Plus de 60 historiens tunisiens s’élèvent avec vigueur contre les accusations de Sihem Ben Sedrine

 Plus de 60 historiens tunisiens s’élèvent avec vigueur contre les accusations de Sihem Ben Sedrine

Une soixantaine de professeurs universitaires se sont élevés contre l’insistance de la présidente de l’Instance Vérité et Dignité, Sihem Ben Sedrine à réécrire l’histoire de la Tunisie notamment celle du mouvement national, dans sa « volonté de discréditer les historiens tunisiens et de déprécier leur production en ignorance presque totale de l’historiographie tunisienne contemporaine et actuelle »

Les professeurs universitaires, dont des historiens de renom, comme Hédi Timoumi, Khélifa Chater, Noureddine Dougui, Khaled Abid, Abdeljelil Bouguerra, Mustapha Tlili, Mounira Chapotou Remadi, Mohieddien Hadhri, Faiçal Chérif, Hédi Jalleb… ont ajouté que la présidente de l’IVD a saisi l’occasion d’avoir pris possession de documents « graves »(sic) obtenus par des « moyens détournés »(selon ses dires) pour réitérer ses conseils pour la réécriture de l’histoire à la lumière de « ses révélations fracassantes » sur la base des témoignages oraux des victimes de la tyrannie et des documents qu’elle a obtenus récemment et qu’elle présente comme « une histoire véritable et non contrefaite ».

Sans vouloir rentrer dans une polémique avec Mme Ben Sedrine, les universitaires dont le texte a été publié par le quotidien arabophone « le Maghreb », jeudi 22 mars, ont fait un ensemble d’observations qu’ils considèrent comme « importantes » surtout en ce moment où la scène publique est pleine de réactions émotives, de propagande et de règlement de comptes à l’horizon des prochaines échéances électorales dans le but de contribuer avec humilité et neutralité, à transposer certaines questions sensibles de l’ordre de l’obscur au monde de la clarté.

Parmi ces observations, les universitaires placent en premier lieu le provocation faite aux historiens comme en atteste « l’invasion » des archives de la présidence de la République en date du 26 décembre 2014, qui a nui à l’image de la Tunisie avec l’ordre péremptoire de la présidente de l’IVD aux historiens de réécrire l’histoire au cours de la 9ème audition publique en date du 24 mars 2017, ce qui a suscité leur désapprobation d’autant que personne n’a jamais osé leur délivrer un tel ordre y compris dans les périodes les plus sombres de la dictature.

Ils s’élèvent aussi contre « la nouvelle étape » que Mme Ben Sedrine a franchie en janvier 2018 dans un mépris délibéré de l’intérêt national en lançant un appel d’offres en vue de stocker pour une durée indéterminée des archives audiovisuelles des plaintes des victimes de l’oppression et de l’autoritarisme et de leurs témoignages à l’instance sur des plateformes dépendant du géant américain Microsoft dans un déni total des institutions tunisiennes spécialisées et qui ne manquent ni d’expertise, ni de compétences humaines.

Ce qui, ajoutent-ils, pose des interrogations sur les intentions réelles de la présidente de l’IVD et sur l’étendue de son engagement vis-à-vis de la loi, des normes nationales et de l’obligation de protéger les données personnelles.

« Les révélations documentaires » récentes à la veille du 62ème anniversaire de l’indépendance viennent montrer, une fois de plus, que la présidente de l’IVD poursuivait la même approche sans se soucier ni de reproche ni blâme. S’agissant des documents, l’IVD n’a pas seulement ouvert des portes closes, comme elle ne s’est pas engagée dans des horizons nouveaux. Ces documents sont connus et accessibles à tous, ils ont même été utilisés par des chercheurs dans leurs recherches.

Certains de ces documents sont imprimés et publiés au Journal officiel, ce qui enlève aux « révélations » de l’Instance leur nouveauté, leur plus-value et l’exclusivité présumée.

Ils affirment que les documents publiés par l’IVD « sont connus et ont circulé », ce qui est indéniable, mais leur présentation tronquée, sélective et incomplète pose problème, surtout que Mme Ben Sedrine procède par « le mensonge par omission »(en français dans le texte)

« Présenter des demi-vérités et donner des données tronquées comme étant des vérités complètes sont considérés comme des paralogismes et une manipulation des documents historiques, de sorte que la fausse vérité devienne logique et acceptable et puisse être utilisée pour soutenir une thèse ou une vision portées par une position politique donnée ».

« Les semi-vérités sont une tromperie encore plus lourde que les mensonges eux-mêmes et donc peuvent être considérés comme des méthodes privilégiées par ceux qui se jouent des raisons. »

Les universitaires s’élèvent aussi contre l’affirmation selon laquelle les accords de 1955 constituent une violation de la souveraineté, comme allégué par la présidente de l’IVD, en soulignant que l’Etat national a dépassé « de facto » ce qui a été convenu dans les textes et a réussi à restaurer la souveraineté nationale par l’évacuation militaire et la nationalisation des terres agricoles.

Il n’est pas grand besoin de discerner que Mme Ben Sedrine a un droit d’inventaire avec le leader Habib Bourguiba et les fondateurs de l’Etat de l’indépendance et de l’Etat national de façon générale et que son discours porte la haine, une profonde aversion ainsi qu’une volonté de vengeance et de rétorsion.

Ce n’est pas par ce genre de discours qu’on peut fonder une justice transitionnelle saine, une justice qui permet de tourner la page du passé en vue d’inaugurer une ère de concorde nationale ajoutent les universitaires qui mettent l’accent sur la détermination des historiens tunisiens, les meilleurs dans le monde arabe à poursuivre leur travail suivant ce que leur dicte leur conscience sans se soucier des accusations gratuites et sans être distraits dans leur quête de la vérité objective même si elle peut paraître hors d’atteinte.

Ils concluent en assurant qu’ils sont également déterminés à défendre les règles de leur profession et son caractère sacré.

 

Votre commentaire