans le budget de l’Etat.
 
Nos objectifs sont donc de réaliser 6% de taux de croissance, de minimiser de 45% les dettes de l’Etat, d'augmenter les ressources de l’Etat à travers une réforme des impôts et la lutte contre la fraude fiscale, de réduire le déficit de la balance énergétique et de maximiser l’exploitation de nos richesses.

Il faut, d’un autre côté, réinstaurer la culture du travail et responsabiliser toutes les parties concernées à œuvrer dans l’intérêt du pays.

E.M. : Pouvez-vous nous parler de votre programme concernant le gouvernorat de l’Ariana ?

A l’Ariana, Ennahdha s’engage à :
-Améliorer le niveau de vie en améliorant les commodités de la vie et assurer les besoins nécessaires des citoyens de la région.
-Fournir des solutions réelles pour les problèmes de transport public et son infrastructure;
-Trouver des solutions au problème de l’étalage anarchique sans toucher les moyens de subsistance des personnes nécessiteuses.
-Investir les ressources de la région dans les domaines de l’industrie, l’agriculture et les services afin d’aider les jeunes à trouver des emplois et leur donner l’opportunité de poursuivre leurs études et également mettre en place un centre de formation qui protège les jeunes de la délinquance.
-Protéger l’environnement en assurant des espaces verts et des plages propres,  recycler les déchets et purifier les vallées et les marécages.
-Traiter les problèmes de distribution  dans les marchés de gros et en détails et le phénomène de la spéculation.
-Créer une atmosphère de fusionnement économique et social qui vise toutes les catégories sociales avec des programmes de promotion de la famille, de la femme qui travaille, du demandeur d’emploi et des familles nécessiteuses. 

Interview réalisée par Sana OUJI BRAHEM