Pourtant nous sommes, en bonne partie, d'origine subsaharienne !
Par : Mahjoub Lotfi Belhedi
(Spécialiste en réflexion stratégique)
Avec un peu de recul d'ordre anthropologique, il s'avère que la campagne xénophobe, á visage découvert cette fois-ci, menée contre nos frères subsahariens présente une nuance de taille face au paradigme discriminatoire raciale classique que l'humanité a tragiquement connu.
En effet, dans un schéma raciste classique, l’acte de discrimination raciale oppose une population blanche contre une autre de couleur, plus explicitement « des races supérieures aux races inférieures » selon la théorie d'hiérarchisation des êtres humains, alors que « le racisme à la tunisienne » révèle une forme d'auto-discrimination raciale collective contre ses propres origines et d’un déni de son propre patrimoine génétique à prédominance hybride...
Que ce soit en histoire ou en géographie humaine, le système éducatif continue à occulter le bio-brassage intensif millénaire des tunisiens, considérant ce phénomène de croisement génétique comme étant une ligne à haute tension à ne pas s’approcher !
De surcroît, le lapsus révélateur woucif وصيف (de peau noire) et hor حر ( de peau blanche) profondément incrusté dans notre héritage culturel et l’effet viral des réseaux sociaux ont dévoilé au grand jour les prédispositions discriminatoires d’une partie non négligeable d'une société tunisienne qui se vante d'être la plus tolérante dans sa sphère arabo-musulmane et l’un des premiers pays au monde ayant procédé à l'abolition de l’esclavage en 1846 …
Sauf aux daltoniens, il est bien visible que le socle chromatique de la peau des familles tunisiennes est si varié issu d'un long processus de métissage intensif, comme le démontre scientifiquement l'ouvrage collectif : « Les Tunisiens qui sont-Ils? D’où viennent-Ils ? Les révélations de la génétique » réalisé sous la direction du Laboratoire de Génétique, Immunologie et pathologies humaines (LGIPH) de la Faculté des Sciences de Tunis (FST), fruit de travaux effectués sur plus de 20 ans.
"Partant de la diversité génétique des populations tunisiennes actuelles, l’équipe du LGIPH a évalué et daté les apports d’origine subsaharienne, nord-africaine, moyen-orientale et européenne. Les résultats de plusieurs recherches publiées sont synthétisés dans cet ouvrage collectif et apportent plusieurs éclairages.
«Au Nord de l’Afrique, les métissages se sont effectués depuis les temps préhistoriques et ont déterminé la structure génétique des populations actuelles, les événements migratoires qui ont par la suite jalonné l’Histoire n’ayant fait qu’accentuer un socle génétique déjà diversifié.
Ainsi, le peuplement complexe, fondé sur de multiples métissages anciens, accompagné d’une tradition d’endogamie fortement ancrée, a sculpté la base de la structure génétique des populations tunisiennes actuelles qui se présentent comme une mosaïque, sans effet ethnique ou géographique net ».
Et « l'exception tunisienne » continue inlassablement à réveiller nos vieux démons …
Rabi yostor !
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