Oussama Kheriji: "Les ingénieurs tunisiens ne vont plus se laisser faire "

Oussama Kheriji: "Les ingénieurs tunisiens ne vont plus se laisser faire "

 

L’Ordre des Ingénieurs Tunisiens (OIT) a appelé ses affiliés à venir exprimer leur colère ce mardi 14 novembre 2017 devant le siège de l’assemblée des représentants du peuple. Pour connaitre les raisons de ce mouvement de protestation, ainsi que les revendications de l’OIT, Espace Manager a interviewé ce matin au Bardo, le président de l’Ordre Oussama Kheriji :

Espace Manager : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à organiser cette journée de colère ?

Oussama Kheriji : Le prolongement inquiétant de la politique de marginalisation dont est victime notre secteur et les promesses non tenues des différents gouvernements qui se succèdent à la tête du pays. Les ingénieurs ont toujours essayé d’instaurer un dialogue constructif et fructueux avec le gouvernement pour exprimer leurs doléances. Mais, apparemment cela s’est avéré insuffisant. C’est pour cela que rien ne sera plus comme avant, dans le sens où les ingénieurs ne se tairont plus pour défendre leurs droits et n’admettront plus les actions d’intimidation tout en agissant dans le cadre de la loi évidement.

Il semble que c’est la situation financière des ingénieurs qui vous préoccupe le plus ?

On a à maintes reprises appelé à ouvrir sérieusement le dossier de la situation matérielle et financière des ingénieurs qui est dans notre pays, très en dessous de catégories similaires de par leurs diplômes et le cursus universitaire dont les médecins de la santé publique, les vétérinaires, les juges, etc.

Le fossé s’est creusé entre les ingénieurs et les autres professions, surtout qu’après la révolution presque tous les secteurs professionnels ont entamé des mouvements de protestation afin d’obtenir des augmentations salariales, à l’exception des ingénieurs.

En plus, les salaires des ingénieurs tunisiens sont de loin très inférieurs à ceux des ingénieurs dans des pays proches de nous, comme le Maroc et la Jordanie, et qui démontre le fossé très large nous séparant de ces deux pays.

Au-delà du problème du pouvoir d’achat, cette réalité est une atteinte au statut social de l’ingénieur, d’après le président de l’Ordre.

Néanmoins, la situation matérielle de l’ingénieur n’est pas notre seul souci puisqu’il y a d’autres problèmes dont la formation, le chômage et l’emploi précaire des ingénieurs auxquels on doit faire face, surtout que tous ces problèmes sont reliés.

Comment sont-ils reliés ?

L’emploi précaire n’est que le résultant d’un nombre pléthorique de diplômés qui ne cesse d’augmenter suite à l’augmentation disproportionnée des écoles publiques  et privées  d’ingénieurs, ce qui a débouché sur une augmentation jamais atteinte, en nombre de diplômés, au cours de la période 2010-2017.

Ainsi l’offre en ingénieurs a dépassé la demande des entreprises, notamment dans une conjoncture économique où le taux de chômage atteint 50 % dans certaines spécialités du secteur.
 
Un certain nombre de chefs d’entreprise, qui se sont rendu compte de cette triste réalité, se permettent de dicter des conditions de travail exigeantes aux ingénieurs. Partant de cette situation, quelques ingénieurs se trouvent  contraints de travailler pour des salaires dérisoires. 

Devant cette situation précaire et en l’absence d’une vision claire, comment garantir un avenir meilleur à la profession d’ingénieur en Tunisie ?

 Il faut améliorer la formation dont le niveau de qualité doit être unifié que ce soit dans les écoles publiques ou privées. Il faut évaluer les besoins du pays en formation en ingéniorat et  fixer le nombre d’ingénieurs dont le pays a besoin.

Il faut accélérer la création d’un organisme indépendant d’accréditation  dont la mission sera d’évaluer les écoles privées et étatiques d’ingénieurs selon une même grille, pour pouvoir réformer la formation.

En un mot,  Il faut militer pour résoudre tous les problèmes du secteur et donner à l’ingénieur sa vraie place au sein de la société.

 

Propos recueillis par Jamel Melki

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