Poussé vers la sortie, Habib Essid va-t-il se mettre en réserve de la République ?

Poussé vers la sortie, Habib Essid va-t-il se mettre en réserve de la République ?

 

Samedi 30 juillet 2016, restera, certainement dans les annales comme un grand moment dans l’histoire de la jeune république tunisienne. Et pour les Tunisiens, un brin ébahis, un brin incrédules. Pour la première fois, le chef de l’exécutif se présente devant le parlement pour solliciter le renouvellement de cofinance pour son gouvernement. Un scénario naguère inimaginable. La plénière de samedi 30 juillet sera, à notre sens, une véritable épreuve de démocratie.  A condition que tous les acteurs  arrivent à jouer convenablement leur rôle, loin des pressions et des calculs partisans. Loin, également, de cette indigence qui a caractérisé la scène politique nationale.

Habib Essid, tel un soldat, « droit dans ses bottes » a décidé d’affronter son sort devant l’Assemblée des représentants du peuple qui l’a investi il y a quelque 18 mois. Un choix qui, selon lui, permettrait de dissiper le flou qui caractérise actuellement le paysage politique et de parachever la deuxième phase de l’initiative présidentielle avant la rentrée. Mais un choix que plusieurs observateurs voient comme une aventure mal calculée puisque Essid sait d’avance que la confiance lui sera retirée. Alors que pour d’autres, le recours au parlement est une reconnaissance de facto que  cette institution est le véritable centre du pouvoir.

Essid a ses raisons et il ne compte pas abandonner ni déserter comme il aime répéter. Il veut présenter son bilan qu’il croit plus positif que négatif, parler de la moitié du verre plein et escamoter la partie vide que ses détracteurs ne cessent de l’agiter pour démontrer l’échec de son gouvernement. Il veut, également, engager la responsabilité de tous, les partis de la coalition qui ne s’intéressent qu’aux nominations » et les membres de son équipe qui se sont désolidarisés de lui. Car, si échec il y a il n’en est  pas le seul responsable.

Il sait que son sort est scellé et que la machine s’est enclenchée pour l’éjecter en dehors de la Kasbah. Lâché par le président Béji Caid Essebsi qui «a brisé l’harmonie qui existait entre eux », il ne cache pas  son amertume face à ce qu’il considérerait comme « un coup de poignard dans le dos ». Sa déception n’en est que grande.

Dans les interviews qu’il a données à la chaîne « Attessia » et aux « La Presse » et « Essahafa Al Yaoum », il a ménagé « la chèvre et le chou », évitant de s’abaisser au niveau de ces roquets stipendiés qui ont menacé de le « malmener et de le trainer dans la boue ». Une manière de leur faire, indirectement, une belle leçon de morale. Toutefois, il a péché par un manque de franchise et de rigueur, avec « un regard vide et un air distant », comme pour  cacher une amertume que les expressions de son visage livide laissaient  apparaître.

Les Tunisiens seraient curieux de suivre un débat qui rehausse l’image les locataires du Bardo dont l’image a été fortement écornée. Ils s’attendent à des révélations « choc » de la part du chef du gouvernement, désavoué et abandonné par tous.

Mais Habib Essid qui a été élevé dans la culture de l’Etat, a jusque là fait preuve de beaucoup de diplomatie, de réserve  et de circonspection. Même si ses conseillers officiels et officieux le pressent de dire la vérité aux Tunisiens sur « les briseurs d’élan », les manœuvres politiciennes qui ont mis la pression sur son gouvernement, les réseaux occultes au sein de l’Etat…il  n’en dirait rien. Le sens de l’Etat prime chez lui.

Quelle image gardera-t-on de Habib Essid après son « départ forcé » de la Kasbah ? Celle d’un soldat, qui a combattu jusqu’aux bouts, indépendamment du d’équilibre des forces et qui a sauvé son honneur bafoué? Ou celle d’un homme meurtri, brisé et trahi par des félons qu’il a pourtant couverts et soutenus ? Ou encore l’image de quelqu’un qui est entré à la Kasbah en tant que haut commis de l’Etat et qui en est sorti en tant que politique aguerri ?

Tant il est vrai que depuis son « lâchage », Habib Essid a conquis la sympathie de beaucoup de Tunisiens et s’est trouvé  dans les habits d’un homme politique en réserve de la République.

Brahim OUESLATI

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