Pourquoi certains développent une Covid-19 sévère alors que d'autres ne présentent pratiquement aucun symptôme ?

 Pourquoi certains développent une Covid-19 sévère alors que d'autres ne présentent pratiquement aucun symptôme ?

Après une année d’activités entre scientifiques et cliniciens dans le cadre du hub scientifique « COVID-19 Host Genetics Initiative », les résultats d’une recherche récente menée par 3000 chercheurs dans le monde a confirmé que le système génétique d'un individu peut influencer son risque d'infection ainsi que la gravité des symptômes de la COVID-19. 

Plus de 49 000 personnes atteintes de COVID-19 et 2 millions d'individus témoins provenant  de 19 pays (ils sont actuellement au nombre de 25 pays mais à cette phase, ils n’ont pas divulgué encore les nouveaux résultats de leur recherche),ont contribué à cette recherche qui a identifié les parties du génome humain pouvant affecter le risque de la COVID-19 sévère.

Il s’agit d’un hub scientifique qui a été lancé en mars 2020 par Andrea Ganna, chef d’équipe à l'Institute for Molecular Medicine Finland (FIMM), Université d'Helsinki et Mark Daly, directeur de FIMM et membre de l'institut Broad Institute du MIT et de Harvard. 

En fait, ces chercheurs ont tenté de comprendre pourquoi certaines personnes développent un COVID-19 sévère alors que d'autres ne présentent pratiquement aucun symptôme. Ils ont fini ainsi par confirmer que les facteurs de risque tels que l'âge, les conditions médicales sous-jacentes, et les facteurs environnementaux et les facteurs socio-économiques du domaine de la santé, jouent un rôle dans la détermination de la gravité de la maladie. Mais également, les variations du génome humain ont un effet, de façon que 13 variantes génétiques humaines identifiées, affectent la sensibilité et la gravité de la COVID-19.

A son tour, Ben Neale, co-directeur du programme « génétique médicale et des populations au large » et co-auteur principal de cette étude, a déclaré : « si les vaccins assurent une protection contre l'infection, il existe encore une marge d'amélioration substantielle dans le traitement COVID-19, qui peut être informé par l'analyse génétique ». Il a ajouté que « l'amélioration des approches de traitement pourrait aider à transformer la pandémie en une maladie endémique plus localisée et présente à des niveaux faibles mais constants dans la population, un peu comme la grippe ».

De son côté, Hamdi Mbarek, Docteur et chercheur en génétique moléculaire et génomique et directeur des partenariats de recherche au Qatar Genome Program (QGP), a déclaré que « les scientifiques du monde entier ont avancé à une vitesse vertigineuse pour démêler le rôle de la génétique dans la grande variation de la gravité du Covid-19 - l'une des caractéristiques les plus distinctives et les plus déroutantes de la maladie ». Il a ajouté « plus nous comprenons la pathogenèse du Covid-19, mieux nous traitons et gérons la maladie. Sur la base de ces résultats, des tests génétiques sont en cours de développement pour prédire l'évolution de la maladie, des thérapies ciblées potentielles et des candidats à la réorientation des médicaments sont en cours d'évaluation.

Le déroulement de cette étude

Les chercheurs de cette étude ont confirmé que les effets des facteurs génétiques proviennent des mutations à fort impact qui peuvent faire la différence entre un individu développant des symptômes bénins et une maladie potentiellement mortelle, à des variantes génétiques plus courantes qui n'affectent que modérément la gravité des symptômes, sachant que les études génomiques humaines des maladies infectieuses restent rares par rapport à celles d'autres affections à médiation immunitaire, telles que les maladies auto-immunes, et ce pour différentes raisons, notamment le fait que ces études devront être effectuées sur de grands groupes de personnes (focus groups)avec certains caractéristiques afin de produire des résultats statistiques permettant de révéler les facteurs génétiques pertinents. 

Cette étude a été menée auprès de 46 groupes d'étude, selon trois catégories d'analyse : 

-L'infection, qui incluait les personnes atteintes de COVID-19 confirmé par un médecin, confirmé en laboratoire ou auto déclaré ; 

-L'hospitalisation, qui consistait en des personnes atteintes de COVID-19 modérée à sévère confirmée en laboratoire ;
 
-Les maladies graves, les patients atteints d'une infection confirmée en laboratoire qui ont été hospitalisés et ont eu besoin d'une assistance respiratoire ou qui sont décédés.

