Néjib Gasmi (Association Help Imrane): «Il est scandaleux qu’un petit Tunisien meure, faute d’argent pour le soigner »

Néjib Gasmi (Association Help Imrane): «Il est scandaleux qu’un petit Tunisien meure, faute d’argent pour le soigner »

 

Une bonne nouvelle par ces temps de grisaille, le petit Imrane, atteint d'un neuroblastome surrénalien, un cancer qui touche les enfants de moins de 6 ans, dont la maladie est devenue une affaire publique, est sur la bonne voie pour vaincre sa maladie.

Grâce à la mobilisation de personnes au gros cœur, le petit  Imrane a pu réunir la somme demandée pour couvrir tous les soins et financer la greffe dont il avait besoin dans un hôpital parisien.

Pour avoir une idée sur la situation d’Imrane, nous avons rencontré M. Néjib Gasmi, Président de l’association Help Imrane, créée le 6 avril dernier et qui a été rappelons-le, d’une grande utilité pour sauver la vie de ce petit et aider sa famille à assurer ses soins en France :
 
Espacemanager : Quel est l’état de santé d’Imrane et comment a évolué sa situation ?

Néjib Gasmi : Imrane a subi une autogreffe à Paris et a suivi une radiothérapie qui s’est terminée la semaine dernière. Ce qui a permis d’éliminer les dernières cellules cancéreuses de son petit corps. D’après les médecins, il n' y a plus de cellules malades.

Aujourd’hui, l’état de santé d’Imrane est bon. Il est sous traitement pour une période de six mois. Il y aura, par la suite, un suivi d’une durée de cinq ans pour éviter toute éventualité d’une rechute. Actuellement, on peut dire qu’il est entre les mains du bon Dieu, et qu’il est sur la bonne voie de la guérison.

Je tiens à cette occasion à souligner le travail remarquable des médecins tunisiens et étrangers qui ont assuré tout au long de cette période une grande performance.

Ce résultat n’aurait pas eu lieu n’eût-été aussi l’apport de l’association Help Imrane ?

L’association a été créée le 6 avril 2014 suite un appel au secours lancé par la famille du petit, qui ne savait pas à quel saint se vouer pour ramasser les 300 mille dinars nécessaires afin de sauver la vie d’Imrane.

Il avait 26 mois à l’époque et il fallait donc réunir la somme le plus rapidement possible, afin d’obtenir un visa médical, et ramener l’enfant en France au plus vite pour le soigner.

Après avoir vu cet appel émouvant, on a décidé d’agir, car il est inconcevable qu’un petit tunisien meure faute d’argent pour le soigner. On a mis une semaine pour voir ce qu’on pouvait faire et on a immédiatement créé cette association pour avoir une vision légale.

Aussitôt les formalités accomplies, Imrane a été transféré en France et a été suivi à l’institut Curie de Cancérologie.


La majorité des dons qui ont sauvé Imrane ont été collectés en France


Quelle a été la somme que vous avez collectée pour réaliser la greffe et assurer les soins ?

Jusqu’au jour d’aujourd’hui, l'on a collecté 138 mille euros (quelque 300 mille dinars). Ce qui nous a permis de vraiment couvrir l’ensemble des soins.

Il semble que les donateurs ont bizarrement été en majorité des étrangers qui se sont mobilisés pour sauver la vie de ce petit tunisien?

Oui, on a collecté une petite partie en Tunisie et le reste est venu de donateurs français ou étrangers. On a collecté 38 mille euros en Tunisie et tout le reste est venu de la France et de l’étranger. En Tunisie, les choses sont compliquées. Il faut une association pour collecter les dons et sa création est compliquée.

D’un autre côté, les gens n’ont pas trop confiance en ce genre d’actions et certains n’ont même pas cette culture du don. En France, en une semaine on a créé l’association, le statut, le compte bancaire a été ouvert. Après, on a commencé nos manifestations et on n'a eu que des soutiens. Par contre, en Tunisie c’est  toujours compliqué.

Quelles sont les principales actions que vous avez entreprises pour collecter les dons ?

Dans l’association Help Imrane, on est allé chercher les dons un peu partout, sur Internet et sur le terrain. Sur les marchés, on a récupéré plus de 30 mille euros. Que ce soit en Tunisie ou en France, on a frappé aux portes et sensibilisé les gens pour aider ce petit.  A Tunis, il y a des personnes qui nous ont donné 200 millimes, et on ne les a pas refusés.  
En France, on s’est adressé à toutes les communautés et le monde a donné. Des Arabes, des Africains, des Chinois, des Turcs….

