Pauvre peuple tunisien, jamais il n’a été autant divisé !

 Pauvre peuple tunisien, jamais il n’a été autant divisé !

 

Peuple par-ci, peuple par-là, jamais s’agissant du peuple tunisien le terme n’a été autant galvaudé que depuis l’accession du président de la République Kaïs Saïed à la magistrature suprême depuis deux ans maintenant. Comme s’il s’agit d’une entité, une et unique. D’un ensemble monolithique tout en bloc.

Saïed soutenait qu’il le chef du « peuple qui veut » en reprenant un slogan entendu pendant la révolution de l’hiver 2010-2011 qui disait « le peuple veut la chute du régime ». Mais ce peuple-là existe-t-il vraiment compact, un et indivisible ?

Par définition un peuple est l'ensemble des personnes soumises aux mêmes lois et qui forment une nation. C’est aussi un ensemble d'êtres humains vivant en société, formant une communauté culturelle, et ayant en partie une origine commune. De ce point de vue, il y a bien un peuple tunisien. On peut même avancer sans risque de se tromper qu’il s’agit d’un des peuples les plus harmonieux et cohérents qui soient. Car dans leur très grande majorité, les Tunisiens parlent arabe, sont des musulmans sunnites et malékites.

Pour autant comme tous les peuples, les Tunisiens sont traversés par les idées, les courants de pensée, les idéologies, les appartenances partisanes. Ils peuvent être de gauche, c’est-à-dire progressistes, de droite, à savoir des conservateurs ou du centre soit des modérés, comme ils peuvent se situer à un extrême ou un autre, généralement minoritaire, sinon très minoritaire.

Alors soutenir comme on le fait dans les cercles proches de Kaïs Saïed, qu’il y a un « peuple » et que ce que celui-ci veut il faut lui donner satisfaction sans rechigner est évidemment faux. Il s’agit rien moins que d’un discours populiste qui n’a aucune traduction dans le réel.

Paradoxalement, c’est depuis que certains s’arrogent le droit de parler au nom du peuple, que ce pauvre peuple est divisé. Partagé, fragmenté, ce peuple est l’objet de dangereux tiraillements. Ceux qui cherchent à être les dépositaires de sa volonté, ne font en fait que l’écarteler.

Dans ses discours, Kaïs Saïed pointe du doigt les autres qui sont désignés à la vindicte populaire. Ils sont les mauvais, alors que lui et ses partisans sont les bons. Ils sont les corrompus et les corrupteurs, les malhonnêtes et les indignes, alors que de l’autre côté, il y a les probes, les propres, les honnêtes gens.

Rassembler les Tunisiens, les fédérer quels qu’en soient les idées, l’appartenance partisane ou le courant idéologique, c’est la fonction essentielle du président de la République, à qui échoit l’honneur d’être le symbole de l’Etat.

Les diviser, les tirailler et les écarteler entre factions rivales, ce n’est évidemment pas la bonne direction à prendre. Surtout que l’on veut être le représentant suprême de ce peuple dépositaire unique du pouvoir.

Le peuple est certes pluriel et c’est la démocratie qui organise cette pluralité, mais gare à diviser ce peuple plus que de raison, y introduire le virus du chacun-pour-soi car ces divisions peuvent mener, si on n’en prend pas garde aux guerres civiles. Qu’à Dieu ne plaise.

RBR

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