Pour identifier les variants génétiques associés à la susceptibilité et à la gravité de la COVID-19, les chercheurs ont d'abord comparé la différence de fréquences de millions de variants génétiques entre les personnes infectées par le COVID-19 et les individus témoins dans chaque étude. Ils ont ensuite combiné les résultats des 46 études pour augmenter la puissance statistique de leurs données.

Afin de mieux comprendre la biologie de la COVID-19 et les mécanismes qui relient les locus aux résultats de la maladie, les auteurs ont recherché des gènes candidats qui se trouvaient à proximité de chaque locus. Ils ont identifié plus de 40 gènes candidats, dont plusieurs ont déjà été impliqués dans la fonction immunitaire ou ont des fonctions connues dans les poumons.

Les facteurs génétiques clés de l’atteinte par la COVID-19

Grâce à une analyse combinée, les chercheurs ont identifié 13 locus associés à l'infection par le SARS-CoV-2 et à la gravité de la maladie :

-Six locus non signalés dans les précédentes études de génomique humaine de la COVID
-Quatre locus affectent la susceptibilité générale au SARS-CoV-2
-Neuf locus étaient associés à la gravité de la maladie
-Deux des locus précédemment non associés n'ont été découverts que lorsque des individus d'ascendance est-asiatique et Moyen-Orientale ont été inclus dans l'analyse.

L'équipe a signaléla présence d’un locus en particulier, proche du gène FOXP4, qui est lié au cancer du poumon. La variante FOXP4 associée à un COVID-19 sévère augmente l'expression du gène, suggérant que l'inhibition du gène pourrait être une stratégie thérapeutique potentielle. 

Ce locus était associé à la susceptibilité à la COVID-19 plutôt qu'à la gravité. Le locus chevauche SLC6A20, qui code pour un transporteur d'acides aminés qui interagit avec ACE2. Néanmoins, les chercheurs ont signalé qu’il faut davantage plus de données pour résoudre la nature de la relation entre la variation génétique et la COVID-19 à ce locus, d'autant plus que la proximité physique, la structure du déséquilibre de liaison et les modèles d'association suggèrent que la variation génétique non étiquetée pourrait être à l'origine de l'association. 

D'autres locus associés à COVID-19 sévère comprenaient DPP9, un gène également impliqué dans le cancer du poumon et la fibrose pulmonaire, et TYK2, qui est impliqué dans certaines maladies auto-immunes.Malgré les faibles valeurs rapportées, ils ont constaté que l'héritabilité de l'infection rapportée était significativement enrichie en gènes spécifiquement exprimés dans le poumon.

Les locus ABO, PPP1R15A et SLC6A20 susmentionné, pourrait en effet avoir un impact sur la susceptibilité à l'infection plutôt que sur la progression vers un état sévère de la COVID-19 une fois infecté.
De plus, plusieurs des locus croisent des variantes génétiques bien connues qui ont établi des associations génétiques. Des exemples de ceux-ci incluent des variantes à DPP9 et FOXP4qui montrent des preuves antérieures d'un risque accru de poumon interstitiel.

Les chercheurs ont confirmé également qu’il n'y a aucun effet significatif spécifique au sexe à l'échelle du génome au niveau des 13 régions.

Ils ont montré aussi que l'utilisation de contrôles de population peut être une stratégie valide et puissante pour la découverte génétique de l'hôte de maladies infectieuses, et en particulier celles qui sont répandues et avec des résultats graves rares.

Notons enfin que cette étude représente une première étape pour comprendre le rôle de la génétique humaine dans la susceptibilité au SARS-CoV-2. Cependant, il reste encore du travail à faire. Les futures expériences devraient déterminer tous les gènes, toutes les voies de signalisation et les mécanismes biologiques qui relient les locus génomiques identifiés aux résultats de la COVID-19.

Tel qu’il est confirmé par l’étude, environ 80% des participants sont d'ascendance européenne. Donc on s’attend à ce qu’il y ait plus de participants d’origine arabe ou berbère voire africaine pour voir à quel effet le SARS-CoV-2 peut influencer notre système génétique, et ceci permettra d’identifier d'autres locus qui pourraient être associés à un risque chez les personnes d'autres ascendances.

Nouha Belaid
 

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