Mohamed Frikha: "Il faut réviser l’approche générale de la réalisation du budget"

Mohamed Frikha: "Il faut réviser l’approche générale de la réalisation du budget"

 
Mohamed Frikha, député et membre de la commission des finances au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple, vient d’adresser au ministre des Finances, Ridha Chalgoum, ainsi qu’à ses collègues au Parlemen, un courrier comportant sa vision pour réviser l’approche générale de la réalisation du budget et entreprendre une démarche non classique et des mesures courageuses pour éviter le pourrissement de la situation et espérer relancer l’économie Tunisienne.
 
Pour avoir une idée sur son initiative, Espace Manager l’a contacté à ce sujet :
 
Espace Manager : Présentez-nous cette initiative pour réviser l’approche générale de la réalisation du budget de 2018?
 
Mohamed Frikha :
Après la réunion tenue le 10 octobre 2017 au Ministère des Finances avec les membres de la commission des finances de l’ARP concernant le projet du budget de l’Etat pour l’année 2018, je me suis rendu compte que l’approche générale de la réalisation du projet du budget est restée la même depuis 7 ans et en parallèle, les indicateurs financiers du pays se détériorent d’une année à une autre où le déficit budgétaire a dépassé les 5% et le taux d’endettement a atteint les 70%.

D’un autre côté, comme tous les Tunisiens j’ai également constaté un déclin du pouvoir d’achat, des horizons bloqués pour la plupart des entreprises économiques en plus d’un désespoir grandissant chez toute la jeunesse et l’accident qui s’est passé aujourd’hui et la perte de plusieurs jeunes dans le naufrage des bateaux de l’immigration vers l’Europe n’en est que la preuve.

Donc, ces indicateurs montrent la sensibilité de la situation et ce n’est qu’un signal d’alarme qui nous impose de réviser l’approche générale de réalisation du budget et entreprendre une démarche non classique et des mesures courageuses pour éviter le pourrissement de la situation et l’arrivée à un niveau de complexité qu’il sera dur de s’en sortir.
 
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour sortir de cette crise?
 
Selon moi, la première mesure consiste à demander le rééchelonnement et le recyclage de la majeure partie des dettes qui arrivent à terme pendant les trois prochaines années, ce qui permettra de prendre un peu d’air et de surmonter les pressions qui pèsent sur le budget.

Ceci devrait se faire d’une manière transparente et étudié avec les partenaires de la Tunisie à travers des visites conjointes entre membres de gouvernement et députés. Il sera procédé au cours de ces rencontres à la présentation de la vision futuriste des projets de développement et la mise en confiance des bailleurs de fonds que ce rééchelonnement est une garantie pour respecter les engagements du pays.

Par ailleurs, et au même moment, il faudra arrêter au maximum et dans la mesure du possible, la politique d’endettement pendant les trois prochaines années et ceci nous permettra pendant cette période de vivre avec nos moyens réels et non au dessus de nos capacités et cette démarche permettra de conforter notre position pour convaincre nos partenaires du rééchelonnement des dettes.
 
Pendant ces trois  années, le budget de l’Etat va être réservé aux dépenses des salaires et les autres engagements de dépense classiques et avec cette politique de gestion réelle des ressources sans paiement des dettes et endettement, il sera possible de limiter le déficit, l’augmentation du taux d’endettement, l’inflation et la flambée des prix.
 
Et l’investissement dans tout cela ?

Pendant cette même période, il faudra évidement reprendre le rythme de l’investissement et de la croissance ce qui permet de surmonter cette crise économique à travers la création de la richesse, la reprise d’indicateurs financiers sereins, la réalisation du développement régional et l’emploi des jeunes surtout les diplômés du supérieur.
 
Votre plan préconise aussi la réalisation de dix grands projets ?

