Mounira Chapoutot-Remadi (1942-2023): Une grande figure de l’université tunisienne tire sa révérence !

Mounira Chapoutot-Remadi (1942-2023): Une grande figure de l’université tunisienne tire sa révérence !

Par Daouda Sow (*)

« Nous sommes rivés au temps et à notre temps.  L’espace est la forme de notre puissance. Le temps est la forme de notre impuissance. Nous sommes  les maîtres de l’espace. Le temps est notre maître » Jean D’Ormesson (2003)

Ce dimanche 22 octobre 2023 s’est éteinte, à l’âge de 81 ans, Mounira Chapoutot- Remadi que tout le monde appelait affectueusement Madame Chapoutot. Elle est  partie « sur la pointe des pieds », laissant derrière elle bien des souvenirs d’amabilité, d’affabilité et de femme de consensus, altruiste et bienveillante. 

Professeure émérite de l’université de Tunis, elle était membre de l’Académie tunisienne des lettres et des arts Beit al-Hikma. Elle a été directrice du département d’histoire de la Faculté des sciences humaines et sociales 9 avril, directrice de la revue « Les Cahiers de Tunisie », directrice des études à l’Ecole Normale Supérieure de Tunis et co-directrice du Laboratoire d’histoire du monde arabe et islamique médiéval et aussi l’une des figures intellectuelles les plus marquantes et les plus charismatiques de l’université tunisienne. 

Ses nombreuses publications illustrent avec éclat une pensée et une œuvre qui s’insèrent dans l’histoire du monde médiéval et au-delà ; elle veillait cependant à toujours être au diapason de son époque. Elle fut à la fois ou séparément pour la plupart de ses étudiants -dont je faisais partie- une figure amicale, fraternelle et maternelle. Avec elle, je perds aujourd’hui une maman, une confidente, un soutien dans les moments difficiles, avec qui j’aimais échanger et qui me répétait chaque fois « A toi qui affectionne Victor Hugo et son ultima verba » :
 
« Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »

Et elle concluait en paraphrasant l’auteur des Misérables, « s’il n’en reste qu’un, tu seras celui-ci ». Je le sais qu’elle le disait à d’autres aussi avec cette même clarté éblouissante. Elle incarnait non seulement ce sentiment « mystique » de fraternité  mais aussi de solidarité universelle.

Jean d’Ormesson disait à juste titre que « nos morts ne disparaissent pas tout entiers tant que ceux qui les aimaient les gardent vivants dans leur cœur ». Une des seules ambroisies que les vivants peuvent offrir aux morts est la fidélité en amitié, qualité qui ne périt pas  « Car il y a quelque chose de plus fort que la mort : c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants et la transmission, à ceux qui ne sont pas encore, du nom, de la gloire, de la puissance et de l’allégresse de ceux qui ne sont plus, mais qui vivent à jamais dans l’esprit et dans le cœur de ceux qui se souviennent  ».

Le souvenir de ceux que nous avons aimés et qui ne sont plus parmi nous nous habite ; le souvenir de tous ceux qui nous ont permis d’être ce que nous sommes est et sera impérissable. 

Mounira nous réunit aujourd’hui dans le chagrin et le souvenir et c’est avec beaucoup d’émotion, je vous l’assure, et beaucoup d’affection que je vous dis mon attachement et ma fidélité. 

Avec cette femme débordante de générosité, qui aimait recevoir, tous les sujets de débats étaient abordés : culture, politique nationale mais surtout de l’universalité du droit des genres, l’éternel féminin. Au delà de son aura, de son charisme, sa si belle humanité fut son courage de femme libre, affranchie.

A Jean, Sami et Sonia Chapoutot, laissez-nous redire, en les appliquant à vous-même, « Ah ! Il y a une étoile qui s’est éteinte, elle se rallumera ailleurs », tellement elle incarnait l’espérance".

(*) Daouda Sow est un ancien étudiant de Mounira Chapoutot-Remadi du département d'Histoire de la Faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis (9 avril). Dans ce texte qu'Espace Manager a décidé de publier, il rend un vibrant hommage à son ancienne directrice de thèse à qui il était profondément attaché.Il y évoque le souvenir d'une femme débordante de générosité, de charisme. Et qui fut pour la plupart de ses étudiants une figure amicale, fraternelle et maternelle.

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