Pour une cartographie digitale des partis politiques: Le pourquoi et le comment ?

 Pour une cartographie digitale des partis politiques: Le pourquoi et le comment ?

Par Dr Mahjoub Lotfi BELHEDI (*)

Depuis la genèse des partis politiques en XVIIIème, on constate amèrement, qu’en 2020,  rien n'a vraiment changé en profondeur au niveau de son empreinte architecturale / fonctionnelle où le despotisme des leaders règne encore, le clientélisme prospère et la verticalité dans les prises de décision demeure la règle dans un monde pris sous l’emprise d’un tsunami digital n’épargnant personne (individu et entité confondu)  sur  son passage y compris les partis  politiques.
 
Du berceau de la démocratie aux temples des courants ultranationalistes,   des partis les plus libéraux aux partis les plus autarciques, ils se partagent entre eux, á des nuances prés, le même legs organisationnel à caractère pyramidal, traduit par un modus operandi venant d'en haut vers le bas, revêtant des appellations diverses,  telles que le bureau politique, le comité central, le bureau exécutif, le conseil national etc. 

Bref une architecture anachronique aux mutations profondes  de « la théorie des systèmes » suite á l'avènement du digital.
Que faire ? 

Bien qu’elle soit tirée des annales marxistes-léninistes les plus classiques, cette interrogation mérite une réponse directe à multiples hypothèses, entre autres :

-Soit on devra préserver l'organisation actuelle  tout en injectant une dose de digitalisation dans le management communicationnel des partis politiques,

-Soit on devra changer complètement de paradigme par voie d'appel au lexique digital des réseaux sociaux et les techniques managériales les plus récentes.

Pour la première hypothèse massivement adoptée par la quasi-totalité des partis politiques au monde, la réalité électorale démontre qu'elle n'a pas su restreindre le taux d’abstentionnisme électoral et le niveau de répudiation de la vie politique auprès des jeunes !

En revanche, le véritable challenge à relever par la seconde hypothèse consiste à ne pas défigurer la stratégie de digitalisation  à suivre et la réduire en une simple opération de numérisation de façade incapable á rénover les points d’appui architecturaux des partis politiques actuels.

Sur ce même élan de raisonnement (la seconde hypothèse), il s'avère judicieux d'intervenir sur deux niveaux :

1/ Au niveau sémantique : 

Pour les jeunes (natifs d’Internet) changé de lexique, de terminologie est une phase primordiale pour toute conciliation éventuelle avec les partis politiques. En effet, ils sont en perpétuelle quête de fascination et des sensations les plus intenses suites á leur immersion totale dans l'espace virtuel. 
 
C’est simple, pour eux, toute reproduction littérale du jargon organisationnel classique des partis politiques est systématiquement vouée á un échec cuisant, et l’enjeu le plus stratégique des partis politiques d’aujourd’hui réside à conquérir d’autres  territoires sémantiques plus branchés capables de rompre avec le comportement de répudiation de la vie politique chez les jeunes. 

A ce titre, on propose ce simple jeu lexical :

- Le poste « d’Administrateur Général » au lieu de la vieille fonction du  « Secrétaire Général»,

- Un organe de  « Directoire »  emprunté des formats les plus avancés en management des entreprises á la place du « Bureau politique » á connotation bolchevique,

- « Un Conseil de Modérateurs » au lieu d'un « Comité central » de filiation communiste,

- Et  « un Consortium d’Influenceurs »  se substituera à l’appellation  « Congrès national ».
- Etc.

2/ Un niveau synergique : 

Pour qu'il puisse atteindre ses objectifs, le processus de digitalisation des partis ne devra pas s'arrêter au niveau de la simple reconversion sémantique, mais il est appelé á construire, pierre par pierre, une synergie innovante de type Peer to Peer (P2P) entre  les différents compartiments des partis politiques tout autour d'une plate-forme numérique bien huilée. 

Là-dessus, il n y a pas une recette  prêt-à-calquer  ou un modèle synergique fourre-tout, c'est la règle du  cas par cas  qui prime. A titre indicatif,  dans notre pays, l’élection, si elle aura lieu un jour, des membres du « Consortium d’Influenceurs », du « Directoire » et du « Conseil des Modérateurs »  devra tenir compte du principe constitutionnel de discrimination positive débouchant  á une représentativité régionale plus équitable dans un pays frappé, depuis la nuit des temps, par une distanciation (cette fois-ci) de type interrégional de  plus en plus grossière...

Quant aux attributions de chaque organe ainsi que leurs synergies fonctionnelles mutuelles, il convient de préciser que « le Consortium d'Influenceurs » (l’actuel Conseil National) devra constituer  le noyau dur, l’épicentre décisionnel en temps réel de toute reconfiguration digitale futuriste des partis politiques. 

En ce qui concerne, le « Conseil des Modérateurs », il s' agit d’une instance de modération et d'arbitrage en cas de litige entre les différents organes, composée par des membres réputées par leur clairvoyances et perspicacité, proposés par le « Consortium des Influenceurs » et entérinés par « l'Administrateur Général » selon des critères prédéfinis.

Pour l'organe de « Directoire » et  le poste « d'Administrateur Général », ils collaborent ensemble d’une manière collégiale en matière de la gestion courante du parti et dans la détermination de ses orientations générales et ce après consultation du « Conseil des Modérateurs » et approbation expresse du « Consortium des Influenceurs ».

Sans le moindre doute, pour nombreux d’entre vous, ce nouveau schéma paraît sur-ambitieux, en incompatibilité avec la réalité politique du pays dont le sur-moi des dirigeants enfreint tout processus de refonte digitale.

La réponse est tout simplement par oui, sauf que, le TGV digital n’attend personne et  n’accorde aucun  moratoire !

A nous seuls de résoudre ce dilemme !

(*) Universitaire / Chercheur en réflexion stratégique

 

 

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