Devant la faiblesse des moyens de l’Etat et la réservation des ressources du budget de l’Etat pour les dépenses obligatoires et devant la situation de paralysie et de désespoir qui touchent la plupart de nos acteurs économiques, l’unique solution serait de faire appel aux investisseurs étrangers pour réaliser 10 grands projets répartis sur toutes les régions du pays. Cet investissement sera direct et parfois selon la procédure BOT (Build, Operate and Transfer).
 
On pourra convaincre les investisseurs étrangers à travers des contacts communs entre les membres du gouvernement, les députés et les compétences Tunisiennes à l’intérieur et à l’extérieur du pays qui ont des relations distinguées avec ces investisseurs.

La Tunisie représente avec son statut de pays démocratique, sa position géographique et son ouverture sur le monde, le potentiel humain et le système éducatif et la position de la femme Tunisienne dans la société, une destination privilégiée pour les investisseurs et surtout lorsque ces projets programmés seront présents dans le cadre d’un plan clair qui s’étale sur trois ans pour réaliser ces projets.

On pourra se diriger vers des groupes économiques ou des personnes physiques des pays européens, de la Chine, du Japon, des pays du golfe, de l’Amérique et de la Russie.
 
Quels sont ces projets et dans quel domaines ?

Ces dix projets seront dans de différents domaines et doivent s’étaler sur toutes les régions comme suit :

1. Projet de création d’un pôle industriel dans le domaine automobile et ses composants avec un grand constructeur mondial à travers l’implication d’un des pays du golfe qui aura une participation dans le capital de ce constructeur.

2. La mise en place d’un écosystème intégré dans le domaine des technologies numériques avancées par des applications locales et destinées à l’export.

3. La réalisation d’une grande unité de production agricole destinée à l’export.

4. La réalisation d’un grand projet dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale avec une capacité de production maximale.

5. La mise en place d’un système de santé et de transport aérien intégré pour rendre la Tunisie une place offshore Euro- méditerranéenne pour les services de santé.

6. Projet d’infrastructure de routes et surtout la réalisation d’autoroutes pour les régions intérieurs.

7. Réalisation d’un projet de transport ferroviaire par les trains à grande vitesse qui s’étale jusqu'aux régions de l’intérieur du pays.

8. La réalisation d’une zone franche et un pôle logistique avec une portée régionale tenant compte de la position de la Tunisie et de ses frontières avec l’Algérie et la Libye.

9. Réalisation d’une ville nouvelle comme grand projet immobilier dans l’une des régions.

10. Rendre la Tunisie un centre d’une nouvelle approche touristique « Parc d’attraction» dans le Sahara pour l’Afrique du nord et les pays arabes, à l’instar de l’Europe et l’Amérique.

La réalisation de ces projets se fera d’une manière équitable sur tout le territoire et on pourra répartir le pays en dix régions où chacune sera responsable d’un projet et opèrera  pour l’emploi de ses jeunes et  pour l’utilisation de ses capacités avec la possibilité de s’étendre dans la réalisation à d’autres régions.

Cette répartition peut se faire de la façon suivante :
 
1. Grand Tunis et Nabeul
2. Bizerte, Béja et Jendouba
3. Sousse et Monastir
4. Zaghouan, Siliana et Le Kef
5. Sfax et Mahdia
6. Kairouan et Sidi Bouzid
7. Kasserine et Gafsa
8. Gabes et Mednine
9. Kébili et Tozeur
10. Tataouine
 
Selon vous ce plan peut-il permettre au pays de sortir de la crise ?

C’est une vision sur laquelle j’ai travaillé et qui pourra nous sortir du cercle vicieux dans lequel le pays tourne en rond depuis des années et vivre, d’un côté avec le décaissement des dépenses selon les capacités du pays et sa production réelle.

Je pense qu’à travers la réalisation de ces grands projets, on peut garantir l’emploi et la croissance dans tout le pays et assurer à l’Etat des rentrées futures qui lui permettront, après trois ans, si tout va bien, de retrouver son fonctionnement normal et de retrouver un budget équilibré dédié aux dépenses et au développement.

 
A.B.

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