C’était formidable, on a senti chez les donateurs une réelle volonté pour sauver ce petit. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui reviennent vers nous pour avoir de ses nouvelles.  
 
Ce constat de voir des étrangers s’engager beaucoup plus que nos compatriotes pour sauver ce petit est triste !?

Oui tout à fait. En Tunisie, certaines personnes contactées ont mis en doute notre action. Ce qui a fait qu’on refuse de l’argent émanant de personnes qui nous ont fait sentir qu’on était en train de mendier.

A travers l’association Help Imrane, on a sensibilisé les gens et on a tout fait pour aider ce petit. Mais les résultats ont été en-dessous de nos espérances et il faut lutter pour instaurer cette culture de l’aide.

L’autre jour, on a perdu le pauvre petit Youssef parce que ses parents n’avaient pas d’argent pour le soigner. Je suis révolté. Comment  peut-on  laisser des enfants mourir dans notre pays, sous prétexte qu’il n' y a pas d’argent ?

Je me demande où est l’Etat ? Où est le ministère de la Santé ? Pourquoi n’ y a-t-il pas d’accord de prise en charge d’enfants gravement malades entre la Tunisie et la France, comme ça existe avec l’Algérie  et le Maroc.

Comment le petit Imrane a vécu toute cette période de soins et cet éloignement de sa famille et de son pays ?

Imrane a trop souffert. La maladie l’a beaucoup fatigué surtout quand il était encore en Tunisie. Comme vous pouvez l’imaginer, on n’a malheureusement pas encore de traitement des douleurs ici en Tunisie. En France, par contre, il y a un patch antidouleur et sa situation s’est améliorée progressivement avec le soutien de sa mère qui a été toujours à ses côtés.

Votre mission est terminée avec Imrane ou est-ce que vous allez prendre en charge d’autres cas ?

On voudrait travailler dans la continuité. On n’a pas créé cette association pour s’arrêter là. Forte de cette réussite avec Imrane, on va continuer avec beaucoup de courage pour sauver d’autres enfants.

« Imrane nous a fait découvrir un état sanitaire très déplorable en Tunisie »
                                             

Mais l’association porte le nom d’Imrane ?

Imrane sera à jamais notre porte-drapeau. C’est important parce que ça a marché avec lui. Maintenant on va créer un véritable élan de solidarité avec les enfants atteints de maladies graves, qui ont besoin de ce genre de soins trop coûteux.
 
Est-ce que le neuroblastome surrénalien, ce cancer qui touche les enfants de moins de 6 ans, est une maladie fréquente en Tunisie ?

 
Cette maladie touche  les enfants de 0 à 6 ans. Imrane  va bientôt avoir ses 3 ans, Taïma (peut-être notre futur cas) a 6 ans. En effet, quand on a commencé l’opération avec Imrane,  on a parlé de 10 cas. Malheureusement l’un d’entre eux est décédé. Il reste donc 9. Et pourtant les politiques tunisiens ne font rien pour sauver ces gamins.

Normalement, à partir du moment où tes enfants sont malades tu fais le maximum pour qu’ils guérissent. La Tunisie doit faire de même avec ses enfants. Il faut rappeler dans ce sens qu’on est aujourd’hui sur des maladies qui sont guérissables, le traitement existe, il est connu.

Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?

Imrane nous a fait découvrir un état sanitaire très déplorable en Tunisie. Comment peut-on  imaginer qu’on utilise ‘’un rideau de douche’’ pour séparer deux lits de malades cancéreux. Le gamin qui a un cancer, s'il ne fait pas sa douche correctement comment il va faire sa chimio ? Comment il va être soigné ?

Nos malades ont besoin d’un traitement adéquat, d’une hygiène, de respect et d’un service de qualité.L’état déplorable des hôpitaux tunisiens est scandaleux.Néanmoins, cette expérience nous a montré que nous avons malgré tout de bons médecins.  Ils sont tous biens formés mais ce qui les handicape, ce sont les moyens et surtout la volonté politique.

Pour finir, je dois féliciter et remercier tous ces gens qui ont aidé Imrane, qui ont répondu à l’appel et ont fait preuve d’une mobilisation remarquable. Je dis bravo à eux. Je dis chapeau au peuple tunisien, et aux médias comme vous qui n’ont pas hésité à communiquer nos informations.

Interview réalisée par Cheker Berhima